La Presse Anarchiste

Nos droits primitifs

Beau­coup de ceux qui souffrent, ignorent, que leur misère et leurs souf­frances sont injus­ti­fiées ; c’est donc à ceux qui le savent, de le leur expli­quer, à seule fin de faire naître dans leurs pen­sées la conscience qu’ils ont droit à une exis­tence meilleure, ain­si qu’un esprit de révolte pour la conqué­rir, exis­tence meilleure qui ne peut se réa­li­ser que par la sup­pres­sion de ces deux fléaux, qui affligent l’hu­ma­ni­té : l’au­to­ri­té, qui est l’as­ser­vis­se­ment des per­sonnes, la pro­prié­té indi­vi­duelle, qui est la main mise sur les choses. Hors de là, rien à espérer.

Il n y a pas besoin de fortes réflexions, pour se rendre compte, que l’en­semble des ins­ti­tu­tions sociales, pour mieux dire la socié­té actuelle, bour­geoise et capi­ta­liste, vole aux indi­vi­dus leurs droits pri­mi­tifs, même que sans gou­ver­ne­ments, sans aucune forme sociale, rien que par le fait de sa nais­sance ; tout indi­vi­du pos­sède innés cer­tains droits : le droit de semaille, le droit de pâtu­rage, le droit de cueillir, le droit de dor­mir, ain­si que le droit de chasse et de pêche. Eh bien ! vous tous, les misé­reux, qui n’a­vez pas seule­ment le droit de dor­mir, sans payer de loca­tion, et si cela vous arrive de le faire, cette socié­té de boue et de sang, que nous avons la lâche­té de subir, vous fera empri­son­ner pour délit de vaga­bon­dage, par l’in­ter­mé­diaire de ses sou­te­neurs les fonc­tion­naires ; le froid aura beau vous meur­trir, vous n’au­rez pas le droit de prendre ce qui pou­vait vous être utile pour vous réchauf­fer ; le soleil, vous fera trans­pi­rer, vous rôti­ra, mais défense sera faite de cueillir les fruits, qu’il mûrit et, si l’on ne res­pecte pas ses lois, cette même socié­té, reflet de toutes les igno­mi­nies, pour ne pas avoir res­pec­té la pro­prié­té indi­vi­duelle, qui n’est que le vol légal, éri­gé en prin­cipe, vous empri­son­ne­ra encore comme mal­fai­teur, elle, qui vous a tout pris, excep­té l’air et la lumière, parce que le moyen lui manque de pou­voir les accaparer.

Donc, il est bien évident que la socié­té, volant aux indi­vi­dus leurs droits pri­mi­tifs par ce moyen leur vole leur exis­tence, logi­que­ment, elle la leur doit, puis­qu’elle la leur prend et pour­tant, c’est le contraire : après l’a­voir enle­vée, elle vous la refuse, pour cette rai­son, qui lui est si chère, qu’il faut que les classes diri­geantes et pos­sé­dantes, qui ont tout acca­pa­ré en vous spo­liant de tout, à ce que vous aviez droit, aient à leur dis­po­si­tion une huma­ni­té labo­rieuse, pour pou­voir mettre en acti­vi­té les richesses natu­relles et sociales, dont elles se sont empa­rées car, si les indi­vi­dus avaient la pos­si­bi­li­té de vivre libre­ment, ne serait-ce que d’une vie simple, bien peu seraient ceux qui iraient vendre leur tra­vail à celui qui pos­sède ; mais il est impos­sible de faire autre­ment parce que au préa­lable on les a dépos­sé­dé de tout capi­tal, afin de les avoir com­plè­te­ment sous la domi­na­tion capitaliste.

Voi­la com­ment s’est créé l’o­ri­gine du sala­riat. Les indi­vi­dus aiguillon­nés par les affres de la faim, sont venus soit disant libre­ment offrir leur tra­vail aux pro­prié­taires, aux indus­triels, ain­si qu’à n’im­porte quel exploi­teur de tra­vail ; ce n’est donc pas le tra­vailleur, qui fixe le prix de son salaire, puis­qu’il s’offre, pous­sé par la force de tous les besoins maté­riels réunis, c’est celui qui l’oc­cupe, et ce salaire n’est et ne peut être la valeur du tra­vail accom­pli, ce n’est que la somme mini­mum de ce qui lui est indis­pen­sable pour renou­ve­ler insuf­fi­sam­ment les forces, qu’il dépense chaque jour au béné­fice de celui qui l’emploie et aus­si pour pou­voir se repro­duire, afin que sa pro­gé­ni­ture, nou­velle chair à tra­vail, chair à canon et chair à plai­sir, le rem­place au tra­vail lorsque four­bu et usé, il sera reje­té de toutes parts.

Allons, tra­vaille ouvrier, allons plus vite !
Ton patron te sur­veilla, et ton repos l’irrite.
Allons, tra­vaille, fais un der­nier effort.
À toi l’hô­pi­tal mais à ton maître l’or.

Pro­lé­taire, petit-fils de l’es­clave antique, fils du serf du moyen âge, sache que ta misère peut dis­pa­raître et ta dou­leur ces­ser ; toi dont les ancêtres ont lais­sé dans les sillons des traces san­glantes, qui n’ont pour­tant que peu modi­fié tes condi­tions éco­no­miques, parce qu’au lieu de détruire l’au­to­ri­té, ils se conten­taient d’en chan­ger la forme, rem­pla­çant ain­si l’an­cien par le nou­veau maitre. Il est temps d’ap­prendre à nous en pas­ser, de faire nos affaires nous-mêmes et d’é­clai­rer l’ho­ri­zon de tout ce qui est vrai, de tout ce qui est juste. Semons tou­jours la véri­té, démas­quons les fourbes de la poli­tique, pour qui la révo­lu­tion est accom­plie, lors­qu’ils sont ins­tal­lés au Palais-Bour­bon ou dans quelque aune siné­cure. Soyons adver­saires achar­nés de tout ce qui est poli­ti­cien, gou­ver­nant, pro­prié­taire ; conti­nuons sans relâche et sans trêve la guerre à l’au­to­ri­té et au capi­tal, pour que ces maux et leurs causes anéan­tis, nous puis­sions au moins jouir des droits pri­mor­diaux et pri­mi­tifs, qu’on nous dénie.

[/​Un An-archiste lyonnais/]

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