La Presse Anarchiste

Dans notre courrier

De notre cama­rade H. S. de Rennes : “La dif­fi­culté d’être anar­chiste” vient de beau­coup de raisons : la société dans laque­lle nous vivons offre à l’in­di­vidu toutes les défor­ma­tions morales d’une société viciée. C’est pourquoi l’a­n­ar­chiste pur au départ se gâte (plus ou moins vite).

Nous vivons dans une société dont nous renions et com­bat­tons les struc­tures (État, cap­i­tal­isme, armée, reli­gion, racisme, nation­al­isme, morale, etc.). Com­ment donc arriv­er à vivre dans cette société… qui n’a pas grand chose pour nous plaire !

Le résul­tat est que nous devenons résis­tants vio­lents ou non-vio­lents suiv­ant les indi­vidus et les moments. Nous nous opposons à la majorité d’in­di­vidus com­posant cette société, qui nous oppresse physique­ment (État : impôts, Armée : oblig­a­toire, cap­i­tal­isme : exploita­tion de l’homme, etc.) Elle nous com­bat aus­si sur le plan de la morale par tous les bour­rages de crâne ex : reli­gion, racisme, nation­al­isme, morale bour­geoise, presse, R.T.F., actu­al­ité ciné­matographique, etc. Il nous reste quelques lib­ertés pour com­bat­tre ces bour­rages de crânes, mais peu de moyens en rap­port avec nos adversaires.

L’a­n­ar­chiste n’é­tant qu’un homme comme les autres avec ses faib­less­es et ses qual­ités, il est donc com­préhen­si­ble que cer­tains anar­chistes se gâtent en se “frot­tant” à la société et s’embourgeoisent dans un pays cap­i­tal­iste. Cet embour­geoise­ment se traduit par­fois par un renon­ce­ment à l’éthique, par­tiel et même com­plet. C’est le cas d’a­n­ar­chistes patrons ou com­merçants, exploitant appren­tis, bonne ou femme de ménage. Nous trou­vons aus­si des anar­chistes racistes, nation­al­istes, croy­ants, autori­taires, etc. Du côté de la vie privée, c’est sou­vent pire, car beau­coup plus caché ; là encore on trou­ve des anar­chistes autori­taires et “bon-bour­geois-bien-de-chez-nous” qui se con­duisent d’une façon indigne avec leur com­pagne, enfants, famille, amis et camarades.

Ceci nous prou­ve qu’il y a beau­coup de pièges dans notre marche vers le mieux (car le par­fait, c’est beau­coup deman­der pour nos généra­tions) et que per­son­ne n’est a l’abri d’une faib­lesse qui fera de lui un pseu­do-anar­chiste mais non un anar­chiste éthique­ment en accord avec les principes fon­da­men­taux de l’anarchisme.

En con­clu­sion je pense que nous devons nous efforcer de devenir tou­jours meilleur afin d’être digne de notre idéal et de pou­voir le représen­ter non comme des illu­minés, des fous, mais comme des indi­vidus sachant ce qu’ils veu­lent ; afin que les hommes de demain devi­en­nent des hommes épanouis dans une lib­erté entière et absolue.

D’un cama­rade du Var, M. V : (…) j’ai lu avec plaisir le dernier n° de “N.R.”, mal­gré que je me classe volon­tiers par­mi les indi­vid­u­al­istes, je dois avouer mon accord avec la qua­si-total­ité des arti­cles du dernier n°, notam­ment sur celui con­cer­nant le mou­ve­ment J.R. (…) Dans tous les cas je crois qu’il est bon de pré­cis­er que d’autres réseaux exis­tent en dehors des J.R., car ces derniers ont plutôt ten­dance à tir­er la cou­ver­ture à eux, ceci soit dit sans con­tester qu’ils soient main­tenant les plus nom­breux et peut-être par­mi les plus courageux(…)

D’un cama­rade du Mans, M : (…) je vous fais part d’une ou deux réflex­ions sur la revue n° 17 : p. 13, 14, Chester se mon­tre, à mon avis, un peu opti­miste sur l’avenir. D’abord, parce que per­son­ne n’a aidé les jeunes quand il y a 3, 4 ans, ils fai­saient du cham­bard pour ne pas aller en Algérie. On a ver­sé quelques larmes de croc­o­dile, et en voiture ! Je crois qu’il y a une cas­sure entre les “vieux” et les jeunes jusqu’à 26, 27 ans. Les “vieux” pensent “on a fait notre ser­vice et on ne fai­sait pas tant d’his­toires”. Le pro­lé­tari­at ne proteste con­tre la guerre et a de la sym­pa­thie pour les insoumis que parce que la gauche (respectueuse) l’agite dém­a­gogique­ment. Alors, quand la guerre sera finie, j’ai bien peur qu’on oublie les insoumis et qu’on les con­sid­ère comme des frous­sards, etc.

P. 20, 21, je ne suis pas d’ac­cord avec l’ex­pli­ca­tion de Droit sur le rôle act­if des étu­di­ants. Je crois, pri­mo, qu’il y a un peu des trois expli­ca­tions pro­posées par Droit. Mais il me sem­ble qu’avec l’es­sor de la tech­nique, l’im­por­tance poli­tique des spé­cial­istes (bombe atom­ique, etc.) l’u­ni­ver­sité est plus poli­tique qu’a­vant (c’est-à-dire 1950–55). Elle sent que le futur lui appar­tient, elle mon­tre le bout de l’or­eille : le rôle act­if de l’U.N.E.F. cor­re­spond, à mon avis, à un désir de sor­tir des cadres tra­di­tion­nels de la poli­tique, et peut-être de la société.

Enfin, l’avenir dira (et il a bon dos) si cette con­cep­tion est fondée.(…)

D’un cama­rade de Nantes, S.L.: (…) Très bien le n°17, toute­fois une réserve sur “la sit­u­a­tion économique : “grâce au fait que les salaires et traite­ments ont aug­men­té légère­ment plus vite que les prix, le pou­voir d’achat de la masse a aug­men­té un peu”. Je dois dire que nous ne nous apercevons guère de cette amélio­ra­tion, qui doit être vrai­ment très légère, les salaires n’ayant pas bougé de plusieurs mois et ne risquent pas de le faire dans les con­jonc­tures présentes si la masse ne sort pas de sa léthargie. Quant au chô­mage dans notre région, la demande d’emploi dépasse large­ment l’of­fre. Nous sommes, il est vrai, dans une région trib­u­taire de la con­struc­tion navale, secteur très touché. Mais le cap­i­tal­isme n’a-t-il intérêt à entretenir “l’ar­mée de réserve du prolétariat” (…)

De St Nazaire le cama­rade M.P.: (…) à Nantes, ça a beau­coup bougé sur le plan des Faco. Les étu­di­ants dans leur qua­si-total­ité se sont dressés con­tre le fas­cisme. J’ai été d’ailleurs heureuse­ment sur­pris. Seule­ment, une fois le dan­ger passé (mais au fait l’est-il ? et pour com­bi­en de temps?), les petits étu­di­ants “apoli­tiques” ont regret­té leur geste, et la cra­pule fas­ciste a un moment relevé la tête, allant jusqu’à lancer des men­aces de mort. 

Mais les inter­ven­tions courageuses et pré­cis­es des cama­rades antifas­cistes à la dernière Assem­blée générale sem­ble leur avoir don­né à réfléchir. Ce qui n’a pas empêché les “apoli­tiques” de con­damn­er le mot d’or­dre de l’U.N.E.F. de mise en place de groupes d’au­to-défense par 49 voix con­tre 44.

Comme quoi une A.G. qu’ils tenaient tra­di­tion­nelle­ment risque sans doute d’i­ci un an ou deux de leur fil­er des pattes.

Côté de la classe ouvrière : mag­nifique réac­tion : 30.000 man­i­fes­tants. (à St Nazaire 20.000). Aucune illu­sion sur le pou­voir gaulliste tant en sa nature qu’en sa force. Mais générale­ment une con­science du dan­ger fas­ciste et de dan­ger dirigé con­tre la démoc­ra­tie et le prolétariat.

Impres­sion ou cer­ti­tude qua­si-générales d’avoir été régulière­ment cocu­fiés. D’une façon générale ten­dance à repenser le prob­lème du pou­voir (ouvri­er ou autre) Le slo­gan : “une seule armée, une seule police” n’é­tant plus de celui que les cama­rades com­mu­nistes pour­raient se hasarder à lancer actuellement.

Mal­gré cela, 1er mai à St Nazaire comme à Nantes, 3 meet­ings séparés, avec dans cha­cun quelques cen­taines de mil­i­tants. Un meet­ing uni­taire eût pu réu­nir de 5 à 6.000 per­son­nes à St Nazaire, 10.000 à Nantes. (…)


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