Il faudra bien qu’à la fin on nous entende ! – qu’on nous entende même avant « la fin ».
… Nous, – c’est-à-dire le peuple, le populo, l’Opinion publique, vox Dei, les humbles, la classe laborieuse, la vile multitude, la Conscience universelle, les gens avec aveu et les gens sans aveu, les énergumènes, les meneurs, les mal conseillés, les dupés, les contribuables, les…
Nous, tout cela, et bien d’autres choses encore avec. Nous, c’est à‑dire rien.
Et cependant il faudra qu’on nous entende.
Voici, c’est très simple : nous ne voulons plus de la guerre.
Nous aurions voulu empêcher celle-ci : nous n’avons pas pu. Nous voudrions l’arrêter : nous ne pouvons pas. Mais quand cette catastrophe, cette honte, aura pris fin nous voulons que ce soit pour toujours,
Avec vous tous, qui sans doute n’êtes pas du peuple puisque vous en appelez sans cesse à l’Opinion publique et à la Conscience universelle, comme d’une chose en dehors de vous, – avec vous tous nous désirons la fin de ce militarisme prussien, en qui nous incarnons tous les militarismes, sans être autrement sûrs que ce soit celui-là qui ait le premier fleuri sur la terre.
Mais passons, ne remontons pas aux origines, le présent est assez obscur pour que l’on songe encore à rechercher dans le passé la cause du présent. Et puis, surtout, ce sont là jeux de princes pour l’instant, ou jeux de philosophes ; et le temps presse.
On nous apporte un principe ; il nous convient ; nous le prenons : « Le Militarisme allemand c’est la Paix Armée ; la Paix Armée c’est la Guerre. »
D’où il découle que le Militarisme allemand vaincu entraîne la ruine de la Paix Armée et la suppression de la guerre.
Nous avons l’intelligence simple, – simpliste si vous voulez, et nous ne pouvons pas comprendre autre chose que cela. Mais nous le comprenons.
Pourtant, quelle autre garantie que celle affirmée par le principe purement théorique susdit pourrait-on nous donner ? Car nous aimerions encore autre chose avec.
Nous allons répondre, nous l’Opinion publique, nous la Conscience universelle :
Après la guerre nous voulons le Désarmement général.
Et si nous ne l’avons pas, ce sera, cette fois, – la bonne –, la révolution.
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