La Presse Anarchiste

Nocturne

Comme un mau­vais camarade
Le soir nous sai­sit au cou.
L’armée rêve dans son trou
Ain­si qu’un bétail malade.

Tu dors, toi, vieux compagnon,
Sur ton lit de cartouchière.
Elle est loin pour toi, la guerre
Pour qui, sans cœur, nous saignons

Moi, cour­bé sous la chandelle,
Je rêve, épui­sant l’effort.
Le som­meil me fuit encor
Comme une pen­sée trop belle

Ma vie tout en désarroi
Jamais plus triste et plus veule
Ne s’est sen­tie aus­si seule.
Nul ne m’aime ou pense à moi.

Ah ! dor­mir comme on se tue,
Ne plus réflé­chir à rien,
Ne plus sen­tir sous les mains
Ce cœur là qui s’évertue.

Vider comme un mau­vais mal
Ce cer­veau qui se suicide
De réflé­chir trop lucide.
Ma vie que tu me fais mal !

Pen­sée ! sois sage et sois claire !
Par de-là mon corps perclus
Ne vas-tu pas vivre un peu plus
De veiller sur ta misère ?

Et toi, mon vieux compagnon,
Dors, je n’envie plus ton somme.
Le triste orgueil d’être un homme,
Monte en moi comme un pardon.

[/Hen­ry-Jacques.

(La Sym­pho­nie héroïque)

Scherzo./]

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