Angleterre
Un camarade anglais, très au courant de la situation économique de la Grande-Bretagne, nous écrit de Londres ce qui suit :
« …Les mineurs tiennent encore et semblent être en état de le faire indéfiniment. Dieu sait comment ils arrivent à tenir ferme. Les effets résultant d’une nourriture insuffisante doivent être bien mauvais. Les hommes ne peuvent pas réduire leur nourriture à un minimum sans miner sérieusement leur organisme. Mais il n’y a aucun doute que nombre d’entre les mineurs parlent sérieusement de mourir de faim plutôt que de se soumettre.
« Il y a trois mois, un accord par négociation aurait été possible, mais le passage de la loi des huit heures introduite par le gouvernement a tué toute chance d’un accord. Les mineurs savent maintenant que presque toutes les réserves de charbon du pays sont épuisées et que les industries et les chemins de fer ne peuvent fonctionner que par l’achat à des prix très élevés du charbon d’importation. Nos propriétaires patriotiques des mines, chez lesquels le travail n’est pas interrompue, vendent leur charbon à raison de 55 sh. la tonne [[440 francs-papier.]] au lieu d’extraction. Le charbon meilleur marché, à Londres, est de 4 sh. 3 d. les 50 kilos [[34 francs-papier.]], et dans certaines localités le prix atteint 5 sh. les 50 kilos [[40 francs-papier.]]. Maintenant que nous avons eu des jours vraiment froids, les mineurs espèrent et attendent à ce que le cher public qui gèle fera un tel chahut que le gouvernement se verra obligé de faire pression sur les propriétaires des mines. Je considère, néanmoins, que pour des raisons politiques — le prestige de l’État étant en jeu ― le gouvernement est déterminé à ne pas céder. Il est plutôt content de voir les forces du Travail s’épuiser dans la lutte, et plus ça dure, plus sûr est-il que pour bien d’années à venir, i1 ne sera plus embêté avec des grèves sur grande échelle. Une fois le syndicat le plus puissant de la Grande-Bretagne brisé, des « sacrifices » seront, demandés, aux autres industries. Les cheminots seront certainement les premiers contre lesquels l’attaque sera dirigée, et comme leur caisse est presque vide, ils devront s’incliner de bonne grâce. Les trade-unionistes anglais, ou plutôt britanniques, sont maintenant obligés d’admettre que leur position privilégiée « d’atelier du monde » appartient au passé et qu’ils sont ramenés au niveau des « pauvres ouvriers étrangers » qu’ils avaient l’habitude de regarder de haut avec pitié, si pas avec dédain.
« Il est difficile de dire si ces nouvelles conditions pourront éventuellement susciter un esprit plus révolutionnaire. Mais, aujourd’hui, considérant la situation à un point de vue général, et malgré la grève générale [[Ne serait-ce pas plus exact de dire : à cause du fiasco de la Grève Générale ? N.D.L.R.]], les ouvriers sont abattus et découragés : ils sont loin, bien loin de tout élan révolutionnaire. Peut-être Se tourneront-ils, aux prochaines élections, du côté de la Labour Party ? Après tout, l’action de jeter un bout de papier dans l’urne ne nécessite pas un grand courage. Ce ne sera que l’expression d’une pieuse espérance, comme quand on lève les mains vers le ciel… »
Autriche
Le mouvement ouvrier autrichien est totalement sous la tutelle des social-démocrates qui ont usé de tous les moyens pour empêcher la tendance révolutionnaire de prendre racine au sein de la classe ouvrière d’Autriche. Mais une telle situation ne peut durer éternellement, et la première brèche dans le mur chinois qui séparait les syndicats autrichiens de l’activité révolutionnaire vient d’être faite.
Les employés d’hôtels, restaurants et cafés viennent de créer un syndicat à tendance syndicaliste révolutionnaire, se séparant de la centrale syndicale réformiste autrichienne. Mais cet événement nouveau dans la vie du pays enragea social-démocrates et gouvernement républicain. Cette fédération syndicaliste fut dissoute, comme illégale, par la Chancellerie de la république autrichienne. L’organisation syndicaliste fit appel contre cette décision devant le tribunal constitutionnel qui révoqua l’ordre de dissolution.
Cet état de choses, quand un État républicain interdit une organisation ouvrière pour la seule raison qu’elle se place sur le terrain de la lutte révolutionnaire, de classes et a des buts différents des social-démocrates, est ‘maintenant définitivement changé. La route pour la création d’organisations syndicalistes est maintenant libre pour nos camarades d’Autriche ; espérons qu’elle sera bientôt largement mise en usage.
Mexique
Pendant que les syndicats réformistes du Mexique clignent de l’œil droit du côté d’Amsterdam et de l’œil gauche du côté de Moscou, nos camarades de la C.G.T. révolutionnaire continuent à faire du bon travail. Le 5e Congrès de la C.G.T. (qui, disons-le en passant, adhère à l’A.I.T.) s’est tenu en juillet à Mexico. Y furent représentés 98.000 ouvriers et paysans par 300 délégués mandatés par 298 syndicats ouvriers et 15 syndicats agricoles. Malgré toutes les persécutions du gouvernement socialiste mexicain, la C.G.T. continue à progresser et à réunir autour d’elle les éléments réellement prolétariens de la population urbaine et rurale. Quant à la centrale réformiste, la C.R.O.M. (Confédération Régionale Ouvrière Mexicaine), elle est composée surtout des éléments social-réformistes, des fonctionnaires d’État, des policiers, des percepteurs- d’impôts, des fonctionnaires de tribunaux et de la justice, des gardiens de prison, etc. C’est avec ceux-ci que Purcell, Brown et Tomsky vont tâcher de s’entendre. Nous le leur souhaitons de bon cœur.