La Presse Anarchiste

Points de repère

Qui fera respecter les con­trats dans un milieu indi­vid­u­al­iste anar­chiste, deman­dez-vous ? — L’in­térêt, l’in­térêt tout sim­ple­ment, si la notion de dig­nité vous effraie. C’est aller con­tre son intérêt que de con­clure un accord avec l’in­ten­tion pré­conçue de ne pas tenir ses engage­ments. Cela pour­ra jouer une fois, deux fois, trois fois peut-être. À la fin per­son­ne ne voudra plus traiter avec quelqu’un qu’on sait habitué à se dérober à ses promess­es. Mieux encore, tant que la men­ace d’une sanc­tion est néces­saire pour que, dans une asso­ci­a­tion don­née, les co-asso­ciés rem­plis­sent des claus­es d’un pacte libre­ment accep­té, la pra­tique anti­au­tori­taire est impos­si­ble. Voilà pourquoi il faut com­mencer par le com­mence­ment : sus­citer une espèce d’hommes qui n’ont besoin ni de men­aces ni de sanc­tions d’un genre ou d’un autre pour exé­cuter libre­ment les ter­mes des ententes qu’ils souscrivent.

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La plus grande per­ver­sion qui soit au monde n’est-elle pas de s’in­fliger la tor­ture du renon­ce­ment à la volup­té, alors que tout votre être la perçoit besog­nant dans l’en­vi­ron­nement tel­lurique, qu’il l’ap­pelle et qu’il la sent comme une par­tic­i­pa­tion qui lui est due, à son titre d’u­nité inté­grée dans cet environnement ?

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Ne vous y trompez pas. Rien n’a été accom­pli en fait d’a­vance indi­vidu­elle ou col­lec­tive, de per­cep­tion plus ample, plus large, plus vaste des choses et des états d’être qui n’ait été l’œu­vre des nova­teurs, des exagérés, des héré­tiques, des anor­maux et autres en dehors. Ce sont eux, isolés ou unis, qui ont tiré le char de l’ornière, dégagé l’in­di­vidu de la gangue con­formiste, emmené les col­lec­tiv­ité sur les som­mets où l’on respire un air plus pur, où l’on baigne dans la lumière du soleil. Les pondérés, les sou­tiens d’or­dres étab­lis, les ortho­dox­es, les nor­maux ont tou­jours con­sti­tué des forces d’in­er­tie, de sta­tisme ram­pant et trainant. Cela a été proclamé, bien plus élo­quem­ment que je le fais, par des voix plus autorisées que la mienne, des mil­liers et des mil­liers de fois. Mais cela n’empêche pas que dans tout milieu dit affranchi — et rares sont les excep­tions — on évince sans façons ceux qui font mon­tre d’une allure un peu plus dynamique que les autres.

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J’imag­ine que le seul moyen d’être imper­méable à ces non-con­formismes que les églis­es — religieuses, laïques, révo­lu­tion­naires, hygiéniques ou autres — dénom­ment « per­ver­sions » ou « vices » est de les pos­séder tous.

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Le secret de la réus­site des asso­ci­a­tions con­siste en la volon­té des co-asso­ciés de ne pas leur deman­der davan­tage que le com­porte leur apport indi­vidu­el ― matériel, moral ou intellectuel.

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Au dedans d’une asso­ci­a­tion ou d’une union où n’ex­is­tent plus aucun des préjugés, hypocrisies ou con­di­tions quel­con­ques d’ex­is­tence qui nous ren­dent haïss­able le milieu social où nous évolu­ons for­cé­ment : la société bour­geoise a cessé d’être. C’est aus­si en ce sens qu’il con­vient d’in­ter­préter ce dit de Stirn­er que « l’u­nion ou l’as­so­ci­a­tion détru­it la société ». Si au sein de cette asso­ci­a­tion on retrou­ve les mêmes mœurs, les mêmes notions pré­conçues, les mêmes con­traintes, les mêmes refus que dans le milieu bour­geois, ce n’é­tait pas la peine de s’unir.

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L’é­clec­tisme est une for­mule très com­mode pour les paresseux en matière de réal­i­sa­tions ; ils pré­ten­dent qu’à force d’en­ten­dre toutes sortes de sons de cloches, on trou­ve à toutes un son égal. Bon pré­texte pour se con­tenter du train-train terne et quo­ti­di­en d’un vie que ne vient boule­vers­er rien de bon ni de mau­vais, ni excès, ni vertus.

[/E. Armand./]


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