Au mois de juin prochain doit se tenir, à Stockholm, un Symposium auquel prendront part les représentants officiels de 132 nations. Cette réunion mondiale est en grande partie la conséquence d’un Manifeste signé par trente-trois savants anglais et auquel des centaines d’autres ont ajouté leur signature, Manifeste intitulé le « Blue Point for Survival », que nous avons mentionné récemment dans cette revue, et qui posait le problème de la menace de disparition de l’espèce humaine à bref délai si des mesures n’étaient pas prises immédiatement. Les calculs des auteurs de ce document se basent sur des données que nous avons déjà citées non seulement dans nos écrits, mais aussi dans nos conférences : des statistiques précises, venues de sources différentes et coïncidentes montrent qu’au taux actuel de la procréation, l’humanité double tous les 33, 34 ou 35 ans.
Donc, s’il y a actuellement 3 milliards et demi de terriens, il est prévu qu’il y en aura sept milliards à la fin du siècle, quatorze milliards vers l’an 2035, vingt-huit milliards vers 2070, 56
Parallèlement à cette augmentation démographique galopante, qui implique une augmentation correspondante de la consommation, il y aura forcément, une diminution des réserves vitales. Les surfaces cultivables de la Terre qui, par exemple, dans l’Afrique entière, ou dans l’immense Russie (qui couvre le sixième des terres émergées) ne comprennent que le dixième de la surface totale seront réduites par habitant à tel point que l’humanité est, pour dans 100 ou 120 ans, menacée de disparition. Si bien que, déclarent les auteurs du « Blue Point for Survival », on peut prévoir mathématiquement que vers l’année 2100 l’humanité sera condamnée à l’extinction. En tout cas l’espérance de vie des terriens qui survivraient ne sera plus que de 25 ans alors qu’elle est de 70 – 72 ans dans les nations occidentales modernes.
La réduction des matières premières industrielles est sous le coup de la même menace. C’est pourquoi nous avons dénoncé depuis longtemps le gaspillage insensé que représente la surconsommation qui est la loi des nations capitalistes, spécialement des U.S.A., et les suivant de plus en plus près, les nations de l’Europe occidentale.
Une des caractéristiques essentielles de la situation qui se présente aux yeux des environnementalistes, est que cette menace plane sur toutes les nations à la fois. Et que pour être efficaces, les mesures doivent être prises par toutes les nations. Il n’est plus question, ici, de se sauver chacune aux dépens des autres, selon la morale, ou l’immoralité en usage. Le problème est le même pour tous. La réduction de la population, les mesures économiques qui doivent freiner le gaspillage des richesses du sous-sol, et la pollution, phénomène mondial, qui est en grande partie, déjà, une des conséquences de la surproduction agricole et industrielle, doivent être prises en commun, sans tricheries.
Sera-t-on capable de le faire ? Il faudrait pour cela savoir s’élever à un concept de mondialisation qui dépasse et déborde le cadre des patriotismes et des nationalismes, arrêter la croissance « au point zéro », comme disent les auteurs du Manifeste et limiter dans les proportions nécessaires tant la croissance que la production agricole et industrielle. Les petits jeux du capitalisme, des impérialismes économiques et politiques en lutte ne sont plus de mise. L’humanité est confrontée (car qu’est-ce que 100 ou 120 ans d’existence pour elle qui apparut sur le globe il y a deux ou trois millions d’années ?) devant des lois naturelles décisives si elle ne procède pas dans les plus brefs délais à une révision de ses concepts et de ses pratiques.
Et il faut le dire : bien qu’il s’agisse en premier lieu des classes sociales dominantes, des couches gouvernantes engluées dans leur égoïsme, il s’agit aussi des classes dites populaires. Car dans les pays riches, ces classes trouvent naturel d’augmenter indéfiniment leur standard de vie, tandis que, par exemple, les pays du tiers monde continuent d’être les fournisseurs de matières premières, même au prix de leur misère. Ils ne comprennent pas que le remède consiste, non plus à vouloir prolonger l’exploitation des populations les plus arriérées, qui atteindront demain le niveau nécessaire pour ne pas continuer à se laisser exploiter, mais, si l’on s’arrête au point zéro, améliorer le niveau atteint en procédant à une meilleure répartition des efforts productifs et des biens consommables. En faisant participer aux tâches nécessaires, au travail utile, tous ceux qui, même figurant dans les classes salariées, sont au fond des parasites par l’inutilité de leurs activités.
C’est toute une révolution qui s’impose, une réorganisation, une morale nouvelle. Entraînée par des lois biologiques aveugles, mécaniques, l’humanité est arrivée, arrive à la croisée des chemins. Rappelons-nous : dans trente ans, sept milliards d’habitants qui, par surcroît, et suivant l’augmentation naturelle des besoins, voudront vivre mieux qu’ils ne vivent maintenant. Une surexploitation des ressources terrestres qui sont loin d’être inépuisables. Dans soixante-dix ans, quatorze milliards… Des enfants qui naissent maintenant connaîtront cette situation dramatique.
Il est du devoir des générations actuelles d’agir pour ces générations futures. Et dès maintenant de penser au destin de notre espèce, de vivre