Le procès de Centralia vient de se terminer par la condamnation de 11 militants des Travailleurs industriels du Monde. Leur crime : le 11 novembre dernier, jour anniversaire de l’armistice, leur local est violemment envahi par des chauvins forcenés, conduits par une brute de la pire espèce, le lieutenant Grimm. Convaincus du droit de légitime défense, les syndicalistes révolutionnaires, revolver au poing, se défendent ; Grimm tombe, mortellement blessé. La populace, déjà très surexcitée, pousse des cris de cannibales, elle veut donner libre cours ses instincts lyncheurs ; un des militants est criblé de balles, ensuite pendu, et enfin son cadavre donné en pâture à la foule qui, semblable à des bêtes de proie, se jette dessus, non pour satisfaire sa faim, ce qui pourrait être excusable, mais pour assouvir des appétits plus dégénérés encore que ceux qu’inspire le cannibalisme. Des arrestations prétendues légale eurent lieu. 11 militants furent mis en accusation : meurtre du lieutenant Grimm. Les deux avocats des inculpés, George Vanderveer et Elmer Smith, de par le jeu des lois scélérates — les lois contre le syndicalisme révolutionnaire — deviennent complices de leurs clients et tombent sous les coups de la même démence juridique, car peut-on qualifier autrement que de démence l’application de telles lois. Vanderveer a pu quand même obtenir la permission de défendre les Travailleurs industriels, mais l’avocat Smith, malgré toutes ses instances, n’a pu quitter sa cellule pour venir remplir ses fonctions de défenseur, fonctions généralement reconnues comme sacrées par toutes les nations civilisées, surtout par celles qui prétendent être les champions du Droit et de la Justice. Nous ne savons pas encore quel a été, dans cette affaire, l’arrêt de la cour après le verdict du jury.
Dans la même ville où a été entendue l’affaire de Centralia, c’est-à-dire à Montesano (État du Washington) mais devant une autre cour, 10 autres militants du syndicalisme, révolutionnaire ont été condamnés à des peines variant entre quatre et vingt ans de bagne.
À Chicago, 21 militants ont été condamnes aux mêmes peines, en vertu des mêmes lois. Après que le verdict fut rendu, un juré a osé dite, que si l’avocat avait été mis sur la liste, il aurait, lui aussi, été reconnu coupable. On comprend facilement combien, dans ces affaires, il est difficile de trouver des avocats pour assister les accusés dans leur défense ; ceux qui le font sont sans aucun doute des hommes d’un courage peu ordinaire, puisqu’ils ont à braver la fureur de la populace qui hurle à leurs trousses, la stupidité du public qui les frappe d’ostracisme, et la démence des juges qui les envoient en prison. À Oakland (Californie), une dame de la bourgeoisie, Mlle Anita Whitney, a été condamnée par une cour d’assises pour avoir sympathisé avec des ouvriers persécutés par les lois d’exception ; elle avait aidé ces malheureux à se procurer le cautionnement nécessaire pour obtenir leur liberté provisoire. Cette condamnation a soulevé une profonde indignation dans les milieux où les instincts d’humanité ne sont pas entièrement morts. La campagne pour l’abrogation des lois infâmes continue ; nous osons augurer qu’elle produira bientôt de bous résultats.
Le Ministère dit Travail vient de publier des statistiques qui montrent que, de 1913 à 1919, le coût de la vie a augmenté aux États-Unis de 83,1 % pendant que les salaires n’augmentaient que de 55%.