La Presse Anarchiste

Le Congrès de l’U.D. du Rhône

Le Congrès de l’U­nion dépar­te­men­tale des Syn­di­cats auto­nomes du Rhône s’est tenu au Cercle Syn­di­ca­liste, à Vil­leur­banne, les 31 octobre et 1er novembre, sous la pré­si­dence du cama­rade Pierre Bes­nard. La pre­mière jour­née a été consa­crée à l’exa­men du rap­port moral, du compte ren­du finan­cier et de la ges­tion du Cercle syn­di­ca­liste, confiée au cama­rade Accary.

Le cama­rade Four­cade, secré­taire, ouvre les débats en don­nant lec­ture du rap­port moral. Il demande aux délé­gués de for­mu­ler leur opi­nion sur la ges­tion qui vient de prendre fin.

Koch, des Ter­ras­siers, exprime le désir que, le Secré­taire com­mente son rap­port. Il regrette que l’U­nion n’ait pas eu une vie plus active et demande des expli­ca­tions à ce sujet.

Four­cade lui répond que bien qu’il consi­dère que le rap­port envoyé aux syn­di­cats et dont il vient de don­ner lec­ture reflète par­fai­te­ment l’ac­tion de l’U­nion, il est néan­moins à la dis­po­si­tion du Congrès. Exa­mi­nant alors les rai­sons qui ont empê­ché le Bureau et la Com­mis­sion Exé­cu­tive de faire toute la pro­pa­gande néces­saire : dettes anciennes à régler, absence de per­ma­nent, etc., le Secré­taire démontre que le Bureau a fait tout ce qui était en son pou­voir au prix sou­vent de sacri­fices per­son­nels indéniables.

Ce n’est d’ailleurs pas, ajoute-il, au Bureau de l’U­nion à se rendre dans les syn­di­cats, mais aux syn­di­cats à faire appel à l’U­nion pour leur pro­pa­gande sociale et s’il s’a­git de pro­pa­gande cor­po­ra­tive il est indis­cu­table que celle-ci incombe aux syndicats.

Rait­zon par­tage tout à fait cette façon de voir.

Allègre, La planche, Gar­ros, Charent sont tous d’ac­cord pour recon­naitre que le point de vue expo­sé par Four­cade est l’ex­pres­sion de la véri­té. Le Bureau s’est tou­jours ren­du aux appels des syn­di­cats et Koch devrait se rendre compte plus exac­te­ment des dif­fi­cul­tés ren­con­trées avant de for­mu­ler des cri­tiques qui appa­raissent un peu légères, sur­tout si on tient compte des résul­tats obtenus.

Koch n’en renou­velle pas moins ses regrets. Il espère qu’à l’a­ve­nir on élar­gi­ra le champ d’ac­tion et de recru­te­ment de l’U.D. du Rhône. Il déclare que son syn­di­cat vote­ra le rap­port moral et que les cri­tiques qu’il a for­mu­lées n’ont pour but que de sti­mu­ler le Bureau.

Après quelques expli­ca­tions com­plé­men­taires de Laplanche et une brève réponse de Four­cade, le rap­port moral est adop­té à l’unanimité.

La séance de l’a­près-midi est consa­crée à l’exa­men du compte ren­du finan­cier. En l’ab­sence du Tré­so­rier, malade, c’est le cama­rade Ber­ger qui donne connais­sance de la situa­tion finan­cière. La Com­mis­sion de contrôle n’ayant pu se réunir avant le Congrès, comme il avait été pré­vu, le Congrès décide qu’elle va se tenir ce soir pour four­nir son rap­port. En atten­dant qu’elle remette son trayail, le Congrès exa­mine la ges­tion du Cercle. Après une dis­cus­sion assez longue, par­fois un peu confuse, le Congrès décide éga­le­ment que la ges­tion du Cercle sera exa­mi­née par la Com­mis­sion de ges­tion à laquelle il adjoint les cama­rades Pet­las, Joët et Vacher, avec mis­sion de rap­por­ter avant la fin de la jour­née sur la ques­tion et la séance est suspendue.

Elle est repri­sé une heure après. La Com­mis­sion donne les bases d’un règle­ment pos­sible avec le gérant. Ces bases étant accep­tées de part et d’autre, sont éga­le­ment accep­tées par le Congrès. En outre le Congrès déclare que tous les bruits col­por­tés sur le compte du gérant sont sans fon­de­ment et affirme que celui-ci‑a tou­jours rem­pli conscien­cieu­se­ment ses fonctions.

La séance est ren­voyée au len­de­main pour la dis­cus­sion sur l’o­rien­ta­tion syndicale.

Four­cade ouvre le débat après que le compte-ren­du finan­cier ait été accepté.

Il exa­mine les causes des scis­sions, leurs consé­quences et situe par­fai­te­ment la posi­tion pré­sente des syn­di­ca­listes auto­nomes. Il démontre que ceux-ci n’ont qu’une issue pour sor­tir de la situa­tion dans laquelle ils sont : consti­tuer un orga­nisme solide qui grou­pe­ra toutes leurs forces. Il invite les syn­di­cats à se pro­non­cer fer­me­ment dans ce sens.

Bes­nard, repré­sen­tant le Comi­té d’or­ga­ni­sa­tion des syn­di­cats auto­nomes et de l’U.F.S.A., après avoir salué le Congrès, expose tout le méca­nisme des scis­sions. Il en démontre les ori­gines et les causes et fait res­sor­tir que les aban­dons suc­ces­sifs des prin­cipes et des buts du syn­di­ca­lisme ne pou­vaient avoir d’autres résultats.

L’ou­ver­ture d’une période révo­lu­tion­naire ne per­met plus aux diverses ten­dances syn­di­cales de s’u­nir pour une action com­mune, en rai­son de l’op­po­si­tion de leurs buts. Il y a donc obli­ga­tion pour cha­cun de suivre sa route.

Bes­nard expose ensuite com­ment le syn­di­ca­lisme devra, pour être en mesure de rem­plir sa tâche, élar­gir sa pro­pa­gande et son action en l’é­ten­dant à toutes les forces de pro­duc­tion, qu’elles soient indus­trielles ou agraires, tech­niques, scien­ti­fiques ou manuelles.

Il convie les syn­di­cats du Rhône à res­ter fidèles à leur belle tra­di­tion révo­lu­tion­naire et à faire le pre­mier geste impor­tant en vue de l’u­ni­té des forces syndicalistes.

Après que le délé­gué du Comi­té d’or­ga­ni­sa­tion eut répon­du à la satis­fac­tion de tous, aux ques­tions qui lui furent posées, le Congrès adop­ta par 26 voix contre‑3 et une abs­ten­tion, la réso­lu­tion suivante :

Consi­dé­rant :

1°) Que les deux C.G.T., par leurs dévia­tions répé­tées, ont entrai­né défi­ni­ti­ve­ment le syn­di­ca­lisme hors de son cadre et qu’en agis­sant ain­si, elles ont renié sa doc­trine, ses buts et ses moyens d’action ;

2°) Que par l’af­fir­ma­tion de leurs prin­cipes d’in­té­rêt géné­ral ou de dic­ta­ture poli­tique, les deux C.G.T. ne visent, désor­mais, qu’à conso­li­der l’É­tat bour­geois ou à ins­tau­rer la domi­na­tion d’un par­ti ; que toutes les deux C.G.T. tendent, non pas à libé­rer les tra­vailleurs, mais à les main­te­nir dans l’as­ser­vis­se­ment au pou­voir actuel ou à les assu­jet­tir à un régime dont elles sont ou seraient l’un des organes essentiels ;

3°) Qu’en pré­ci­sant ain­si leurs concep­tions, les deux C.G.T. ont sys­té­ma­ti­que­ment écar­té de leur sein tous les tra­vailleurs qui n’ac­ceptent ni la dic­ta­ture de la social-démo­cra­tie bour­geoise, ni telle du par­ti communiste ;

4°) Que l’af­fir­ma­tion de leurs des­seins, au cours d’une période révo­lu­tion­naire vir­tuel­le­ment com­men­cée, a eu pour consé­quence de rendre vaines toutes les ten­ta­tives de recons­ti­tu­tion de l’u­ni­té orga­nique et voué à l’in­suc­cès tous les essais d’u­ni­té d’action ;

5°) Que les deux Congrès confé­dé­raux d’août 1925 et la Confé­rence dite inter­con­fé­dé­rale, qui les sui­vit, ain­si que l’é­chec des pro­po­si­tions adres­sées aux deux C.G.T. par le Comi­té de grève géné­rale syn­di­ca­liste en décembre 1925 et jan­vier 1926, ont sanc­tion­né l’im­pos­si­bi­li­té d’u­nir orga­ni­que­ment, ou pour une action momen­ta­née ― fut-ce contre le fas­cisme ― les forces syn­di­ca­listes fran­çaises aujourd’­hui séparées ;

6°) Que l’au­to­no­mie, choi­sie comme moyen pro­vi­soire pour acti­ver la réa­li­sa­tion de l’U­ni­té, s’est révé­lée, à l’u­sa­gé, net­te­ment insuf­fi­sante ; que sa pra­tique a eu pour consé­quence d’é­loi­gner les unes des autres les orga­ni­sa­tions ouvrières et de les confi­ner dans une action cor­po­ra­tive exclu­sive de toute action sociale ; que cette situa­tion éco­no­mique, qui devait être essen­tiel­le­ment pro­vi­soire, est aujourd’­hui condam­née par les faits ; qu’il convient, au contraire, et confor­mé­ment à la doc­trine syn­di­ca­liste qui pré­co­nise l’u­nion des forces ouvrières, de recons­ti­tuer le mou­ve­ment syn­di­cal, de le réno­ver, d’é­tendre son action du métier à l’in­dus­trie, de la loca­li­té au pays et à l’In­ter­na­tio­nale ; qu’en per­sis­tant dans la posi­tion d’au­to­no­mie cor­po­ra­tive, indus­trielle ou locale, les orga­ni­sa­tions syn­di­cales don­ne­raient rai­son aux par­tis poli­ti­quas qui n’as­signent au syn­di­ca­lisme qu’un rôle cor­po­ra­tif et se réser­vant la conduite de toute l’ac­tion sociale, du prolétariat.

Le Congrès de l’U­nion des Syn­di­cats du Rhône, réuni le 1er novembre 1926, déclare :

1°) Que le pre­mier devoir des syn­di­ca­listes consiste, main­te­nant, à ras­sem­bler d’ur­gence, dans un même orga­nisme, tous leurs élé­ments épars à tra­vers le pays, de faire, en un mot, sur leur plan, ce que les deux C.G.T. ont fait sur le leur ;

2°) Qu’en pré­sence de la gra­vi­té excep­tion­nelle des évé­ne­ments actuels et de l’é­ten­due de leurs consé­quences pos­sibles, cette uni­té doit être assu­rée soli­de­ment et ne peut l’être que par la consti­tu­tion d’un orga­nisme natio­nal, lié lui-même orga­ni­que­ment avec les mou­ve­ments syn­di­caux des pays se pla­çant sur le même plan ;

3°) Que les expé­riences ten­tées jus­qu’à ce jour depuis la sor­tie de ces élé­ments des deux C.G.T. prouvent, sans conteste pos­sible, que l’or­ga­nisme natio­nal envi­sa­gé, ne peut être, lui-même, qu’une autre C.G.T. basée sur les prin­cipes du syn­di­ca­lisme révo­lu­tion­naire, fédé­ra­liste et anti-étatique ;

4°) Que cette C.G.T., qui aura charge de grou­per dans son sein tous les tra­vailleurs conscients de la lutte de classe, sur le plan du syn­di­ca­lisme, doit être libre, auto­nome et indé­pen­dante de tous les autres grou­pe­ments, quel que soit le carac­tère de ceux-ci et quels que soient leurs buts.

En consé­quence, le Congrès affirme qu’il est du devoir des syn­di­cats du Rhône d’as­sis­ter au Congrès convo­qué à Lyon les 15 et 16 novembre 1926, par le Comi­té d’or­ga­ni­sa­tion consti­tué par l’U.F.S.A., la Fédé­ra­tion natio­nale du Bâti­ment et la Fédé­ra­tion auto­nome des Coif­feurs, dans le but de scel­ler l’u­ni­té orga­nique des forces syn­di­ca­listes révolutionnaires.

Il pro­clame que, seule, l’u­ni­té ain­si recons­ti­tuée des forces syn­di­ca­listes peut per­mettre aux syn­di­cats aujourd’­hui auto­nomes de s’op­po­ser, avec chance de suc­cès, aux entre­prises de tous les par­tis qui se dis­putent un pou­voir chan­ce­lant et veulent impo­ser aux tra­vailleurs une domi­na­tion reje­tée par ceux-ci.

Tou­te­fois, sou­cieux de l’in­té­rêt immé­diat et futur de la classe ouvrière, le Congrès pré­cise que son adhé­sion à un tel orga­nisme est subor­don­née aux condi­tions suivantes :

1°) La nou­velle C.G.T. devra répondre favo­ra­ble­ment à toute demande d’u­ni­té d’ac­tion sur le plan cor­po­ra­tif, qui pour­rait lui être adres­sée par l’une ou l’autre C.G.T. ou les deux à la fois, en vue d’une action défen­sive ou offen­sive et concer­nant les inté­rêts immé­diats des tra­vailleurs (salaires, 8 heures, etc., etc.). Le cas échéant, la nou­velle C.G.T. ne devra pas hési­ter à pro­vo­quer elle-même cette uni­té d’ac­tion. Le Congrès entend, tou­te­fois, que le nou­vel orga­nisme ne par­ti­cipe qu’à une action exclu­si­ve­ment syndicale ;

2°) La nou­velle, C.G.T. devra par­ti­ci­per à toute action réel­le­ment révo­lu­tion­naire, que ce soit pour résis­ter aux entre­prises réac­tion­naires du pou­voir actuel ou pour ren­ver­ser ce pouvoir.

Ces pré­ci­sions néces­saires appor­tées, le Congrès n’en consi­dère pas moins que l’u­ni­té orga­nique du pro­lé­ta­riat ne devien­dra pos­sible, sur le ter­rain syn­di­cal, qu’a­près la faillite, loin­taine ou pro­chaine, des par­tis et des C.G.T. qui leur servent d’ap­pen­dices, et il affirme que cette uni­té ne se réa­li­se­ra que sur le plan du syndicalisme.

Le Congrès pro­clame éga­le­ment que la par­ti­ci­pa­tion de la nou­velle C.G.T. aux luttes cor­po­ra­tives ou révo­lu­tion­naires, aux côtés des autres C.G.T:, ne doit avoir pour but que de réa­li­ser le maxi­mum des buts fixés par le syndicalisme.

Il n’hé­site pas à décla­rer, notam­ment, que la nou­velle C.G.T. devra, au cours d’é­vé­ne­ments révo­lu­tion­naires ayant per­mis d’a­battre l’ordre bour­geois, pour­suivre inflexi­ble­ment la tâche que lui impose la doc­trine du syn­di­ca­lisme, même si dans cette tâche elle doit se heur­ter ou s’op­po­ser aux autres C.G.T. et à leurs par­tis, de quelle façon que ce soit.

Ayant ain­si res­ti­tué à la réso­lu­tion son véri­table carac­tère de fait social, qui donne à cha­cun le droit de ten­ter, d’ob­te­nir le maxi­mum de résul­tats, sui­vant les buts qu’il s’est assigné.

Avant déter­mi­né d’une façon pré­cise le rôle du syn­di­ca­lisme dans l’ac­tion géné­rale et immédiate.

Le Congrès déclare que les syn­di­cats auto­nomes doivent sou­der immé­dia­te­ment leurs forces en consti­tuant une nou­velle Confé­dé­ra­tion Géné­rale du Tra­vail qui, après la défec­tion des deux autres, sera la conti­nua­tion de la première.

Le Congrès adopte un ordre du jour par lequel il mani­feste sa sym­pa­thie au cama­rade Four­cade, secré­taire sor­tant, pour le bon tra­vail qu’il a accom­pli en ces temps dif­fi­ciles et le pré­sident déclare le Congrès clos, après avoir don­né ren­dez-vous aux syn­di­cats pour les 15 et 16 novembre à Lyon.

[/​P. B./]

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