La Presse Anarchiste

Choses de Corse

[/​Ajac­cio, le 17 Mars 1920./​]

« Mon cher Cama­rade,

« J’ai reçu hier, à Ajac­cio, votre lettre du 2, qui m’a été réex­pé­diée par l’ami aux bons soins duquel j’ai, à mon départ, confié mon cour­rier. Pen­dant une semaine, la Corse s’est trou­vée cou­pée de com­mu­ni­ca­tions — sauf par le télé­graphe — avec le conti­nent et le reste du monde ! La cause de cet iso­le­ment est le conflit des fro­mages. Les pro­duits simi­laires, et notam­ment le lait des nom­breux trou­peaux pais­sant dans ce pays de mon­tagnes, sont raflés par la spé­cu­la­tion. Les fro­ma­gers venus de l’Hérault, qui fabriquent le Roque­fort et le revendent sur le conti­nent avec un béné­fice moyen de 7 francs par kilo­gramme, ne laissent rien pour la consom­ma­tion des habi­tants. Vieillards, enfants, malades doivent se pri­ver : i1 est vrai qu’on peut trou­ver de l’absinthe à 50 cen­times le verre !

« Les dockers, se soli­da­ri­sant avec la popu­la­tion mécon­tente, ont refu­sé d’embarquer les den­rées pour l’exportation. L’équipage des navires, se soli­da­ri­sant à son tour avec les dockers, a refu­sé d’appareiller. Consé­quem­ment les vapeurs sont res­tés en panne dans les ports corses, n’emportant point le cour­rier et ne rap­por­tant pas celui du continent.

« Ces Syn­di­cats corses, que je ne sau­rais blâ­mer en la cir­cons­tance, ne sont pour­tant pas d’un révo­lu­tion­na­risme farouche. Il a deux mois, ils ont fait bénir leur dra­peau (celui des dockers d’Ajaccio) à la cathé­drale, en pré­sence des auto­ri­tés. Main­te­nant, ce sont les menui­siers qui annoncent offi­ciel­le­ment qu’à l’occasion de leur fête patro­nale de la Saint-Joseph, des messes seront dites dans l’oratoire de la Société ! »

(Extrait d’une lettre de Mala­to).

La Presse Anarchiste