De toutes parts les camarades discutent sur certains mots et la majeure partie en font un jeu très regrettable pour l’idée.
Pour ne parler que de moi, j’assure ne rien faire pour contrarier mon individu. Je ne fais un acte que lorsque je suis en disposition pour le faire, c’est-à-dire que j’en éprouve un besoin et une satisfaction, tout au moins dans la mesure du possible, étant donnée la société actuelle.
Individualiste, je le suis, comme chacun. L’individu, suivant l’expression de certains, est bon ou mauvais ; je crois qu’il n’est ni l’un, ni l’autre. Nous ne faisons rien qui puisse nous être désagréable, mais au contraire tout par besoin et pour notre satisfaction. Quelquefois cependant, par suite d’une faiblesse de tempérament, on se laisse influencer par quelques prétentieux arrivistes ou exploiteurs, qui ne cherchent qu’à tirer un profit matériel de tout ce qu’ils entreprennent, en entraînant avec eux des camarades timides, sans volonté, lesquels agissent suivant les instructions et pour les satisfactions de ces regrettables individus. Dans un autre ordre d’idées, en raison de la société bourgeoise qui nous opprime, bien des individus font la courbette, mouchardent leurs camarades, abusent de leur confiance où de l’autorité qu’ils peuvent avoir sur eux, en raison d’une position qu’ils occupent, comme chiens de garde, gardes-chiourme, contremaitres, directeurs, etc., et par là oblitèrent leur personnalité et celle de leurs subordonnés. Là, c’est un intérêt qui les conduit, car ils prétendent ne pouvoir vivre aisément et sans tracas, sans cette manière d’agir, fâcheuse pour ceux qui subissent leur autorité ou leur espionnage, ne se préoccupant en rien des désastres qu’ils engendrent matériellement aux camarades, en se faisant les sous-ordres des gouvernants oppresseurs et des exploiteurs qui nous grugent.
Si ces dégoûtants personnages prétendent pour tout argument faire ressortir leur individualisme, je leur dis qu’ils ne sont que des exploités de la classe bourgeoise et du clan patronal, puisque ceux-ci se reposent entièrement sur leur basse besogne et leur vile individualité pour établir d’une façon précise et assurer la police dont ils ont besoin.
Ici, la lâcheté et l’orgueil dominateur, la recherche d’une situation plus assurée sont les seuls mobiles qui les font agir. Trop lâches pour revendiquer leur droit à la vie, leur participation au bien-être, ils s’abaissent devant le maitre pour le mieux de leurs intérêts dans la société. Parmi nous ceux-là sont les individualistes à grande gueule, et leur mentalité ne leur permet pas d’autre action.
Pour moi, lorsque je souscris pour une œuvre quelconque ou si je soulage un camarade miséreux, ce n’est pas par effet de bonté, de solidarité, mais simplement parce que cela me fait plaisir de le faire, car souffrant de la misère du camarade, en le soulageant je me satisfais moi-même de le voir moins malheureux. Il n’y a donc pas là de solidarité puisque c’est pour s’éviter une souffrance morale que l’un vient en aide à quiconque est malheureux.
Je lutte non par obligation, ruais par besoin. Las de vivre sous l’oppression et exploité comme je le suis ; j’ai hâte que la propagation de mon idéal accélère sa marche, si je veux la liberté de tous, le bien-être pour tous, c’est pour que moi-même je contribue à la liberté et au bien-être qui me sont nécessaires.
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