Abel Paz. — Durruti, le peuple en armes. Éditions La Tête de feuille. — Distributeur, Bernard Laville, 3, rue Crébillon, 75006 Paris.
Nous ne sommes pas, en ce qui nous concerne, de ceux qui ont remplacé les penseurs de l’anarchisme espagnol, et les dizaines, sinon les centaines de milliers de camarades tués pendant la guerre civile d’Espagne par un seul homme, qui les éclipserait tous. Et nous considérons que l’on pousse trop loin le culte du Héros, d’un seul héros, Durruti, devant lequel tout s’efface. Nous avons connu bien d’autres héros dont on ne parle pas, et qui simples et modestes combattants, durent posséder un courage plus grand que celui qu’il fallait pour manier le pistolet, pendant les luttes sociales terribles que les anarchistes d’Espagne ont livrées au long des soixante-six ans qui précédèrent l’attaque franquiste.
Et nous avons assez connu Durruti pour savoir que ce culte est en contradiction absolue avec sa modestie, et son bon sens.
Ceci dit, reconnaissons que le livre d’Abel Paz est utile en ce qu’il fait connaître ce que fut la participation des forces de la C.N.T. et de la F.A.I. à la lutte contre les armées fascistes, et aussi comment, ainsi que nous l’avons maintes fois affirmé, le gouvernement républicain-socialiste, et la bourgeoisie libérale sabotèrent la résistance d’un peuple et furent ainsi, eux aussi, responsables de la déroute finale.
De ce point de vue, le livre a une utilité certaine. C’est une contribution à l’histoire que nous ne sommes pas habitués à trouver chez les historiens qui ont tant exploité cette mine de la « guerre d’Espagne »
Histoire du mouvement anarchiste. – « Les cahiers de l’Histoire ».
Cette étude, qui équivaut à un volume, et est signée Louis Comby, est naturellement insuffisante pour qui a milité dans le mouvement anarchiste aussi longtemps que nous l’avons fait nous-mêmes. Mais, l’auteur s’est efforcé de bien embrasser, la naissance et le développement de l’anarchisme, tant dans son action que dans l’ordre de la pensée. Et malgré des insuffisances inévitables, il permet à qui veut aborder la question, de comprendre, sinon tout, du moins un certain nombre de choses. On ne peut dire que ce travail ait été inutile. On regrettera cependant de lire, à la page 40, et en un encadré, cette phrase attribuée à Kropotkine : « Le vol est un devoir », ce qui, quand on connaît l’honnêteté et les positions morales de Kropotkine,— par ailleurs présenté comme une grande et belle personnalité — est une calomnie. Comme il est calomnieux d’attribuer à Bakounine, en collaboration avec Netchaieff, la paternité du Catéchisme du Révolutionnaire. Nous pouvons l’affirmer, car nous en avons la preuve. Ces erreurs mises à part, ajoutons qu’il eût été préférable de donner aux aspects constructifs de la pensée anarchiste, l’importance que l’on s’obstine à ignorer.