Depuis quelques années, “Combat”, “Marie-Claire”, “Elle”, “Science et Vie”, “France-Observateur”, “L’Express”, etc. parlent de “birth control”. La question est devenue encore plus actuelle depuis quelques mois, avec l’émission télévisée du 13/10/1960, puis l’enquête de “France-Soir” du 11/3/1961 au 26/3/1961 – sans compter tous les livres, conférences, et, en 1960, la transformation de l’association “Maternité Heureuse“en “Mouvement français pour le Planning Familial” [[Maternité Heureuse, 97 rue de Monceau, Paris 8.]].
La loi contre laquelle, en France, on s’insurge ainsi date de 1920 (rappelons qu’elle interdit de “divulguer ou d’offrir de révéler les procédés propres à prévenir la grossesse, ou de faciliter l’usage de ces procédés”). Pourquoi aura-t-il fallu une quarantaine d’années pour que ces questions remontent à la surface ? Que recherche-t-on et vers quoi peut-on maintenant espérer tendre ?
Pour éclairer ces problèmes, nous pensons qu’il sera bon de décrire tout d’abord les techniques, car elles sont la plupart du temps évoquées très sommairement et par “pudeur” peu de gens posent des questions sur ce sujet “tabou”, puis de voir le point de vue dans lequel fonctionnent les cliniques de birth control dans les pays qui les autorisent ; enfin, partant des réactions individuelles et psychologiques qui jouent un grand rôle dans ce domaine, nous terminerons par les diverses positions en présence.
Les techniques
Il s’agit de permettre l’acte sexuel et d’empêcher la conception : c’est la contraception. Il existe de nombreuses méthodes, dont certaines bien étudiées et mises au point dans les pays rattachés à “l’International Planned Parenthood Federation” [[I.P.P.F., 69 Eccleston Square, London SWI.]] (ces pays sont : l’Australie, la Barbade, Belgique, les Bermudes, Ceylan, Danemark, Finlande, Grande-Bretagne, Hollande, Hong-Kong, Inde, Italie, Jamaïque, Japon, île Maurice, le Népal Nouvelle-Zélande, Pakistan, Pologne, Porto-Rico, Singapour, Suède, Suisse, Thaïlande, Union de l’Afrique du Sud, États-Unis d’Amérique, Allemagne de l’Ouest – La France y est représentée par la “maternité heureuse”). L’ensemble en est décrit dans “La libre Conception à l’Étranger”, du Dr Weill-Hallé [[“La libre conception à l’Étranger”, Dr Lagroua Weill-Hallé, Maloine 1958, 190p.]].
1) Méthodes sans intervention médicale :
— colt interrompu : l’homme se retire avant l’éjaculation, mais attend pour cela l’orgasme de la femme. L’éjaculation se fait à l’extérieur (c’est “le crime d’Onan”).
— coït réservé : l’homme ne va pas jusqu’à l’éjaculation, qui n’a pas lieu ; la femme peut atteindre l’orgasme.
— Ogino-Knauss : le couple limite ses relations sexuelles aux périodes présumées infécondes de la femme (en principe : stérilité les 7 premiers jours à partir des règles, fécondité les 12 jours suivants puis stérilité jusqu’aux règles suivantes). Ces périodes peuvent être précisées par la prise de température quotidienne (décalage au moment de l’ovulation, c’est-à-dire au 14ème jour, milieu du cycle).
— douche vaginale : elle agit davantage par action mécanique, débarrassant le vagin du sperme, que par les substances chimiques qu’on peut essayer d’employer.
2) Méthodes médicales à effet prolongé :
— préservatifs féminins placés dans le col ou dans l’utérus par un spécialiste, et également enlevé par lui.
3) Méthodes médicales à effet définitif :
— vasectomie : section chirurgicale des conduits masculins des spermatozoïdes.
— salpingotomie : intervention sur les trompes, ou conduits féminins des ovules.
Ces trois séries de méthodes ont toutes de gros inconvénients :
— L’efficacité en est discutable : des spermatozoïdes peuvent pénétrer et rester dans les voies féminines, même avant l’éjaculation – d’où grossesse, malgré le coït interrompu ; dans le cas de la méthode Ogino, un rhume, une insomnie, une mauvaise digestion peuvent modifier la température, certaines femmes peuvent avoir plusieurs ovulations dans le même mois, et enfin la durée exacte de survie des spermatozoïdes dans les voies génitales féminines est mal connue – il n’y a donc aucune garantie, et l’on a vu des conceptions après des rapports pendant les règles.
Quant à la douche vaginale, signalons qu’elle n’est efficace que si elle est pratiquée dans les 2 minutes qui suivent l’éjaculation, pas plus tard ; et que même quelquefois le sperme a pénétré d’emblée au niveau du col, la douche ne l’atteint pas.
Les préservatifs laissés en place à longue durée peuvent bouger et une grossesse s’ensuivre. Les interventions chirurgicales enfin, sont, elles, parfaitement efficaces, mais irréversibles.
— Les conséquences de leur utilisation peuvent être dangereuses : le coït interrompu, principalement, modifie l’acte sexuel et entraîne dans les deux sexes des troubles importants liés à une insatisfaction qui retentit sur l’ensemble de l’organisme, en particulier sur le psychisme avec inadaptations, difficultés de tous ordres, jusqu’à des névroses graves.
La méthode Ogino, à cause de ces périodes imposées qui ne correspondent pas aux besoins et aux instincts normaux, et surtout par son insécurité déjà bien connue, d’où l’angoisse, donne lieu également à des troubles psychiques. Quant aux préservatifs placés en permanence, ils risquent tous d’entraîner des infections, des irritations, des perforations même, qui les rendent extrêmement dangereux.
4) Méthodes enseignées dans les centres de contraception (Angleterre [[The Family Planing Association, 64 Sloane street, London SWI (envoi de toute documentation, bibliographie, films, matériels sur demande).]], U.S.A.):
— Préservatifs masculins, ou condoms, ou capotes anglaises : indiqués pour les couples dont ils ne gênent pas la sensibilité locale, lorsque l’homme est désireux d’assurer lui-même la responsabilité de la contraception d’une manière suivie et sans négligences, ou lorsque la femme a des difficultés psychiques ou locales à utiliser les préservatifs féminins. Précaution : surveillance de l’intégrité du condom, utilisation parallèle de gelée par la femme.
— Préservatifs féminins, ou pessaires, ou diaphragmes et capes, ainsi que substances chimiques seules ou associées :
– gelée seule introduite dans le vagin,
– tablettes effervescentes seules, placées dans le vagin. Dans les deux cas, il faut laisser le produit agir pendant les 8 heures qui suivent l’acte sexuel, sans douche ni lavage pendant cette période,
– les capes coiffant le col utérin et les diaphragmes obturant le fond du vagin dont le type et taille doivent être choisis par le médecin, souvent utilisés avec la gelée – le tout mis en place par la femme elle-même (après deux essais sous surveillance médicale), de 2 heures à une demi-heure avant l’acte sexuel et laissé en place un minimum de 8 heures après, puis retiré et soigneusement nettoyé, conservé et vérifié. Une surveillance médicale est nécessaire une fois par an et après chaque grossesse ou intervention. Le matériel doit être également renouvelé une fois par an,
— Les pilules [[“News of Population and Birth Control”, Bulletin en français de l’I.P.P.F., novembre 1960.]] récemment entrées en usage (après cinq ans d’essais) doivent être prises à des dates bien précises. Il semble qu’elles n’entraînent plus actuellement de malaises, mais les effets à longue durée ne sont évidemment pas encore bien connus.
Ces méthodes, d’usage pratique, simple, rapide, employées chacune avec toutes les précautions indispensables, donnent de bons résultats que l’on peut exprimer ainsi : si l’on base le calcul (d’après les données statistiques) sur le chiffre de 100 années de vie féminine, chaque méthode donnerait pendant ces 100 années le nombre de grossesses suivant :
Coït interrompu | 12,38 |
Ogino | 14 |
Douche vaginale | 36 |
Condoms | 6,19 |
Gelée seule | 9,38 |
Tablettes vaginales | 17,27 |
Cape cervicale | 8 |
Diaphragme | 6,29 |
Pilules (sous réserve) | 2,2 |
Ces 100 années (qui correspondent à peu près à la vie génitale de 4 femmes) donneraient un chiffre minimum de 40 grossesses chez des femmes n’utilisant aucune méthode anticonceptionnelle.
Les principes du “Birth Control”
Les raisons invoquées dans tous les pays “birth control“en faveur de la contraception et de l’espacement des naissances, sont déjà assez connues. Rappelons-les, ainsi que la prise de position de l’I.P.F.F.:
“Malthus avait préconisé de réduire le nombre des naissances de peur que la population ne s’accroisse trop par rapport aux ressources économiques de notre globe. Les néo-malthusiens préconisent l’acte conjugal modifié pour ne pas entraîner la conception. L’espacement des naissances est une mesure appartenant à la médecine préventive qui ne veut rien avoir de commun avec la théorie néo-malthusienne sur la surpopulation. L’espacement des naissances est rendu nécessaire par le seul fait que l’intervalle normal entre les naissances dans des conditions purement naturelles n’est pas suffisant”.
En effet, en partant de ce point vue médical, l’usage des contraceptifs diminue la mortalité infantile. En dehors des cas de maladie (diabète, cardiaques, pulmonaires, malades mentaux) contre-indiquant la grossesse – et pour lesquels, soulignons-le, le médecin français n’est pas autorisé par la loi à prescrire les contraceptifs (illégisme de la loi elle-même, puisque le médecin pourrait alors être condamné pour “non-assistance à personne en danger”).
“Lorsque la durée moyenne entre deux accouchements ne dépasse pas 16 mois, une grave menace pèse sur la santé des femmes qui sont vouées à mettre au monde 3 enfants en 5 ans, soit 15 enfants au cours de leur vie conjugale”. (Dr Boas) [[“Le Planning Familial” conférence du Dr Boas, vice-président de l’I.P.P.F., reproduite dans le bulletin trimestriel d’information “La Maternité heureuse”, septembre 1960.]]
Le Dr Boas souligne que, à partir du deuxième enfant, au désir naturel d’avoir des enfants se substitue l’angoisse de l’enfant, qui n’est pas névrotique, mais qui mine psychologiquement la femme, sape l’accord des époux, détruit l’harmonie familiale.
La présence de l’enfant non souhaité nuit au ménage, et fait de l’enfant un “enfant-problème :
“L’enfant accueilli dans la joie a le maximum de chances de se développer heureusement, pour le plus grand bien de la société comme pour son bien personnel”(Dr. Berge) [[“Problèmes psychologiques individuels et familiaux posés par la densité familiale”, Dr Berge, Sauvegarde de l’enfance et maternité heureuse, septembre 1958.]].
C’est dans ce but qu’agit le médecin des cliniques de birth control, en se basant sur 3 faits que le nombre d’enfants correspondant à cette définition n’est pas un nombre absolu : chaque couple peut en désirer une quantité différente, mais c’est sur ce nombre d’enfants “désirés” que se fonde le développement harmonieux de la famille. Le conseil du médecin n’est pas pour autant limité, car certains facteurs peuvent entrer en jeu sans que le couple en soit conscient : d’où l’importance de la “clinique” et non pas de la distribution automatique des contraceptifs ; en voici quelques exemples une femme peut être stérile sans le savoir, et utilisant dès le début de sa vie de femme des contraceptifs, elle s’apercevra trop tard, le jour où elle voudra des enfants, qu’elle ne le peut plus, alors que plus tôt elle aurait eu plus de chances de pouvoir être guérie ; rassurées par les contraceptifs, perdant toute angoisse, certaines femmes les utilisent à tort et à travers, c’est ainsi qu’au Japon les premières années de birth control donnèrent des résultats désastreux ; enfin de nombreux couples, pour des raisons économiques, ou psychologiques (soit que le couple ne soit pas parvenu à la maturité affective suffisante pour désirer des enfants ; soit que l’un des deux refuse l’enfant à l’autre, par crainte de perdre son confort, de perdre sa liberté, par jalousie, etc.), s’arrêtent au premier enfant et reportent la venue du deuxième à une époque plus tardive, époque où la femme ayant plus de trente ans est souvent devenue stérile.
Or, si les méfaits des familles “nombreuses” sur la femme, sur les enfants, sur l’harmonie du couple sont en général connus, on n’insiste peut-être pas assez sur les risques courus par l’enfant unique : que celui-ci ait été voulu unique pour réaliser des ambitions personnelles, qu’il n’ait pas été voulu du tout, ou que les parents n’aient pu en avoir d’autres, il vient en tête de la pathologie :
“Il y a sur lui convergence de toutes les inquiétudes, de toutes les angoisses, de toutes les ambitions, de toutes les exigences”. (Dr. Berge)
Le médecin se base donc sur le chiffre de 3 à 4 enfants par famille (Professeur Debré), ce qui donne le moins d’enfants caractériels, le moins de délinquants, le moins de troubles nerveux, tout en tenant compte des désirs et des possibilités du couple, pour le conseiller, sachant par ailleurs que le bonheur conjugal est lié à la possibilité d’éviter les grossesses lorsqu’on ne les désire pas.
Aspect individuel et psychologique
Il est nécessaire, après les données techniques et médicales que nous venons de voir, et avant d’envisager les prises de positions théoriques de diverses sortes, d’éclairer les attitudes particulières des individus de nos régions et de notre société face à ce problème ; car il s’agit là en effet d’un problème qui touche chacun en particulier et sur lequel chacun réagit suivant sa formation psychologique et son conditionnement social, le fait principal étant que le christianisme considère l’acte sexuel comme “péché”.
L’analyse faite par Andrée Michel [[“À propos du contrôle des naissances”, Andrée Michel, “Les Temps Modernes”, mars 1961.]] dans les “Temps Modernes” de toutes les questions parvenues à la Télévision pendant l’émission “Faire Face” du 13/10/1960, il ressort que la grosse majorité des téléspectateurs ignorent tout du birth control, se sentent uniquement atteints dans leur liberté par la loi de 1920, mais ne savent pas qu’il y a d’autres méthodes que l’avortement ou la stérilisation pour limiter les naissances.
Cette ignorance explique en partie ce long temps mort depuis 1920, sans réactions, ou tout au moins sans réactions à retentissement. On peut dire aussi qu’elle correspond un peu à ce grand désintérêt général, à cette perte de responsabilité individuelle qui caractérisent la France actuelle ; W.Reich donne à cette attitude générale une explication intéressante, qui sans résoudre tout le problème l’éclaire d’une lumière particulière :
“L’individu insatisfait orgastiquement (c’est-à-dire sexuellement) développe un caractère inauthentique et une peur de tout comportement qu’il n’a pas médité auparavant, c’est-à-dire de tout comportement spontané et vraiment vivant” [[“La fonction de l’orgasme”, Wilhem Reich, éd. L’Arche, 1952, 300p.]].
“La suppression sexuelle est un instrument essentiel dans la production de l’esclavage économique. Le refoulement sexuel est d’origine socio-économique et non pas d’origine biologique”. (id.)
Tout le passé chrétien de notre société s’est chargé à long terme de “culpabiliser” et de réfréner au maximum la sexualité ; cette formation de chacun d’entre nous, ce refoulement, mis en lumière par Freud, mais attribué par lui à une évolution normale dans la psychologie de l’individu, serait pour Reich le moyen de “tenir” l’individu au service de cette société, de l’en rendre esclave.
Le tabou sexuel est en effet toujours là, tout autour de nous, en nous sans que nous le sachions : choisissons n’importe qui, nos voisins, des connaissances, ceux avec qui nous travaillons tous les jours, est-il fréquent, est-il facile (surtout avec les femmes), de savoir quelque chose de leurs problèmes sexuels, de leurs techniques de birth control ? Avec qui, et où peut-on évoquer sans malaise les réalités de la sexualité ?
“Je sais, pour avoir travaillé pendant de nombreuses années parmi les masses, que ce qu’elles voulaient précisément, c’était toucher au cœur du problème : la recherche du bonheur sexuel. Elles étaient déçues lorsqu’on leur donnait des conférences savantes sur l’eugénique au lieu de leur expliquer comme elles devaient élever leurs enfants pour qu’ils soient vivants et non inhibés, comment les adolescents pouvaient faire face à leurs problèmes sexuels et économiques, et comment les couples mariés pouvaient affronter leurs conflits typiques”. (Reich)
“Faire des sermons sur la liberté sans lutter continuellement et résolument à libérer la responsabilité impliquée dans la liberté pour qu’elle puisse être à l’œuvre dans les événements de chaque jour, et sans créer en même temps les conditions préalables nécessaires à une telle liberté, mène au fascisme”. (Reich)
L’homme de notre société est devenu incapable de liberté et avide d’autorité, parce qu’il est plein de contradictions, ne peut se fier à lui-même et a peur. Si cet homme est ainsi, c’est que l’éducation sert uniquement les fins de l’ordre social de l’époque, et n’a pas du tout pour but celui qu’elle prétend : “le bien-être” de l’enfant. Dès le plus jeune âge, l’éducation de la propreté, l’exigence d’être sage, discipliné, ne correspondent pas à des besoins de l’enfant, mais à ceux de la société. Ils nous imprègnent tellement que nous n’y sommes même pas sensibles : qui d’entre nous, devant un enfant, n’aura pas eu cette exigence, et dès 3 ans celle qui la suit : l’interdiction de la masturbation. Par la suite, toute une série d’inhibitions de la sexualité jusqu’à la privation sexuelle de l’adolescence, nous rendent nous-mêmes instruments de cette famille et cette société contraignantes, en passant bien souvent à côté de la famille “naturelle” construite sur la relation profonde d’amour entre parents et enfants.
La continence sexuelle exigée de l’adolescent a pour but de le rendre soumis à la société et capable de mariage : plus tôt un adolescent commence des rapports sexuels satisfaisants et moins il devient capable de se conformer à la stricte exigence morale suivant laquelle il ne peut avoir qu’un seul partenaire, et celui-ci pour toute la vie.
Du même ordre est l’interdiction officielle ou morale de l’usage des méthodes anticonceptionnelles : on condamne le plaisir sexuel, même dans le mariage, s’il n’a pas pour but la procréation, but “social” (il n’est pas étonnant, de ce fait, que la religion catholique participe à cette “contrainte”, comme nous le verrons plus loin).
“Si chacun sait que le mariage est une institution sociale dont le but principal est d’assurer la reproduction, il n’en est pas moins évident que la réussite d’un mariage n’est pas fonction du nombre d’enfants qui en sont issus. C’est avant tout la réussite des relations humaines qui s’établissent entre mari et femme”. (Catherine Valabrègue) [[“Contrôle des naissances et planing familial”, C. Valabrègue, éd. de la Table Ronde,1960, 254p.]].
Les conséquences de ces contraintes sociales sont alors la peur de la grossesse inévitable ; celle-ci réveille les angoisses sexuelles infantiles et tous ces éléments se combinent : de l’interdiction de la masturbation pendant l’enfance vient, par exemple, la peur de toucher le vagin et de là chez les femmes la crainte de l’usage des procédés anticonceptionnels et le recours comme moyen ultime lorsqu’elles sont acculées à l’avortement “criminel” lequel à son tour est un point de départ pour de nombreuses manifestations névrotiques.
La peur de la grossesse altère la satisfaction dans la joie chez l’homme et chez la femme et supprime l’attitude calme, aimante vis-à-vis des enfants qui en découle naturellement et qui est le mieux réalisée quand le bonheur, sexuel est le plus complet.
Ainsi naît un cercle vicieux : éducation contraignante donnant des individus craintifs, incapables de responsabilités et incapables à leur tour de créer une famille harmonieuse, d’agir efficacement dans la société, d’avoir une vie “vivante”, créatrice. Il y a donc aussi une opposition certaine entre la vie sexuelle normale, naturelle, et la société, celle-ci cherchant à maintenir l’ignorance et conserver ses contraintes pour garder l’homme dans un état d’esclavage mental qui le rend inepte à toute attitude révolutionnaire.
Terminons cette étude par quelques mots sur les différences dans les attitudes sur le birth control entre l’homme et la femme.
Signalons en particulier que, parmi les méthodes anticonceptionnelles employées, les préservatifs masculins le sont environ pour 15% aux U.S.A., et seulement pour 2% à peu près en France, comme si l’homme, devenu égoïste et ne prenant pas ses responsabilités vis-à-vis de la femme, négligeait l’usage pourtant possible même en France des préservatifs masculins sous des prétextes secondaires, préférant la laisser “se débrouiller”.
Signalons aussi l’étonnement de l’écrivain Han Suyin devant l’attitude “lâche” des hommes de nos pays qui partagent rarement les responsabilités de la conception avec les femmes [[Lettre de Han-Suyin à la “Maternité heureuse”, bulletin de septembre 1960.]].
Il y a là une résistance de la population masculine à “l’émancipation” de la femme par la maîtrise de son rôle sexuel qui fait que dans notre société la femme n’est pas encore élevée à la “dignité de personne” (Andrée Michel) [[“La Personne, la Femme et le Mythe”, Andrée Michel, “La Maternité heureuse”, mars 1960.]].
L’homme s’oppose aussi à la “liberté” de la femme que lui donne l’usage des contraceptifs vis-à-vis de tous les hommes – et ce sont les hommes qui, en majorité, font les lois…
Positions théoriques
“Tous les camarades du bureau ont décidé d’établir cette semaine leur plan de naissances pour la période du second plan quinquennal. Les camarades de la clinique pour femmes et enfants ont terminé leur planification avant la date prévue et ont lancé un défi aux autres sections du bureau… La section médicale et préventive du bureau a accepté le défi ; pas moins de 64% des membres ayant déjà des enfants ont garanti qu’ils n’auraient plus d’enfants pendant le second plan quinquennal. D’autres sections ont certifié qu’ils diminueraient le nombre de naissances de 20%. pendant le premier plan quinquennal, à 4% pendant le deuxième plan quinquennal ” (Wen Hui Pao, Shanghaï, 23/1/1958, cité par C. Valabrègue).
Le texte ci-dessus n’est pas destiné à présenter ou discuter les moyens et les buts là poursuivis, mais à illustrer le sens de responsabilité qui doit être au centre de toute prise de position théorique.
Bref rappel historique.
Si le mouvement “Maternité Heureuse” date de 1955, la recherche d’un contrôle des naissances date de toujours. Sans aller jusqu’à l’Antiquité (tous les livres “sacrés” juifs, hindous, musulmans, chrétiens, etc. donnent leurs opinions sur cette question) il est généralement admis que Malthus (1766 – 1834) a été le premier dans son “Essai sur le principe de la population” (1798) à envisager théoriquement le problème de la population. Il nous semble que le problème était à l’époque à l’ordre du jour car Condorcet le traite dans son “Progrès de l’esprit humain” (écrit en prison, 1790); d’autre part, Malthus a pris comme point de départ de ses réflexions le livre de William Godwin (“Recherches sur le Justice politique” 1793).
À partir de cette époque, la plupart des hommes politiques, des économistes ont à prendre position.
En 1873, la loi de Constock aux U.S.A., la loi du 23/7/1920 en France marquent les victoires de l’opposition au contrôle des naissances. Mais dès 1823 (publication du livre de Francis Place) en Angleterre s’organise un important mouvement qui sous l’impulsion du Dr Drysdale en 1877 forme la Malthusian League ; la doctoresse Jacobs ouvre en 1878 à Amsterdam la première clinique de birth control. En France, sous l’impulsion de Paul Robin, en 1896, est fondée la “Ligue de régénération humaine”. En 1900, au premier congrès néo-malthusien international se crée la “Fédération universelle des Ligues malthusiennes”. On connaît les efforts persistants et courageux de nombreux militants de cette lutte : P ; Robin, Eugène et Jeanne Humbert, Dr Dalsace, E. Armand, Devaldès, L. Lecoin, Ch. A. Bontemps, A. Devraldt, etc.
Actuellement, le point de départ dans la lutte pour le contrôle des naissances est avant tout médical. Nous avons déjà montré dans les principes de l’I.P.P.F. qu’elle ne se base pas sur une position néo-malthusienne mais sur la médecine préventive. Elle prétend même que dans les pays comme les U.S.A., l’Angleterre, la France, la pratique du birth control n’influence pas sensiblement le taux de naissances ; le point de départ n’est donc pas démographique et les conséquences ne le sont pas non plus (celles-ci sont individuelles ; bonheur sexuel, enfant désiré, diminution des avortements, etc.). Dans d’autres pays comme le Japon, les Indes, la Chine, on utilise le même moyen, contrôle des naissances, dans un but avant tout démographique, et les résultats sont appréciables. Cette contradiction n’est qu’apparente car le birth control n’a pas un rôle isolé et entre dans un contexte beaucoup plus vaste socio-économique (il suffit de rappeler entre autres le rôle des allocations familiales chez des couples où faire un enfant est seulement un moyen de faire entrer de l’argent [[“Chroniques du “Canard enchaîné” – L’enfant de la feuille rose”, Morvan Lebesque,éd. Pauvert, 1960, 285p.]] les avantages des familles nombreuses – ou les planifications dans le sens inverse en Chine).
Pour placer le problème dans un cadre plus général, nous donnerons quelques positions théoriques.
Position catholique.
Nous avons dit l’importance de l’opposition des catholiques au birth control dans notre société. En voici les arguments :
“Même avec la femme légitime, l’acte matrimonial devient illicite et honteux dès lors que la conception de l’enfant est évitée”. (Pie XI) [[Encyclique Casti Conubili, Pie
“Nous portons en nous la marque du péché, il nous faut lutter sans cesse… quand il y a union, aucun obstacle volontaire ne doit être apporté aux possibilités de fécondation” (R.P. Tesson) [[Action Catholique Ouvrière, R.P. Tesson, “Maternité heureuse”, sept. 1960.]].
“C’est par leur libre responsabilité que l’homme et la femme doivent construire leur foyer et non en truquant la nature” (Magonette) [[Lettre de l’abbé Magonette, Caen, à la “Maternité heureuse”, déc. 1959.]].
“Ces pratiques abominables qui suppriment la vie dans sa source même” (les méthodes anticonceptionnelles) (Pie XI) [[Lettre apostolique de Pie
Les catholiques refusent donc le birth control, sauf la méthode Ogino, et refusent de distinguer entre fonction sexuelle et fonction de reproduction, alors que cette distinction même est inscrite par la nature dans l’espèce humaine par l’alternance de périodes de stérilité et de fécondité à un rythme prévisible puisque régulier.
Moins donc, que leurs arguments (qui varient d’ailleurs, la méthode Ogino n’étant pas reconnue par eux autrefois) compte le fait qu’ils s’efforcent d’imposer leur point de vue à des pays entiers (seuls les pays à majorité catholique sont hostiles au birth control). Mais cela même commence ici à leur échapper, comme le prouvent les nombreux manifestes qu’ils publient sur ce sujet pour ressaisir les fidèles. Leur influence actuelle directe – en dehors de la culpabilisation de notre société dont nous avons parlé – est d’ailleurs plus forte au sommet qu’à la base :
“Tous les 9 mois, de la puberté à la ménopause une femme chrétienne peut concevoir un enfant. En faisant la part des impondérables, un ménage catholique devrait donc offrir au Seigneur un enfant tous les ans. Même en calculant largement, nous devrions avoir quantité de familles de 10 à 15 enfants. Il n’en est rien. Il y a beau temps que les catholiques pratiquent la limitation des naissances, comme ils le peuvent, sans plus s’inquiéter d’irriter leurs prêtres et divinités” [[Une lectrice de la “Maternité heureuse”, sept. 1959.]].
Position marxiste.
Il est assez désagréable de constater que la position du parti communiste rejoint celle de l’église catholique, du moins dans sa fluidité, sinon par opposition directe. Dès l’époque de Karl Marx, ses disciples se sont opposés à la propagande néo-mathusienne ; pour eux, “la pression de la population, non pas sur les subsistances comme le prétend Malthus, mais sur les emplois. Dans la société sans classes, qui procurera du travail à tous et adaptera sa production à ses besoins, il ne sera pas question de surpopulation” (cité par le Dr Fabre) [[“La Maternité consciente”, Dr Henri Fabre, éd. Denoël, 1960, 168p.]]. Lénine qualifie le néo-mathusianisme de “tendance propre au couple petit-bourgeois recroquevillé et égoïste… Cela ne nous empêche pas d’exiger un changement complet de toutes les lois interdisant l’avortement ou la diffusion d’ouvrages de médecine ayant trait aux moyens anticonceptionnels” [[“La classe ouvrière et le néo-malthusianisme”, “Pravda”, juin 1913.]]. Et Maurice Thorez : “le contenu réactionnaire de la doctrine de Malthus… et les théories barbares du néo-malthusianisme américain” [[“L’Humanité”, 2 mai 1956.]].
La position officielle en U.R.S.S. et en Chine populaire, après plusieurs fluctuations et malgré des contradictions, est actuellement pour une certaine limitation des naissances.
Il faut souligner que le P.C. (s’il est encore marxiste?) accepte le contrôle des naissances.
Le malthusianisme.
Sa position théorique est connue : augmentation géométrique de la population, augmentation algébrique de la production ; ainsi que sa position pratique : abstinence, mariage tardif, priorité de la morale. Cette position est dépassée.
Le néo-malthusianisme.
Il a pour départ l’enseignement de Malthus, mais plus élargi, non seulement dans le sens démographique et social, mais aussi dans le sens individuel.
Mais surtout, sa position pratique est plus intéressante : non abstention mais acceptation des “procédés vicieux” (Malthus), c’est-à-dire des moyens permettant un freinage des naissances en même temps qu’une vie sexuelle normale. La plupart des libertaires se placent sur ce même plan :
“Parmi les plus importants bienfaits que doit apporter la réforme sexuelle… est celui de la prophylaxie anticonceptionnelle, grâce à la limitation raisonnable, consciente des naissances. Au lieu des facteurs limitatifs de répression (chasteté, continence, célibat, avortement, prostitution, infanticide, mort prématurée, misère, famine, guerre), nous voulons substituer l’emploi judicieux des procédés anticonceptionnels préventifs… Nous demandons aussi que l’on nous autorise à installer des cliniques où les femmes du peuple pourraient trouver la connaissance de la vie sexuelle qui leur fait défaut… nous réclamons le droit de répandre la doctrine néo-malthusienne… nous voulons substituer le seul, l’unique moyen vraiment humain de borner la famille et par suite la population : la procréation consciente et libre. Pas de libération possible de l’amour sans la liberté de la maternité. Nous demandons de voter et d’envoyer au chef du gouvernement français un vœu réclamant l’abrogation de la loi scélérate de 1920”. (Eugène et Jeanne Humbert) [[Rapport fait au quatrième congrès de la ligue mondiale pour la réforme sexuelle, sept.1930.]].
“Entendez-moi bien Je ne veux pas dire par là que la solution qu’on apporte à ce problème de la population dans ses rapports avec les subsistances est la solution du problème tout entier : je ne le confonds pas avec le problème lui-même, mais je dis qu’on ne parviendra jamais à résoudre d’une façon définitive, positive, le problème social sans résoudre, en même temps, le problème de la population et des subsistances… Le but de la sociologie, c’est, si j’ose dire, d’organiser le bonheur dans la société. Toute mesure qui à pour objet d’accroître le bonheur humain est une mesure favorable à la solution du problème social”. (Sébastien Faure) [[“Propos subversifs”, S. Faure, éd des amis de Faure.]]
Position individualiste.
Elle a pour point de départ non pas les données démographiques et économiques, mais les intérêts individuels.
“Dans un milieu basé sur l’exploitation et l’autorité, ce que cherchent les individualistes des deux sexes, c’est vivre leur vie, sans renoncer aux délices de l’amour sexuel.. Les procédés préventifs permettent à nos compagnes d’être mères à leur gré… Les individualistes ne s’occupaient point du chiffre qu’atteindra la population… Indifférents aux gémissements des moralistes, des repopulateurs parlementaires, des chefs du socialisme qui comptent sur l’accroissement des malheureux pour les hisser au pouvoir, les individualistes opposaient au déterminisme aveugle et irraisonné de la nature leur déterminisme individuel fait de volonté et de réflexion. C’est en ce sens seulement que les individualistes sont néo-malthusiens. C’est surtout parce qu’elle leur paraît complémentaire de leur recherche du maximum d’indépendance” (Emile Armand) [[“La limitation raisonnée des naissances et le point de vue individualiste”, E. Armand, 1931.]].
Anarchisme malthusien.
Il représente un intérêt strictement historique. Il a surtout été exposé par C.L. James dans sa brochure “Anarchism and Malthus”(1910) traduite en 1924.
“La théorie malthusienne est l’objection fatale à toute forme de socialisme – même lorsqu’il s’appelle anarchisme – qui encourage l’homme à penser qu’il peut à la fois maintenir les femmes dans l’esclavage et échapper à la très juste conséquence d’être esclave lui-même. C’est là l’argument le plus puissant en faveur de cette sorte de socialisme ou d’anarchisme qui se propose, par l’émancipation complète des femmes, d’abolir la tyrannie fondamentale dont toutes les autres découlent… Les écrivains bourgeois se sont emparés des doctrines de Malthus et de Darwin comme d’un argument contre la coopération et l’assistance, et par-dessus tout contre tout ce qui ressemble au communisme. La lutte pour l’existence, nous disent-ils est la source du progrès. Aider les faibles à vivre et surtout à se reproduire, c’est de la part des forts, affaiblir l’organisme social, et en même temps faire naître des espoirs irréalisables. Mais… d’abord la coopération n’est pas de la charité… ensuite, l’effet paupérisant de la charité dépend d’une dégradation préalable du donataire. Nul homme ne devient moralement pire du fait qu’il est aidé par un de ses compagnons de travail. Mais c’est ce qui arrive à tout homme qui reçoit de la main d’un protecteur condescendant… Parmi ceux qui ont accordé à cet aspect de la question l’attention qu’elle méritait, Kropotkine est le plus notoire” (C.L. James) [[“Malthus et l’Anarchisme”, C.L. James, la Brochure Mensuelle, juillet 1924.]]
Conclusion
Si nous n’avons pas abordé, jusqu’à maintenant, cette question dans “NR”, ce n’est pas par indifférence, mais par manque de temps, et parce que d’autres questions nous semblaient plus actuelles.
Les prévisions de Malthus en ce qui concerne les statistiques futures de la population ne se sont pas réalisées, ou plutôt ne sont réalisées qu’en partie (d’après Sauvy [[De Malthus à Mao Tsé-Toung”, A. Sauvy, éd. Denoël, 1958.]], Prof. Hans Thirring [[“49 millions de milliards d’hommes en 2960?”, Thirring, voir le “Monde Libertaire”, juin 1959.]], Prof. G. Bouthoul [[“La surpopulation dans le monde”, Gaston Bouthoul, éd. Payot 58 (voir le Monde Libertaire, juin 1958.]], etc.) Mais même Malthus a écrit que “la population tend à croître”.
Les possibilités d’accroissement de la production sont actuellement plus grandes qu’au temps de Malthus : chimie et mécanique agrotechniques, électricité, énergie atomique, etc.
La diminution de la marge entre la production et la population n’enlève rien au fond du problème. En effet, la production ne signifie pas la distribution, dans le système économique actuel les stocks de denrées et les bénéfices financiers énormes coexistent avec la famine et la misère. En outre, les poussées démographiques restent toujours menaçantes, surtout dans les pays dits sous-développés où elles compromettent tout effort d’industrialisation, d’équilibre et d’hygiène. En Europe, ce même problème se posera autrement, mais inévitablement, malgré le taux relativement bas des naissances, vu que l’émigration vers d’autres continents, et leur colonisation, est terminée.
Tout en tenant à la liberté individuelle, dans le sens d’être libre d’avoir ou non des enfants, notre point de vue n’est pas celui des anarchistes individualistes, car nous ne nous considérons pas “en dehors” de la société, même si cette société n’est pas la nôtre – nous sommes solidaires des autres humains, parce que nous ne nous considérons pas “qualitativement” différents d’eux. Ensuite, le principe “moins de responsabilité = plus d’indépendance” a fait plus de mal que de bien dans le mouvement libertaire. Enfin, l’humanité n’est pas faite d’une addition arithmétique des individus, le problème sur le plan individuel et sur celui de la société ne se résout pas avec la même mesure – le bonheur individuel ne suffit pas.
L’aspect purement économique de la question s’éclaire du fait que le nombre de la population ouvrière, l’offre et la demande de main-d’œuvre, les salaires, le pouvoir d’achat – ont montré que le capitalisme a accru sa faculté d’adaptation. Si le nombre des ouvriers est limité, l’augmentation des salaires n’est pas automatique : les capitalistes importent la main-d’œuvre, ils transfèrent leurs usines dans d’autres régions, d’autres continents même, plus près des matières premières et des marchés.
La lutte ouverte contre les lois dites liberticides, y compris les lettres de protestation, les projets de loi, etc. au lieu d’accélérer la solution a élevé de nouveaux obstacles. Les députés sont liés avec le système, non seulement directement, mais aussi par l’intermédiaire des électeurs et il ne faut pas attendre grand chose du parlement. Il en est de même avec l’alcoolisme, malgré l’évidence, aucune loi n’a pu sortir contre les bouilleurs de cru. En réalité, comme le dit le professeur Piedelièvre, “presque tous les Français emploient l’une ou l’autre des méthodes anticonceptionnelles – comment alors, arrêter tous les Français?”. La loi et l’Église n’ont donc plus une importance prépondérante.
Ce qui est important c’est la prise de conscience individuelle et sociale et le dépassement du tabou sexuel. Les produits anticonceptionnels masculins sont en vente dans toutes les pharmacies, les autres sont trouvables, il ne manque que les cliniques (celles-ci peuvent être ouvertes sans changer la loi, dans un but de statistiques). Ce sont donc actuellement les attitudes – elles peuvent être éducables – qui bloquent la pratique.
En somme, le but du contrôle des naissances dans la phase actuelle est une tâche limitée et précise (même trop limitée pour nous). Les libertaires qui ont été pendant des années aux premières lignes de la bataille néo-malthusienne ne peuvent qu’apporter leur appui aujourd’hui à cette même lutte. Plusieurs mouvements, comme la Libre Pensée, l’Union Rationaliste, la Ligue Française pour la Défense des Droits de l’homme, l’Église protestante, le P.S.U., l’U.N.E.F. apportent le leur. Le fait que les animateurs d’aujourd’hui ne sont pas des libertaires, que le point de départ est plus médical, qu’y participent des tendances très diverses, n’enlève rien au problème.
“N’importe quel gouvernement autoritaire peut – soit par la crainte, soit par l’appât du gain – en multipliant les enfants de la peur et les fils de l’allocation, peut enfler démesurément ses effectifs en vue de manœuvres agressives… Ce pullulement accroît à la fois la méfiance entre les peuples, le nationalisme et permet à des chefs politiques dédaigneux de l’humanité et de la morale de s’adonner à des politiques atroces. II rend concevable une politique raciste qui consiste à supprimer les populations rivales en les remplaçant rapidement” (G. Bouthoul).
[/Drs. C. et T./]