La Presse Anarchiste

Groupuscule ou mouvement révolutionnaire ?

Faire le point…

Un cer­tain nombre de cou­rants essaient hon­nê­te­ment avec le recul de tirer cer­taines conclu­sions du Mou­ve­ment de Mai. Ces conclu­sions sont certes sou­vent dif­fé­rentes et par­fois bien par­tielles ou timides. Il faut pour­tant pour­suivre cette ana­lyse et, ce qui serait impor­tant, sus­ci­ter des débats et des ren­contres. Bien sou­vent alors, on ver­rait que la divi­sion des révo­lu­tion­naires est plus super­fi­cielle qu’il ne paraît…

Mais cette divi­sion existe et ne fait que s’aggraver.

Ain­si, au point où nous en sommes aujourd’­hui, l’im­pacte de ceux que l’on nomme les « gau­chistes » sur la classe ouvrière est pra­ti­que­ment nul. Cer­tains y voient une absence de péné­tra­tion des idées révo­lu­tion­naires au sein des masses. Ce n’est pas cer­tain car la faillite du réfor­misme conduit nombre de mili­tants ouvriers et syn­di­ca­listes à recher­cher des solu­tions. Par contre, c’est plu­tôt l’ab­sence d’une posi­tion cohé­rente qui pro­voque un repli des mili­tants sur le P.C. ou la C.G.T. qui, bien que leurs posi­tions soient en géné­ral jugées fausses ont le mérite d’exis­ter, faute de mieux.

Les cama­rades de « Lutte Ouvrière » écrivent : (N°Juillet-Août)

« Les gau­chistes n’ont pas été capables de cris­tal­li­ser l’es­poir né en Mai. Ils n’ont pas su répondre aux aspi­ra­tions pro­fondes de mil­liers de com­bat­tants du prin­temps de 1968 ouvriers et intel­lec­tuels … Le cou­rant gau­chiste n’a pas su se dres­ser au des­sus de ses petites que­relles intes­tines. Cet esprit s’est mani­fes­té par le refus sys­té­ma­tique de ten­ter le regrou­pe­ment entre les dif­fé­rentes ten­dances du mou­ve­ment révo­lu­tion­naire, alors que seul un tel regrou­pe­ment pou­vait cris­tal­li­ser les éner­gies du mou­ve­ment dans son entier et consti­tuer une véri­table force révo­lu­tion­naire dans le pays… Trop sou­vent, la dis­cus­sion des idées a été rem­pla­cée par les calom­nies, les ragots, le mépris affi­ché des posi­tions d’autrui… »

Tout cela est par­fai­te­ment juste.

Qu’en concluent donc les cama­rades de « Lutte Ouvrière » ?

Que les révo­lu­tion­naires qui appuient leur action inter­na­tio­na­liste sur Cuba ou la Chine ont néces­sai­re­ment tort et qu’il existe « un mou­ve­ment trots­kyste inter­na­tio­nal avec lequel il est néces­saire de travailler ».

Dans un pre­mier temps, on crée­rait une orga­ni­sa­tion avec le droit de frac­tion pour toutes les ten­dances du trots­kysme et de l’Op­po­si­tion de Gauche. Dans un second temps, on uni­fie­rait tous les trots­kysmes et ain­si on « gagne­rait la confiance de nom­breux mili­tants révo­lu­tion­naires d’autres ten­dances ». Sur le plan fran­çais, il y aurait néces­si­té de construire un « pro­gramme » en met­tant en com­mun les expé­riences de lutte des divers groupes.

De nom­breuses pho­to­gra­phies nous montrent les mee­tings com­muns entre Rouge et Lutte Ouvrière, bien que l’on reproche à la Ligue Com­mu­niste d’être un groupe sec­taire et sans programme.

Bien qu’il semble que ces cama­rades ne peuvent aban­don­ner la pers­pec­tive trots­kyste (leur posi­tion inter­na­tio­nale le prouve), ils font quelques pro­po­si­tions posi­tives : le pro­gramme éla­bo­ré à par­tir des objec­tifs poli­tiques immé­diats en fonc­tion des expé­riences — néces­si­té de s’im­plan­ter en milieu ouvrier. Mais cela paraît être des lieux com­muns et tout le monde l’af­firme pour son propre compte.

Lutte Ouvrière conclue : « Nous enten­dons dis­cu­ter et agir sérieu­se­ment même avec les gau­chistes qui ne savent pas ou ne veulent pas le faire. Et plus notre ten­dance se ren­for­ce­ra, plus nous défen­drons cette poli­tique et plus, fina­le­ment, nous l’im­po­se­rons à tout le mouvement ».

Ce qui signi­fie en clair que ces cama­rades consi­dèrent comme leur tâche immé­diate de deve­nir majo­ri­taires dans le mou­ve­ment révo­lu­tion­naire et de pou­voir ain­si impo­ser leurs vues. C’est alors que l’uni­té sera réa­li­sée, mais autour d’eux et sous leur direction.

Cet état d’es­prit est signi­fi­ca­tif et c’est pour cela que nous avons vou­lu insis­ter un ins­tant sur cette posi­tion dont il faut démon­ter le méca­nisme. Il est cer­tain que nous pour­rions deman­der à chaque groupe d’ex­pri­mer sa posi­tion concer­nant l’U­ni­té des révo­lu­tion­naires et nous obtien­drions des répondes sem­blables. Il faut construire le Par­ti Révo­lu­tion­naire, mais sur les bases que cha­cun pro­pose. Notons que géné­ra­le­ment cha­cun ne fait que reprendre les thèses léni­nistes du « Par­ti » sans appor­ter d’a­men­de­ments sen­sibles. Nous y reviendrons.

[|* * * *|]

Il est signi­fi­ca­tif de consta­ter que l’é­tude de Lutte Ouvrière men­tionne peu ou presque pas du tout les anar­chistes. On pour­rait pour­tant faire les mêmes remarques à leur sujet.

C’est un lieu com­mun d’af­fir­mer que chaque grou­pus­cule tente non seule­ment d’a­voir sa propre ana­lyse du mou­ve­ment de Mai, mais essaie aus­si de se l’approprier.

La Fédé­ra­tion Anar­chiste Fran­çaise n’a pas man­qué de se livrer à cet exer­cice lors du pseu­do congrès inter­na­tio­nal de Car­rare. Une orga­ni­sa­tion de jeunes anars l’a­vait aus­si pra­ti­qué dans un texte pré­pa­ra­toire du dit congrès.

Les anar­chistes fran­çais sont divi­sés en de mul­tiples cha­pelles. Pour­tant, n’ayant pas d’or­ga­ni­sa­tions de type « par­ti », en dehors de vieux lea­ders sec­taires et auto­ri­taires qui ne sont plus guère sui­vis, ils ont tout de même conscience d’ap­par­te­nir à une même famille idéo­lo­gique ou du moins éthique et se livrent un peu moins que les autres à des excom­mu­ni­ca­tions majeures qui seraient pour­tant quel­que­fois néces­saires quand de jeunes far­fe­lus sur les­quels nous revien­dront déforment la pen­sée liber­taire au point de la rendre odieuse au reste du mou­ve­ment révolutionnaire.

Ain­si que le fait Lutte Ouvrière pour le mou­ve­ment trots­kyste, nous pour­rions aus­si affir­mer qu’il existe à défaut d’une Inter­na­tio­nale qui a fait fias­co un mou­ve­ment anar­chiste inter­na­tio­nal avec lequel il est néces­saire de tra­vailler. Cela ne serait pas plus faux que l’af­fir­ma­tion des cama­rades trots­kystes et cela serait plu­tôt com­plé­men­taire. Dans cet esprit, les auteurs de ce bul­le­tin pour­suivent leurs contacts avec les mou­ve­ments anar­chistes des autres pays. Il est d’ailleurs sou­hai­table qu’un mou­ve­ment gau­chiste uni­taire conserve tous ces contacts aus­si utiles les uns que les autres.

On trouve aus­si chez les anar­chistes le vieux rêve de l’U­ni­té et nombre de vieux mili­tants le caressent : comme chez les trots­kystes, le pro­blème reste entier. Mais la situa­tion se com­plique encore parce que tous les anar­chistes ne sont pas par­ti­sans de la Révo­lu­tion et parce qu’ils sont sou­vent atteints d’un anti-mar­xisme mala­dif et épidermique.

[|* * * *|]

On aurait pu croire que le sève anar­chiste d’u­ni­té aurait pu se concré­ti­ser autour du phé­no­mène Cohn-Ben­dit et du fait que mai a remis à l’ac­tua­li­té nombre de thèses liber­taires. Mais le fait que les par­ti­sans de Cohn-Ben­dit sont les adeptes d’un cer­tain spon­ta­néisme et d’une posi­tion anti-orga­ni­sa­tion­nelle a fait que l’A­nar­chisme n’a su tirer aucun béné­fice poli­tique des évé­ne­ments que ce cou­rant a sus­ci­té en grande par­tie. Tout au plus la Fédé­ra­tion Anar­chiste a pu, comme les autres grou­pus­cules « pêcher à la ligne » à l’oc­ca­sion de mee­tings orga­ni­sés au cœur de la lutte.

Le carac­tère bureau­cra­tique de la F.A.F. pro­voque pério­di­que­ment en son sein une saine réac­tion d’élé­ments jeunes qui, après avoir ten­té de la réfor­mer se voient contraints de la quit­ter. Mais au lieu de ten­ter de s’u­nir et de repo­ser le pro­blème de l’A­nar­chisme en France glo­ba­le­ment, cha­cune de ces four­nées de contes­ta­taires forme un nou­veau groupe accen­tuant encore la division.

[|* * * *|]

La récente can­di­da­ture Kri­vine a por­té un coup consi­dé­rable à l’uni­té pos­sible des révo­lu­tion­naires. Le fait que d’autres groupes trots­kystes de ten­dances dif­fé­rentes s’y sont ral­liés ne change rien à ce qui fut une gigan­tesque erreur politique.

Kri­vine s’est donc pré­sen­té comme le repré­sen­tant du Mou­ve­ment de Mai alors que Rocard du P.S.U. le fai­sait aus­si. La divi­sion des gau­chistes s’est donc éta­lée aux yeux du grand public. Le tra­vailleur qui ne fait pas la dis­tinc­tion entre les divers groupes a donc eu la sen­sa­tion que le mou­ve­ment de Mai était aus­si divi­sé que la Gauche tra­di­tion­nelle et aus­si impuis­sant. Kri­vine a fait 2% des voies, don­nant ain­si l!impression d’une grande fai­blesse de ceux qui avaient fait tant peur à la bour­geoi­sie en 1968 !

La cam­pagne de Kri­vine à la télé­vi­sion a don­né le spec­tacle d’un groupe intel­lec­tuel abso­lu­ment de par son lan­gage hors de la por­tée de la masse et qui plus est, sans pro­gramme pré­cis (comme le sou­ligne, Lutte Ouvrière).

Cette can­di­da­ture a été pré­sen­tée comme « anti-élec­to­ra­liste » alors que les affiches qui pro­cla­maient ce mot d’ordre appe­laient tout de même à voter. Cette tac­tique d’u­ti­li­sa­tion de la léga­li­té bour­geoise à des frais de pro­pa­gande est connue. Elle n’a jamais don­né aucun résul­tat et qui plus est n’est abso­lu­ment pas com­prise par les masses.

Certes, le but de Kri­vine est de for­mer un nou­veau par­ti com­mu­niste à par­tir de la Ligue Com­mu­niste qui pro­clame son adhé­sion à la 4ème Inter­na­tio­nale. Sa démarche a cou­pé nombre de mili­tants de Mai de son orga­ni­sa­tion. Et nous sommes en pré­sence d’un nou­veau par­ti qui pré­tend à lui seul construire l’a­vant-garde en France.

[|* * * *|]

À l’op­po­sé, les cama­rades de l’ex-Par­ti Com­mu­niste Mar­xiste-Léni­niste de France se pré­tendent eux aus­si la seule « avant-garde » et leur presse ne manque pas à chaque paru­tion d’in­sul­ter bas­se­ment les trots­kystes concurrents.

[|* * * *|]

Il faut sou­li­gner que le groupe de Kri­vine avait par­ti­ci­pé dès Mai 68 à la démarche uni­taire ten­tée par un groupe de mili­tants qui devait don­ner nais­sance au Comi­té d’I­ni­tia­tive pour un Mou­ve­ment Révo­lu­tion­naire dont les anar­chistes com­mu­nistes qui animent ce bul­le­tin sont membres. Que s’est-il donc passé ?

Le fait que le Mou­ve­ment de Mai est plus ou moins cou­pé des masses et que la situa­tion ne semble pas immé­dia­te­ment révo­lu­tion­naire (encore qu’il fau­drait voir !) pro­voque un repli d’un cer­tain nombre de ten­dances sur leurs posi­tions anté­rieures, soit pour des rai­sons d’op­por­tu­nisme poli­tique, soit aus­si pour des rai­sons sentimentales.

C’est ain­si que quit­tant le Comi­té d’I­ni­tia­tive pour un Mou­ve­ment Révo­lu­tion­naire, les trots­kystes de la ten­dance « pabliste » viennent de for­mer une nou­velle orga­ni­sa­tion dite : Alliance socia­liste révo­lu­tion­naire.

C’est ain­si qu’un cer­tain nombre de mili­tants anar­chistes com­mu­nistes appar­te­nant à notre ten­dance au sein du C.I.M.R. nous ont quit­tés pour for­mer le Mou­ve­ment Com­mu­niste Liber­taire.

Ces cama­rades ont pris là une lourde res­pon­sa­bi­li­té. Voi­là donc deux orga­ni­sa­tions révo­lu­tion­naires de plus ! Comme s’il n’y en avait pas encore assez ! Et qui plus est : une orga­ni­sa­tion trots­kyste de plus et une orga­ni­sa­tion anar­chiste de plus ! cela ne fera qu’ac­croître la confu­sion. Le pro­ces­sus grou­pus­cu­laire basé sur les scis­sions et les divi­sions per­pé­tuelles conti­nue donc…

[|* * * *|]

Le cama­rade P. Mon­ti­ni publie dans le numé­ro 44 de « Noir & Rouge » une étude extrê­me­ment inté­res­sante sur ce qu’il appelle la « Théo­rie des Cha­pelles ». Il nous est impos­sible de citer une étude aus­si riche en son entier et nous ren­voyons nos amis à la lec­ture de notre revue-sœur. Pré­ci­sons pour­tant les points les plus impor­tants avec les­quels nous sommes en com­plet accord :
– Les grou­pus­cules se trouvent en géné­ral d’ac­cord pour consta­ter le dépla­ce­ment du centre de gra­vi­té de la Révo­lu­tion vers le tiers monde ou bien réagissent d’une manière cri­tique à cette thèse.
– Ils sou­tiennent les luttes anti-impérialistes
‑Ils constatent la radi­ca­li­sa­tion rapide et pro­fonde des reven­di­ca­tions du pro­lé­ta­riat dans les pays capi­ta­listes évolués.
– Ils constatent l’é­cla­te­ment sur le plan inter­na­tio­nal de la bureau­cra­tie sta­li­nienne et dénoncent la col­la­bo­ra­tion de classe du PCP et de la CGT.
– Ils éprouvent le besoin de s’a­dap­ter à cette situa­tion et envi­sagent cha­cun pour son compte une reconstruction
– Ils font la cri­tique de l’ac­tion des autres grou­pus­cules mais ils ne font pas la cri­tique de l’en­semble des grou­pus­cules consi­dé­rés comme une uni­té «  socio-poli­tique ». Cha­cun se contente de cri­ti­quer les autres.
– Chaque cri­tique rend cha­cune compte d’un aspect réel du phénomène.
– Ils ont cha­cun une concep­tion de leurs rap­ports avec les masses mais n’ont aucune concep­tion de leurs rap­ports avec les autres cha­pelles consi­dé­rées comme « quan­ti­té négli­geable » (appré­cia­tion exacte pour autant qu’on puisse ne les consi­dé­rer qu’une par une)
– Pour­tant, l’en­semble des cha­pelles qui sont zéro prises une par une repré­sente un fait objec­tif très important.
– Elles repré­sentent ensembles le cou­rant « de rechange révolutionnaire »
– Cha­cune d’elle repré­sente une ten­dance du mou­ve­ment général.
– Les masses qu’une cha­pelle don­née peut tou­cher à un moment ou à un autre consi­dèrent cette cha­pelle « comme une par­mi les autres ».
– Le milieu tou­ché par les diverses cha­pelles est unique.
– Chaque cha­pelle se consi­dère comme ori­gi­nale. Elle est créée pour rem­plir un vide poli­tique qu’elle est seule à voir.
– Chaque cha­pelle ne se défi­nit plus que « par rap­port à cha­cune des autres » et non plus essen­tiel­le­ment par rap­port à l’en­ne­mi de classe et ses alliés.
– Les publi­ca­tions des cha­pelles uti­lisent un lan­gage spé­cia­li­sé, for­ma­liste, employé par les ancêtres-théo­ri­ciens, sacré, magique, seule­ment lisible pour les initiés.

Nous pour­rions ajou­ter ce que nous avons déjà dit à savoir que les cha­pelles scis­sionnent per­pé­tuel­le­ment à pro­pos d’o­rien­ta­tions sou­vent secon­daires qu’elles consi­dèrent comme essentielles.

La conclu­sion du cama­rade P. Mon­ti­ni laisse appa­raître une lueur :

Ceux qui ne sont pas orga­ni­sés déplorent cette divi­sion. Il y a de récentes ten­ta­tives d’ac­ti­vi­tés moins sec­taires au delà des cha­pelles. Mais on ne nous dit pas quelles sont ces ten­ta­tives et la rédac­tion de Noir & Rouge prend soin de pré­ci­ser que cette étude est inache­vée, qu’il fau­drait faire un bilan de l’ac­quis théo­rique des cha­pelles et enfin, des pro­po­si­tions concrètes. C’est ici que nous avons quelque chose à dire.

[|* * * *|]

Au cours d’un débat orga­ni­sé par le « Cercle Mai » de Macon, Alain Geis­mar disait qu’il y a ceux qui sont sor­tis pro­fon­dé­ment chan­gés par mai et ceux qui ont tra­ver­sé cet évé­ne­ment for­mi­dable sans avoir rien com­pris et en conser­vant leurs vieux sché­mas. Seuls, les pre­miers auront leurs place dans la poli­tique fran­çaise et pren­dront la relève du P. C…, c’est-à-dire de l’A­vant-Garde défaillante. Mais l’ap­proche du pro­blème de l’U­ni­té par Geis­mar et ses amis est pure­ment empirique.

Il faut uni­que­ment par­tir du tra­vail pra­tique et c’est le pro­ces­sus de la lutte qui défi­ni­ra les objec­tifs. Il faut consi­dé­rer qu’il y a dans chaque loca­li­té un groupe révo­lu­tion­naire pré­pon­dé­rant et son éti­quette est abso­lu­ment secon­daire. La dyna­mique de la lutte arran­ge­ra tout. Nous ne sommes pas d’ac­cord avec cette théo­rie qui pré­sente des relents de « spon­ta­néisme ». Mais nous pen­sons que cette atti­tude peut per­mettre de tra­vailler et c’est déjà un point important.

[|* * * *|]

Il est cer­tain que la classe ouvrière attend qu’on lui pro­pose un pro­gramme révo­lu­tion­naire de rechange au réfor­misme du P.C. et qu’une simple action empi­rique orien­tée vers les masses n’est pas suffisante.

Il semble qu’il soit pos­sible de tirer des posi­tions des divers grou­pus­cules un début de défi­ni­tion d’ob­jec­tifs qui sont loin d’être mini­mum. Nous énu­mé­rions déjà ces objec­tifs dans notre bro­chure parue bien avant mai « Lettre du Mou­ve­ment Anar­chiste International » :
– Lutte pour la sup­pres­sion de la pro­prié­té pri­vée des moyens de production.
– Pour la liqui­da­tion de l’État capitaliste.
– Contre l’Im­pé­ria­lisme et le colonialisme.
– Contre les doc­trines et les dévia­tions réfor­mistes (col­la­bo­ra­tion de classe, par­le­men­ta­risme, électoralisme)
– Contre le bureaucratisme.
– Pour une atti­tude inter­na­tio­na­liste pratique.

Tout ces points com­muns appa­raissent dans la pro­pa­gande quo­ti­dienne des uns et des autres.

Mais ajou­tions nous, il faut cher­cher l’unité :
– favo­ri­ser, orga­ni­ser et sus­ci­ter tous les échanges possibles
– favo­ri­ser et orga­ni­ser tous échanges d’in­for­ma­tions entre révo­lu­tion­naires sur leurs actions respectives.
– favo­ri­ser et orga­ni­ser toute action com­mune possible
– créer et ren­for­cer la soli­da­ri­té entre tous sans exclusive.
– exer­cer une soli­da­ri­té pra­tique à tout acte révolutionnaire.

Tous ces points pra­tiques peuvent être réa­li­sés, soit par le canal d’un Front (mais les récentes ten­ta­tives ont échoué), soit par le moyen d’or­ga­nismes à objec­tifs par­tiels. Le « Comi­té Viet­nam Natio­nal » était une ten­ta­tive valable dans cet esprit, mais il fau­drait en envi­sa­ger d’autres.

[|* * * *|]

Si ces col­lec­tifs par­tiels existent, il faut bien conve­nir que leur réa­li­sa­tion. com­mune se trouve au stade du vœux pieux. Qui pour­rait en prendre l’i­ni­tia­tive sinon une orga­ni­sa­tion qui n’au­rait plus le carac­tère groupusculaire ?

Nous tou­chons de toute manière à un autre défaut des grou­pus­cules que nous avions bien vu au sein des Comi­tés d’Ac­tion et même au sein des Comi­tés Viet­nam, à savoir que leurs mili­tants se rendent dans les organes à objec­tifs par­tiels sur­tout pour y faire leur propre pro­pa­gande et pour y pêcher des militants.

C’est parce qu’il manque aux révo­lu­tion­naires ce que nous pour­rions appe­ler une troi­sième dimen­sion qui est l’es­sen­tiel à nos yeux : la facul­té de conce­voir ce qui fait objec­ti­ve­ment avan­cer la Révo­lu­tion au delà de tout esprit de par­ti­cu­la­risme. En ce sens, la démarche de Geis­mar est déjà meilleure.

Outre que, comme nous l’a­vons déjà dit, chaque groupe conçoit l’a­vant-garde uni­que­ment sous la forme du « par­ti » léniniste.centraliste démo­cra­tique, la plu­part se consi­dère, cha­cun pour soi, comme l’a­vant-garde. Et il y a beau­coup d’a­vant-gardes en France actuellement !

Certes, les choses ne sont pas affir­mées d’une manière aus­si sim­plistes ou sché­ma­tiques mais cha­cun songe à ren­for­cer son propre groupe dans l’es­poir de le voir pré­pon­dé­rant à l’oc­ca­sion d’ac­tions de masse futures. Nous avons vu au début de cette étude que tel sem­blait être l’é­tat d’es­prit de « Lutte Ouvrière », c’est aus­si l’ar­gu­ment qui a été déve­lop­pé auprès des anar­chistes com­mu­nistes dans le texte pré­pa­ra­toire à la réunion consti­tu­tive du Mou­ve­ment Com­mu­niste Libertaire.

[|* * * *|]

C’est à ce niveau que se fait la « boule de neige » car les cama­rades qui ont fon­dé le Mou­ve­ment Com­mu­niste Liber­taire tirent argu­ment de l’at­ti­tude d’un cer­tain nombre de grou­pus­cules mar­xistes pour affir­mer que les anar­chistes com­mu­nistes n’ont qu’à en faire autant.

Les « pablistes » de l’Alliance Socia­liste Révo­lu­tion­naire ont tenu le même rai­son­ne­ment pour leur compte. L’un d’eux nous écrit : « Nous ne pou­vons pas nous condam­ner à dis­pa­raître en tant que mili­tants parce que vous avez des illu­sions sur nos pos­si­bi­li­tés immédiates… »

Le retour aux posi­tions anciennes est donc tentant ?

Depuis que ce qui reste de l’union des groupes anar­chistes com­mu­nistes d’a­vant Mai 68 a for­mé la ten­dance anar­chiste com­mu­niste du C.I.M.R., que de reproches n’a­vons nous pas enten­du de la bouche des cama­rades anarchistes.

Sans nous arrê­ter à ceux qui nous consi­dèrent comme des « agents du bol­che­visme » infil­trés dans les rangs liber­taires et à d’autres fadaises du même aca­bit, nous enten­dons sou­vent un autre type de critiques :

Pour­quoi renon­cer a une pro­pa­gande anar­chiste auprès du public au pro­fit de celle des Comi­tés du « M.R. » ? Pour­quoi dépen­ser autant d’éner­gies pour un mou­ve­ment où militent des mar­xistes alors que ces mêmes éner­gies seraient mieux employées au triomphe de l’I­déal anar­chiste ? (ce type de pen­sée était d’ailleurs aus­si lar­ge­ment répan­du au sein des « pablistes » qui ont fini par y céder). Nous nous refu­sons, pour notre part à céder à cette ten­ta­tion qui n’est que sen­ti­men­tale. Ain­si ce qui importe à ces cama­rades qui nous cri­tiquent ou ne nous com­prennent pas, ce n’est pas que la Révo­lu­tion ou l’A­nar­chisme avancent dans la socié­té d’une manière objec­tive. Ce qui leur importe c’est que l’é­ti­quette soit mise en avant ? Nous sommes sûrs que c’est cet esprit de « bou­tique » qui, tout compte fait retarde la réa­li­sa­tion. de ce qui leur est cher. Pour notre part, nous pré­fé­rons le conte­nu de la bou­teille à son étiquette !

Nous écri­vions déjà dans notre « Lettre au Mou­ve­ment Anar­chiste International » :

« Pour nous, l’anar­chie au sens abso­lu du terme, c’est-à-dire la libé­ra­tion totale de l’homme de toutes les alié­na­tions et de toutes les cau­sa­li­tés est un deve­nir per­ma­nent et une réa­li­sa­tion qui n’au­ra pas de fin. Ce que nous pou­vons seule­ment faire, c’est déga­ger la par­celle d’A­nar­chie pos­sible de chaque acte qui contri­bue à la libé­ra­tion de l’Humanité.

« C’est pour­quoi, nous ne crai­gnons pas d’af­fir­mer que là dans la période don­née de l’é­vo­lu­tion du monde qui est celle où nous vivons, il est ridi­cule de croire à une Révo­lu­tion à forme anar­chiste inté­grale pro­mue par un mou­ve­ment pure­ment anar­chiste. C’est parce qu’ils ont cru trop long­temps pos­sé­der le mono­pole de la Révo­lu­tion que les anar­chistes se sont cou­pés des masses et de l’his­toire. Dès lors se pose la ques­tion de la pré­sence de l’A­nar­chisme révo­lu­tion­naire et de son inté­gra­tion dans un mou­ve­ment plus large ayant la démarche révo­lu­tion­naire pour base ».

Cette posi­tion de fond nous fit ins­crire bien avant mai 68 en tête des sta­tuts de l’Union des Groupes Anar­chistes Com­mu­nistes qu’ils étaient la ten­dance orga­ni­sée des anar­chistes com­mu­nistes du Mou­ve­ment Révo­lu­tion­naire « qui exis­te­ra ». Cette posi­tion nous fit pas­ser pour de doux utopistes…

Et c’est ain­si que, lorsque après mai 68, se créa le Comi­té d’I­ni­tia­tive pour un Mou­ve­ment Révo­lu­tion­naire, il fut nor­mal et logique que nous lui appor­tions notre adhésion.

[|* * * *|]

Notre démarche se situe donc dans un dépas­se­ment de l’es­prit de cha­pelle que nous condam­nons et dans la pers­pec­tive glo­bale de la Révolution.

Il va sans dire que si nous pen­sons devoir prendre cette posi­tion vis à vis de l’A­nar­chisme, nous pen­sons que les autres ten­dances révo­lu­tion­naires doivent en faire autant. Il est aus­si ridi­cule à nos yeux de croire que la Révo­lu­tion sera pure­ment trots­kyste ou maoïste. À plus forte rai­son de croire que l’A­vant-garde qui se construit objec­ti­ve­ment sera anar­chiste, trots­kyste ou maoïste, ou qu’elle sera seule­ment consti­tuée par la réunion des grou­pus­cules. Le cama­rade Mon­ti­ni de « Noir & Rouge » avait rai­son de par­ler des mul­tiples mili­tants en puis­sance qui refusent les grou­pus­cules ou qui n’y adhèrent pas.

Ceci nous ramène au pro­blème de l’In­ter­na­tio­nale évo­qué par Lutte Ouvrière. Il est vrai que le mou­ve­ment révo­lu­tion­naire inter­na­tio­nal souffre de n’être pas coor­don­né et orga­ni­sé au delà des mou­ve­ments natio­naux. Mais il faut encore sor­tir de nos sché­mas et le fait d’af­fir­mer que ce sera « son » Inter­na­tio­nale qui sera celle qui uni­ra les autres est encore une manière sec­taire de retar­der la réso­lu­tion du problème.

Au delà des groupes trots­kystes ou anar­chistes dans le monde, avec les­quels, nous le répé­tons, les cama­rades trots­kystes ou anar­chistes doivent conti­nuer à gar­der le contact le plus étroit pos­sible, il y a l’In­ter­na­tio­nale que nous appel­le­rons « objec­tive ». Il y a la lutte anti-impé­ria­liste du Viet­nam, de Cuba, de la Corée du Nord, de la Chine, de l’Al­ba­nie, même si comme l’af­firme Lutte Ouvrière, tous ces pays. où les orga­ni­sa­tions de ces pays n’ont que des posi­tions cir­cons­tan­tielles sans désir réel de créer l’In­ter­na­tio­nale. Il y a la lutte anti-bureau­cra­tique de la You­go­sla­vie qui est tout aus­si impor­tante dans l’é­chi­quier révo­lu­tion­naire, même si elle n’est pas com­prise momen­ta­né­ment par les autres. Il y a les mou­ve­ments du tiers monde qui jouent un rôle, même s’ils sont sou­vent l’é­ma­na­tion de bour­geoi­sies locales. Affir­mer cela ne signi­fie pas que le mou­ve­ment révo­lu­tion­naire de France doit se cal­quer sur ces mou­ve­ments ou s’en récla­mer en croyant qu’ils peuvent être un modèle : il faut sor­tir de ce sui­visme qui consti­tue un obs­tacle de plus à l’U­ni­té. Mais c’est à par­tir de ce « monde » là que se joue la Révo­lu­tion mon­diale et il est temps de dire que toute Inter­na­tio­nale hypo­thé­tique pla­cée en dehors n’est que ver­biage et impuissance.

Par contre, des contacts avec tous, en uti­li­sant les ten­dances, peuvent être un fac­teur impor­tant pour la construc­tion de la véri­table Inter­na­tio­nale pour autant que le mou­ve­ment révo­lu­tion­naire fran­çais pose dès main­te­nant les pro­blèmes d’un pays déve­lop­pé sans la Révo­lu­tion duquel la Révo­lu­tion mon­diale est impossible.

[|* * * *|]

En géné­ral, lorsque les membres de la ten­dance anar­chiste com­mu­niste du C.I.M.R. expliquent leur posi­tion, on leur pose la ques­tion sui­vante : esti­mez vous être tou­jours anarchistes ?

Si notre inter­lo­cu­teur est membre d’un groupe anar­chiste, la ques­tion est sen­ti­men­tale. Les anars ont besoin de se retrou­ver entre eux…

Si notre inter­lo­cu­teur est mar­xiste, la ques­tion est plus insi­dieuse car il veut savoir si nous ne sommes pas des manœu­vriers qui jouent la carte de l’U­ni­té dans nous ne savons quel dessein.

Il nous faut donc nous expli­quer clai­re­ment auprès des uns et des autres :

Nous avons déjà dit et écrit que l’é­vo­lu­tion du mou­ve­ment révo­lu­tion­naire dans le monde, et sur­tout en Mai 68 chez nous, doit nous obli­ger à remettre en ques­tion les idées les plus consa­crées. Qu’est ce que cela veut dire aujourd’­hui : être mar­xiste ou être anar­chiste tout court alors qu’il existe nombre de concep­tions oppo­sées par­mi ceux qui se réclament de l’une ou de l’autre posi­tion ? Au cours des récents évé­ne­ments, nous avons été ame­nés à maintes reprises à faire le point. À qui les évé­ne­ments donnent-ils rai­son si nous com­pa­rons les faits aux théo­ries et diver­gences expri­mées par las anar­chistes et les mar­xistes du xixe siècle ? Il y a sans doute « match nul » et il est clair que les pro­blèmes qui se posent aux révo­lu­tion­naire d’au­jourd’­hui nous amènent à dépas­ser nos options pri­mi­tives. Nous avons écrit déjà. que nous sommes per­sua­dés qu’à par­tir des options de mai, l’auto­ges­tion, l’au­to-orga­ni­sa­tion des masses sont une réponse. au pro­blème de l’U­ni­té idéo­lo­gique qu’il faut recher­cher. Nous avons dit aus­si que les diver­gences sont moins grandes qu’elles ne paraissent.

Nous nous récla­mons de l’A­nar­chisme com­mu­niste au sein du Mou­ve­ment Révo­lu­tion­naire parce que nous pro­cé­dons d’une tra­di­tion qui est irrem­pla­çable et dont l’ex­pé­rience his­to­rique doit être ana­ly­sée au même titre que celle des mar­xistes. Nous vou­lons que nos options anar­chistes soient une contri­bu­tion per­ma­nente au débat qui doit s’ins­tau­rer entre tous les révolutionnaires.

Nous pen­sons aus­si que la pra­tique com­mune devra demain faire dis­pa­raître les ten­dances. Nous sommes prêts pour notre part à disparaître.

[|* * * *|]

C’est deve­nu un lieu com­mun d’af­fir­mer que l’ab­sence d’une réelle orga­ni­sa­tion révo­lu­tion­naire s’est cruel­le­ment fait sen­tir en mai. C’est pour­quoi Vibier et ses amis ont eu rai­son de poser le pro­blème dès ce moment là. C’est pour­quoi nous avons sous­crit à son initiative.

Cette orga­ni­sa­tion n’existe tou­jours pas et il faut cher­cher com­ment la construire. Dans l’im­mé­diat, c’est la liqui­da­tion de la men­ta­li­té grou­pus­cu­laire qu’il faut amorcer.

Nous sommes convain­cus quant à nous que l’a­vant-garde révo­lu­tion­naire doit être unique. Elle ne pour­ra naître vala­ble­ment d’une lutte poli­tique d’in­fluence entre les divers groupes et par la vic­toire de l’un d’eux. Si le mou­ve­ment révo­lu­tion­naire fran­çais devait per­sis­ter dans cette voie sté­rile, il ne ferait que prendre la place de la « Gauche » tra­di­tion­nelle et impuissante.

Il faut donc pen­ser que l’a­vant-garde devra tendre à regrou­per sinon tous les révo­lu­tion­naires, du moins la majo­ri­té d’entre eux. Il est illu­soire de croire que l’on pour­ra liqui­der les diverses ten­dances. Celles-ci se mani­festent actuel­le­ment par le jeu sté­rile des grou­pus­cules. Il faut leur don­ner un autre cadre de confron­ta­tion et sur­tout la pos­si­bi­li­té d’une pra­tique commune.

Il faut le dire net­te­ment, la struc­ture du « par­ti » basée sur le cen­tra­lisme démo­cra­tique est inadé­quate à cette confron­ta­tion et à cette pra­tique. C’est elle qui est l’une des causes les plus impor­tantes des scis­sions per­pé­tuelles observées.

Les ten­dances doivent pou­voir s’ex­pri­mer seule­ment au plan des idées et de leur dif­fu­sion et ne doivent avoir aucune exis­tence orga­nique dans l’or­ga­ni­sa­tion révo­lu­tion­naire. Elles ne doivent pas avoir la pos­si­bi­li­té de consti­tuer des fractions.

L’or­ga­ni­sa­tion révo­lu­tion­naire doit être une struc­ture qui doit par­tir de bas en haut. Chaque organe, à chaque éche­lon, de la base au som­met doit défi­nir ses objec­tifs, ses formes d’ac­tion qui doivent connaître une trans­for­ma­tion constante en fonc­tion de la pra­tique et de la confron­ta­tion per­ma­nente de cette pra­tique de la base au som­met, pour par­ve­nir à une tac­tique et à une prise de posi­tion géné­rale. Ceci ne peut se réa­li­ser que dans une struc­ture fédé­ra­liste, seule adé­quate à la situation.

Mais dans la pers­pec­tive d’une socié­té basée sur l’auto­ges­tion et l’au­to-orga­ni­sa­tion des masses (même le P.C.M.L.P. par­lait en Mai 68 de la « prise du pou­voir dans les usines » il l’a oublié depuis. Une dyna­mique peut le lui rap­pe­ler !), on ne peut avoir les mêmes pra­tiques orga­ni­sa­tion­nelles que lorsque l’on reven­dique seule­ment la prise du pou­voir d’é­tat. Le rôle de l’a­vant-garde doit donc être dif­fé­rent et c’est en ce sens que nous pen­sons que la concep­tion archi­no­vienne dont nous avons par­lé dans notre pre­mier numé­ro est res­tée actuelle.

[|* * * *|]

Le phé­no­mène de « retour » sur les anciennes posi­tions qui existe main­te­nant a réduit pour l’heure le Comi­té d’I­ni­tia­tive pour un Mou­ve­ment Révo­lu­tion­naire à un mou­ve­ment d’une très petite impor­tance numérique.

Mais il est quel­que­fois néces­saire de se trou­ver à contre-cou­rant pour une cer­taine période.

Le main­tien de notre adhé­sion du C.I.M.R. est dic­té par le fait qu’il pose seul le pro­blème du dépas­se­ment des grou­pus­cules et de la construc­tion de l’Or­ga­ni­sa­tion révo­lu­tion­naire dans la pra­tique et par une pra­tique. Il est néces­saire que le pro­blème conti­nue à être posé et que des mili­tants expé­ri­mentent une autre voie que celle de la démarche grou­pus­cu­laire, selon les prin­cipes défi­nis ci-dessus.

[|* * * *|]

Il reste le pro­blème du pro­gramme. Nous avons vu qu’il exis­tait de nom­breux points com­muns entre les révo­lu­tion­naires. Nous les avons défi­nis et nous croyons que cha­cun en est conscient. Néan­moins mal­gré l’exis­tence de ces objec­tifs qui pour­raient à eux seuls don­ner nais­sance à un pro­gramme poli­tique très consé­quent, l’U­ni­té n’existe pas.

Mon­ti­ni dans « Noir & Rouge » pose la ques­tion : « Est-ce que ce sont (les grou­pus­cules) leurs erreurs de pro­grammes qui expliquent leur inefficacité ? »

Quant à « Lutte Ouvrière » il déclare : « Toutes ces fai­blesses du cou­rant gau­chiste ne sont en rien impu­tables aux idées dont les­mi­li­tants révo­lu­tion­naires qui se réclament ».

« Noir & Rouge » déclare que là n’est pas la ques­tion et « Lutte Ouvrière » y répond.

Un autre exemple ou fait :

Nous qui sommes anar­chistes com­mu­nistes avons peu de diver­gences au niveau des options poli­tiques avec le pro­gramme récem­ment publié par l’Alliance Socia­liste Révo­lu­tion­naire et nous sommes per­sua­dés que c’est le cas pour la plu­part des mili­tants du C.I.M.R. et peut-être même cer­tains mili­tants du P.S.U. que nous connais­sons. Le der­nier numé­ro de « Sous le Dra­peau du Socia­lisme » parle de 1′ auto­ges­tion qui lui semble, comme à nous, pri­mor­diale pour lut­ter contre le bureau­cra­tisme et plus qu’un mot d’ordre tran­si­toire (Comme cer­tains l’ont pré­ten­du au sein du Par­ti Com­mu­niste algé­rien à une cer­taine époque). Pour­tant, ces cama­rades se sont sépa­rés de nous et du C.I.M.R. : nous avons expli­qué ce processus.

Par contre, cer­tains cama­rades beau­coup plus loin de nous que les « pablistes » conti­nuent à mili­ter au C.I.M.R. ou dési­re­raient y adhérer.

Que se passe-t-il donc ?

Le pro­gramme n’a-t-il aucune importance ?

Nous esti­mons qu’il est néces­saire d’a­voir un pro­gramme et nous ne sous­cri­vons pas aux idées de Geis­mar évo­quées plus haut.

Mais nous avons mon­tré les points com­muns nom­breux et non négligeables.

Les cama­rades de « Lutte Ouvrière » ont rai­son de dire que l’es­sen­tiel est de trou­ver une posi­tion concer­nant l’en­semble des reven­di­ca­tions à mettre en avant « dans les luttes éco­no­miques de la classe ouvrière ». Il ne sert en effet à rien d’al­ler à la classe ouvrière d’une manière seule­ment empi­rique .sans avoir quelque chose à proposer.

Mais cela dit, la pra­tique est aus­si impor­tante et condi­tionne les posi­tions poli­tiques beau­coup plus que d’au­cuns le croient. Pour nous les deux sont coro­laires et on ne peut avoir de posi­tions poli­tiques sans que cela cor­res­ponde à une atti­tude orga­ni­sa­tion­nelle ou à une pra­tique. Ceci a été de tous temps la posi­tion des anar­chistes com­mu­nistes. Ain­si, un par­ti révo­lu­tion­naire qui pra­tique des méthodes bureau­cra­tiques ou auto­ri­taires ne peut engen­drer le Socia­lisme auto­ges­tion­naire ou une socié­té libre. L’or­ga­ni­sa­tion d’a­vant-garde est le reflet de la socié­té qu’elle veut instaurer.

À ce niveau, il est plus impor­tant qu’un mili­tant rejette les méthodes auto­ri­taires du P.C.F. ou le Cen­tra­lisme Démo­cra­tique inter­pré­té comme méthode auto­ri­taire plu­tôt que de savoir s’il se réclame du « sta­li­nisme » for­mel ou du « maoïsme ».

C’est donc le pro­blème de la « pra­tique » qui est à recon­si­dé­rer aussi :

Pour en finir avec la pra­tique des cha­pelles, il faut ces­ser de poser tous les pro­blèmes en termes de « direc­tion ». Ce n’est pas parce que l’on a obte­nu l’ac­cord de deux appa­reils grou­pus­cul­laires qu’on a avan­cé d’un pas dans l’ac­tion si l’u­ni­té, même cir­cons­tan­cielle n’est pas réa­li­sée à la base. La confron­ta­tion et les prises de posi­tion dorent se faire de bas en haut et non sim­ple­ment par le vote d’un texte poli­tique abs­trait éla­bo­ré par un groupe de « révo­lu­tion­naires pro­fes­sion­nels » qui pré­tendent connaître mieux que les autres la science sociale. Enfin, la « direc­tion » doit faire la syn­thèse des actions et posi­tions de la base sous peine de n’être qu’une tête sans corps.

Pour conclure

Notre adhé­sion au C.I.M.R. signi­fie pour nous qu’il faut en finir avec la pra­tique des « chapelles ».

Nous sou­hai­tons que de nom­breux cama­rades anar­chistes le com­prennent et nous rejoignent.

Il faut conti­nuer à poser le pro­blème de l’U­ni­té des révo­lu­tion­naires et celui de l’in­té­gra­tion de l’A­nar­chisme révo­lu­tion­naire dans la Révo­lu­tion qui existe. Nous fai­sons un pari sur l’A­ve­nir. Sans l’exis­tence de mili­tants qui font ce pari, il ne reste plus beau­coup de mai 68.

S’il est effec­ti­ve­ment néces­saire de nous don­ner une base poli­tique com­mune, mar­xistes et anar­chistes com­mu­nistes (base qui existe d’ailleurs avec l’auto­ges­tion men­tion­née clai­re­ment), il est exclu que le C.I.M.R. devienne un groupe poli­tique du type « par­ti » qui ne serait alors qu’un grou­pus­cule comme les autres. Ce serait l’illu­sion ce serait disparaître.

À nous d’ap­por­ter une réponse lorsque les masses seront de nou­veau en mou­ve­ment et se pose­ront le pro­blème de l’a­vant-garde poli­tique nouvelle.

La Presse Anarchiste