…L’évolution laissée à elle-même éliminera un peu plus tôt ou un peu plus tard toute autre forme sociale et nous laissera l’Anarchie. Mais l’évolution dirigée s’efforcera de découvrir l’élément commun dans ses échecs du passé, rejettera sommairement tout ce qui possède en soi cet élément et acceptera sur le champ l’Anarchie, qui ne le contient pas. Parce que nous sommes les produits de l’Évolution, nous ne devons pas être forcément ses marionnettes. Au contraire, à mesure que s’accroît notre intelligence, nous en devenons de plus en plus les maîtres. C’est justement parce que nous nous laissons imposer par l’Évolution, parce que nous nous efforçons de discuter avec elle plutôt que de la devancer ; c’est parce que nous musons, flânons ou gaspillons notre temps que nous nous préoccupons de scrutins secrets, scrutins publics et autres fariboles, au lieu d’envisager la question du vote du point de vue des principes, et que « nous préparons la voie » à notre grand regret — à ces grandes « révolutions » et à ces « grandes époques » où les extrémistes prennent soudainement le dessus. Grandes époques, vraiment ! Plutôt grands désastres qu’il nous appartient d’éluder avec vigilance. Mais comment ? En étant des extrémistes aujourd’hui. S’il y avait plus d’extrémistes en périodes évolutionnaires, il n’y aurait pas de périodes révolutionnaires. Il n’y a pas de leçon plus importante que celle-là à apprendre pour l’humanité…
[/Benj. R.