La Presse Anarchiste

Humour, humour, quand tu nous tiens !

À ce qu’é­cri­vait Constant Whar dans notre avant-der­nier fas­ci­cule on pour­rait ajou­ter que dans tous les pays la presse anar­chiste est tout le contraire de folâtre. Cela se com­prend un peu étant don­né, comme dit l’autre, « la dure­té des temps »… Les gens s’a­musent à la manière de marion­nettes dan­sant sur un vol­can, sans déli­ca­tesse, sans élé­gance, sans finesse. On peut appe­ler ça des dis­trac­tions de mar­ché noir. Et pas seule­ment au figu­ré, car on n’est pas cer­tain si à la sor­tie du théâtre, du ciné­ma, du dan­cing où on est cen­sé oublier la triste réa­li­té, son voi­sin, sa voi­sine, son par­te­naire ne va pas être appré­hen­dé. Enfin lais­sons cela et essayons de déni­cher, où nous le pour­rons, quelques échan­tillons d’humour.

Une revue anglaise que j’ai sous les yeux s’a­muse à recueillir les perles tom­bées des pages des grands jour­naux d’Outre-Manche.

Voi­ci un exemple :

« Le conseil muni­ci­pal de Mar­gate a été sai­si par M. Marsh d’une demande d’ap­pui en vue de l’é­rec­tion d’une sta­tue bri­tan­nique de la Liber­té. M. Marsh pro­pose une énorme sta­tue de M. Chur­chill en uni­forme de Lord Gar­dien des Cinq Ports, éle­vée sur les falaises de Douvres, face à la mer. L’ex­tré­mi­té de son cigare serait éclai­rée jour et nuit de manière à être aper­çue par tous les navires tra­ver­sant la Manche (Eve­ning Stan­dard) ».

Conti­nuons par quelques échan­tillons cueillis dans des maga­zines popu­laires américains :

« Un tou­riste par­cou­rant l’ouest du Kan­sas, région aride et des­sé­chée par le vent, émet­tait des com­men­taires déplai­sants sur le cli­mat de la contrée. S’a­dres­sant à un né natif de cet État : « Alors, dans ce sacré pays, il ne pleut jamais ? — Par­don, répon­dit très gra­ve­ment l’autre, il y a quinze jours il a plu assez sérieu­se­ment au nord-est, à cinq lieues d’i­ci. Mais j’é­tais si occu­pé que je n’ai pas pu me déranger. »

« Il y a plu­sieurs hivers de cela, un incen­die rava­gea une petite ville de Penn­syl­va­nie. Les tuyaux, de la pompe étant gelés on ne put rien ten­ter pour le com­battre. Le conseil muni­ci­pal, à la séance qui sui­vit le sinistre, s’oc­cu­pa des mesures à prendre pour évi­ter le renou­vel­le­ment d’une pareille catas­trophe. Après plu­sieurs heures d’un débat ani­mé, l’un des conseillers se leva et s’é­cria : « Je pro­pose que les tuyaux de la pompe soient essayés trois jours avant qu’un incen­die éclate. » Un autre conseiller se dres­sa pour appuyer la pro­po­si­tion qui fut adop­tée sans autre discussion ».

« Comme on lui deman­dait pour­quoi il ne se met­tait jamais en colère, quelles que fussent les cir­cons­tances adverses, l’homme répon­dit : « Oh ! vous savez, c’est une ques­tion d’am­biance. J’ai une femme, cinq enfants, deux chiens et un allume-ciga­rettes. » (Bos­ton Globe).

J’al­lais oublier l’his­toire de la veuve à laquelle on remet le petit paquet, de cendres repré­sen­tant tout ce qui reste de son mari, inci­né­ré la veille. Elle en rem­plit un de ces sabliers des­ti­né à déter­mi­ner le temps néces­saire à la cuis­son des œufs à la coque. D’où sur­prise de l’en­tou­rage. « Bah ! — dit-elle, — il n’a jamais rien fait durant sa vie, il faut bien qu’il serve à quelque chose après sa mort. »

Tout cela ne dépasse pas l’hu­mour des alma­nachs honnêtes.

Mark Twain a réuni dans un volume une sélec­tion de contes rédi­gés par des humo­ristes amé­ri­cains d’une qua­li­té bien supé­rieure à ce qui pré­cède. J’ex­trais les lignes qui suivent d’« une visite à Bri­gham Young » (le fameux pré­sident des Mor­mons). par Charles F. Brown (Arte­mus Ward). Pour bien sai­sir l’his­toire il faut avoir pré­sent à l’es­prit qu’il attri­bue au « Grand Mogol » des Mor­mons quatre-vingts femmes.

« Dans une conver­sa­tion pri­vée avec Bri­gham, j’ap­pris les faits sui­vants : il lui faut six semaines pour embras­ser ses femmes. Il ne le fait qu’une fois par an et c’est pis que récu­rer la mai­son. Il pré­tend ne pas connaître, ses enfants — il en a une telle quan­ti­té — mais eux le connaissent. Tous les enfants qu’il ren­contre l’ap­pellent Papa et il admet qu’il en soit ain­si. Ses épouses sont très dépen­sières. Il leur faut tou­jours quelque chose à ache­ter et s’il refuse, elles mettent la mai­son sens des­sus des­sous. II dit ne pas avoir une minute de tran­quilli­té. Ses femmes se battent tel­le­ment entre elles qu’il a dit leur faire bâtir une pièce spé­ciale et lors­qu’il y en a deux qui se crêpent le chi­gnon, il les envoie dans cette salle où elles règlent leur dif­fé­rend selon les méthodes en usage dans les matches de boxe de Londres. Par­fois, c’est à lui qu’elles en ont. Elles lui ont arra­ché la presque tota­li­té de ses che­veux et il porte sur tout le corps d’hor­ribles cica­trices, suites de bles­sures infli­gées par des manches à balai et autres usten­siles ména­gers. De temps à autre elles deviennent folles et lui versent des­sus des cas­se­roles d’eau bouillantes. S’il perd son sang-froid, elles l’en­ferment dans un cabi­net noir et le fouettent à la façon des mères de famille envers leur pro­gé­ni­ture qui leur déso­béit. Il lui est arri­vé quel­que­fois, lors­qu’il se bai­gnait dans le Lac Salé, de les voir lui voler tous ses vête­ments, l’o­bli­geant à ren­trer chez lui par des rues désertes dans la tenue scan­da­leuse de l’Es­clave Grec. — « Je trouve, déclare le Pro­phète, que le far­deau de la vie conju­gale est bien lourd pour moi, et il m’ar­rive par­fois de regret­ter de n’être pas reste célibataire »…

En effet, c’est à vous dégoû­ter d’être polygame.

[/E.A./]

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