La Presse Anarchiste

Indépendant ?

J’ouvre un dic­tion­naire et voi­ci ce que je trouve en fait d’ex­pli­ca­tion : « Qui aime à ne dépendre de per­sonne ». Ne dépendre de per­sonne, voi­là la solu­tion, ou plu­tôt la théo­rie ; mais regar­dons la ques­tion sous l’angle du pra­tique, du moral, du matériel.

Ne dépendre de per­sonne implique une force de volon­té de puis­sance, jointe a une puis­sance de volon­té, pour pro­duire l’éner­gie néces­saire, pour com­battre et bri­ser les obs­tacles que dressent devant le « Moi » le milieu social, l’É­tat, l’es­pèce humaine auto­crate, et plé­béienne, l’é­du­ca­tion reli­gieuse, chré­tienne et laïque, l’as­saut des idées fixes et des idéaux ; tous fruits de l’é­du­ca­tion qui nous étreint et entrave le déve­lop­pe­ment et la réa­li­sa­tion de notre unicité.

Être indé­pen­dant implique ne dépendre de per­sonne, mais être soi-même, sa pro­prié­té, pou­voir dis­po­ser de son « moi » ?

Mais pour dis­po­ser de son « moi » le don­ner, le reprendre, il faut se posséder.

Seul est indé­pen­dant celui qui s’appartient.

Com­bien se pos­sèdent ? Comme je le disais plus haut, il y a les fruits héré­di­taires d’une morale qui couvre et entrave nos concep­tions, nos besoins, nos dési­rs mal­gré nous ; la Morale, fruit d’une idée fixe dont nous sommes pos­sé­dés ; et ce lourd bou­let nous lie au ser­vice d’une idée ou d’une illu­sion, spi­ri­tuel­le­ment par­lant. Nous ne sommes donc pas à ce moment indé­pen­dants, mais au ser­vice d’une force que nous éle­vons au-des­sus de notre unique, que nous res­pec­tons et dont nous sommes les serviteurs.

Maté­riel­le­ment, et c’est là que délais­sant le ter­rain spi­ri­tuel, après le triomphe sur les Idéaux, les sen­ti­ments, la sen­si­ble­rie lar­moyante, la ques­tion qui se pose la pre­mière est d’é­le­ver l’in­tel­li­gence du cœur, œuvre qui n’est que la pre­mière par­tie de l’In­dé­pen­dance, mais aus­si la plus facile, car le conflit se limite à notre « moi » inté­rieur ; ensuite vient la lutte pour le triomphe de l’Indépendance.

Com­bien de Rebelles ont réa­li­sé cette pre­mière par­tie, mais, mis en pré­sence du milieu social qu’ils subissent, n’ont pu se déta­cher, s’é­loi­gner de cette Place publique ; ces forts étaient des faibles, ils ont bri­sé des idéaux mais les ont rem­pla­cés par des Illu­sions, des mirages ; le men­songe vital qu’ils ont éle­vé en leur « Moi » s’est tout à fait écrou­lé en plein car­re­four, au souffle des hurleurs.

La faim les a pris aux entrailles, ces réfrac­taires. La Volon­té et la puis­sance ont dis­pa­ru pour faire place aux besoins. Le com­pa­gnon retour­ne­ra la tête basse au sein du milieu social dont il n’a pu s’af­fran­chir ; la com­pagne, sans appui, subi­ra sa fai­blesse phy­sique et morale, sacri­fie­ra son indi­vi­dua­li­té, ses affec­tions, ses joies, son bon­heur afin de se créer une situa­tion qui lui per­met­tra de « lut­ter pour la Vie » !

Hélas !

[/​Louis Chaix./​]

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