Nous ne pouvons pas oublier Francisco Ferrer, le vaillant anarchiste et pédagogue espagnol, tombé dans les fossés de Montjuich, le 13 octobre 1909, sous les balles des serviteurs d’Alphonse
Voilà aussi un pionnier de l’émancipation prolétarienne.
Après un procès où les témoins déposèrent par écrit, où l’accusé ne parla pas, où les charges demeurèrent secrètes, où la sentence ne fut pas publique, où les comptes rendus furent truqués, Ferrer est mort pour avoir voulu que l’éducation de l’enfant du peuple ne soit plus faite dans l’intérêt de l’État et de l’Église, mais qu’elle soit faite dans l’intérêt de l’enfant lui-même et du peuple dont il sort.
Si nous sommes d’accord, disait Ferrer, que la classe ouvrière, ou mieux encore l’humanité en général, ne doit rien attendre d’un Dieu ou d’un pouvoir surnaturel quelconque, pourrons-nous remplacer ce pouvoir par une autre entité, l’État par exemple ?
Non, l’émancipation prolétarienne ne peut être que l’œuvre directe et consciente de la classe ouvrière elle-même, de sa volonté de s’instruire et de savoir.
Si le peuple travailleur reste ignorant, il demeurera asservi à l’Église ou à l’État, c’est-à-dire au capitalisme représentant ces deux entités. Si au contraire il s’inspire de la raison et de la science, son intérêt bien compris le poussera vite à mettre un terme à l’exploitation, afin que le travailleur puisse devenir l’arbitre des destinées humaines.
Il s’agit par conséquent, selon nous, de mettre avant tout la classe ouvrière en état de comprendre ces vérités.
Établissons un système d’éducation par lequel l’enfant puisse vite et bien arriver à connaître l’origine de l’inégalité économique, le mensonge religieux, le malfaisant amour patriotique, et toutes les routines familiales et autres qui le retiennent en esclavage.
Ferrer avait une telle confiance dans l’étude de la vie telle qu’elle est, et spécialement dans l’étude de la vie hors des livres, hors des murs de la classe, dans l’apprentissage de la vie là où se passe la vie, dans les champs, bois, ateliers, chantiers, dans la rue, etc., qu’il voulait une discrétion absolue chez les pédagogues à l’endroit des élèves. « Le véritable éducateur, écrivait-il, est celui qui peut le mieux défendre l’enfant contre ses idées, ses volontés à lui, qui en appelle le plus aux énergies propres de l’enfant. »
Et c’est parce que Ferrer avait un respect infini de l’enfant et du peuple des producteurs qu’on nous l’a tué.
Mais son influence reste.
Beaucoup d’ouvriers, depuis Ferrer, ont compris quelles capacités pédagogiques étaient en eux ; ils se sont mis à surveiller, à compléter, à rectifier l’instruction de leurs enfants. Et l’on travaille plus qu’autrefois à unir l’école et l’atelier. C’est ainsi que l’enfant deviendra clairvoyant, meilleur et plus libre que nous.
[/J. W./]