La Presse Anarchiste

L’idéal coopératif

Je disais dans mon der­nier article, que la Coopé­ra­tion pour­suit deux buts :

Un but éco­no­mique : répar­ti­tion des mar­chan­dises dans les meilleures condi­tions pour les consommateurs ;

Un but spi­ri­tuel et moral : créa­tion d’œuvres d’éducation, de dis­trac­tions (intel­lec­tuelles, spor­tives) et de solidarité.

Nous avons briè­ve­ment exa­mi­né com­ment les « Unions de Coopé­ra­tives » cherchent à atteindre leur but éco­no­mique. Il reste à pré­ci­ser ce qu’elles font pour répandre leur idéal, qui doit leur per­mettre d’élever le niveau, intel­lec­tuel et moral de ceux qu’elles groupent et organisent.

Les petites coopé­ra­tives de jadis avaient éga­le­ment, dans leur pro­gramme, la créa­tion de ces œuvres, qui devaient per­mettre à la foule de s’instruire, de se dis­traire (ailleurs qu’au caba­ret) en per­met­tant à cha­cun de déve­lop­per son cer­veau et son corps ; de ces œuvres de soli­da­ri­té, qui devaient per­mettre aux consom­ma­teurs grou­pés d’aider ceux d’entre eux que le chô­mage, la mala­die, viennent frap­per rudement.

Mais, en réa­li­té, cette par­tie de leur pro­gramme res­tait de la pure théo­rie, car, pour réa­li­ser ces œuvres, il fal­lait des moyens finan­ciers qui leur échap­paient. Seules, dans les centres impor­tants, les grandes coopé­ra­tives avaient été capables de réa­li­sa­tion. Leurs ventes impor­tantes lais­saient des fonds dis­po­nibles pour toutes ces créa­tions. Les nom­breux consom­ma­teurs grou­pés per­met­taient de trou­ver les élé­ments néces­saires pour l’administration de ces œuvres.

Aujourd’hui, les « Unions de Coopé­ra­tives », grou­pant en suc­cur­sales mul­tiples la pous­sière de coopé­ra­tives de jadis, trouvent à leur tour les moyens finan­ciers et les élé­ments humains indis­pen­sables au déve­lop­pe­ment de l’idéal coopératif.

Elles éta­blissent une heu­reuse divi­sion du tra­vail. Tan­dis que, sur le ter­rain éco­no­mique, des orga­nismes spé­ciaux d’achat, de livrai­son, de comp­ta­bi­li­té, pour­suivent, sous la direc­tion de tech­ni­ciens, la réa­li­sa­tion du but éco­no­mique, chaque sec­tion coopé­ra­tive, débar­ras­sée de ce sou­ci d’administration com­mer­ciale, peut se consa­crer entiè­re­ment aux œuvres d’éducation et de solidarité.

Ce qui a été fait

Certes la plu­part des « Unions » nées en 1917, 1918, 1919, sont encore trop jeunes et trop faibles pour avoir pu réa­li­ser, sur ce ter­rain, une œuvre impor­tante. Il leur faut d’abord asseoir soli­de­ment leurs organes commerciaux.

Cepen­dant, l’« Union des Coopé­ra­tives », à Paris, a pu déjà esquis­ser un pro­gramme indi­ca­tif du sou­ci de réa­li­sa­tion pra­tique qui domine les milieux coopé­ra­tifs. Exa­mi­nons rapi­de­ment ce qui a été fait.

Ce qui est à la base de toutes ces créa­tions, c’est la néces­si­té, pour chaque sec­tion coopé­ra­tive, de pos­sé­der un local, une mai­son où pou­voir abri­ter ses œuvres. Aus­si voyons-nous, avec l’aide finan­cière de l’« Union », chaque sec­tion s’efforcer d’abord de trou­ver le local indis­pen­sable à sa vie.

Puis une com­mis­sion des œuvres sociales fut char­gée de pour­suivre le déve­lop­pe­ment métho­dique de cette par­tie du pro­gramme coopératif.

Elle par­ta­gea son tra­vail entre six sous-commissions :

  1. Sous-com­mis­sion de solidarité ;
  2. Sous-com­mis­sion de prêts aux sections ;
  3. Sous-com­mis­sion d’éducation et de récréation ;
  4. Sous-com­mis­sion de la Mai­son de la Coopération :
  5. Sous-com­mis­sion des colo­nies de vacances ;
  6. Sous-com­mis­sion de la caisse des prêts individuels.

Ces sous-com­mis­sions tra­vaillèrent acti­ve­ment. Une biblio­thèque cen­trale, dou­blée d’une biblio­thèque cir­cu­lante, mise à la dis­po­si­tion des sec­tions, fut mise à l’étude.

Des fêtes, des concerts furent orga­ni­sés. Des cartes à prix réduits obte­nues au théâtre Antoine et chez Gémier. Des prêts indi­vi­duels furent réa­li­sés. Une caisse de soli­da­ri­té, créée en faveur des socié­taires ou de leur famille, en cas de décès, de maternité.

Un dis­pen­saire anti­tu­ber­cu­leux fut crée. Les colo­nies de vacances com­mencent depuis trois ans à fonc­tion­ner régulièrement.

Enfin, « La Mutua­li­té géné­rale des Coopé­ra­teurs » fut mise debout. Son but est la créa­tion de ser­vices médi­caux et phar­ma­ceu­tiques, la créa­tion d’une caisse d’assurance contre la maladie. 

En résu­mé, nous assis­tons là au déve­lop­pe­ment d’un pro­gramme étu­dié. Les coopé­ra­teurs, au milieu certes de dif­fi­cul­tés mul­tiples, mettent peu à peu debout des œuvres qui, jusqu’ici, n’étaient, pour les anciennes petites coopé­ra­tives, que des rêves loin­tains et jamais réalisés.

Nous avons donc le droit de dire que la dis­pa­ri­tion des antiques coopé­ra­tives, bien loin de tuer l’idéal coopé­ra­tif qui nous était cher, lui a don­né une force de vie réelle. Elle se tra­duit déjà par des réa­li­sa­tions pra­tiques, per­met­tant les plus grands espoirs, mal­gré les cri­tiques qu’elles peuvent faci­le­ment susciter.

Car, natu­rel­le­ment, sur ce ter­rain, aus­si bien que sur le ter­rain éco­no­mique, nos coopé­ra­tives ne sont encore que des organes embryon­naires, fort loin de la perfection.

[/R.C./]

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