On lit dans Le Résistant à la guerre — n° d’été 1946 — cette description des prisons françaises due à Paul Brunel, objecteur de conscience.
« Les prisons françaises sont extrêmement dures. Là, tout est mis en activité pour dégrader l’individu. Discipline de fer, silence absolu, immobilité presque totale. L’administration de la prison prend soin d’enlever aux prisonniers tous les moyens de s’instruire ou de s’élever. En 1939, travaillant 13 heures pur jour, nous gagnions 2 fr. 50, mais les amendes en raison de l’imperfection de notre travail (ils l’appelaient sabotage), de l’insuffisance du rendement et des diverses infractions à la discipline, nous enlevèrent le peu que nous avions gagné. Les gardiens étaient de bons exemples de malhonnêteté et de trafics suspects de la plus basse immoralité. Ils détestaient tout particulièrement les prisonniers politiques, les communistes, les pacifistes et les objecteurs de conscience, parce que leur honnêteté barrait la route de leurs sales affaires. La saleté de la prison était repoussante. Une vermine inimaginable régnait dans les dortoirs. Les excréments débordaient des latrines et coulaient jusqu’à l’entrée du réfectoire. Les assiettes d’étain n’étaient jamais lavées et j’ai porté pendant 4 ans le même habit de forçat sans le changer et sans le laver. La nourriture était abominable et insuffisante, pourrie, moisie et sure, et était accompagnée d’un demi-litre d’eau souillée qu’on nous distribuait à midi et le soir. La mortalité était sans doute proportionnellement plus élevée qu’à Buchenwald. J’ai pesé jusqu’à 40 kilogrammes. La tuberculose et la famine causèrent des ravages terribles. Nous mangions les herbes du jardin, des chrysanthèmes et des iris, et toutes les bêtes que nous pouvions attraper, rats, lézards, etc. De malheureux mangèrent de la paille, du papier, des chiffons gras, etc. »
Selon lui, la mortalité, dans les prisons de France, était relativement plus élevée encore que dans les camps de concentration allemands !