La Presse Anarchiste

Élections cantonales

Notre posi­tion sur le pro­blème élec­to­ral est trop connue pour que nous y reve­nions ; notre but est une étude ana­ly­tique per­met­tant à nos cama­rades d’é­tayer leurs argu­ments en for­ti­fiant leur posi­tion. D’une façon géné­rale, consta­tons que ces élec­tions, théo­ri­que­ment à des postes de ges­tion admi­nis­tra­tive du dépar­te­ment, ont été trans­po­sées par les par­tis en un refe­ren­dum avant la lettre sur celui pro­po­sé par De Gaulle. La confu­sion orga­ni­sée aux élec­tions muni­ci­pales fut démas­quée et, d’une façon géné­rale, les par­tis poli­tiques se pré­sen­tèrent sous leur éti­quette ; quelques alliances socia­lo-com­mu­nistes ne pou­vaient prê­ter à confu­sion ; quant aux radi­caux, leur mariage molié­resque avec les com­mu­nistes, en fait les cocus, bat­tus et contents de la comédie.

En plus des par­tis, le M.U.R.F., d’o­bé­dience sta­li­nienne, avait sa contre­par­tie dans l’U.D.S.R., à ten­dance socia­liste ; le M.R.P., jeune par­ti d’a­ve­nir, sur­tout dans les cam­pagnes, grou­pait les socia­listes chré­tiens et les démo­crates-chré­tiens, cer­tains socia­listes et com­mu­nistes n’ex­cluent pas leur thèse idéo­lo­gique, d’un coup de gou­pillon, et appliquent les para­boles de Jésus avec les écrits des apôtres à leur pen­sée socia­liste. Le fait saillant, ce sont les abs­ten­tions (moyenne 40%), dues sur­tout à ce qu’en matière poli­tique les méthodes pour­ries d’a­vant-guerre ont repris leur cours ; on croyait à du nou­veau, et les mêmes fai­sans de la poli­tique se repré­sentent ; après tous les renie­ments, les tra­hi­sons, les tour­nants savants, le dégoût de la par­tie la plus évo­luée du corps élec­to­ral se dés­in­té­resse avec rai­son du vote. Aus­si on fait mar­cher la grosse artille­rie : radio et presse insistent pour que l’on vote, insi­nuant même que l’abs­ten­tion est un signe de matu­ri­té pour la dic­ta­ture et que ceux qui la prêchent sont des fas­cistes. L’im­bé­cil­li­té de ces canailles se prouve faci­le­ment : un an après la libé­ra­tion, après l’in­sur­rec­tion contre Vichy et ses pompes, 40% du peuple serait gagné aux méthodes fas­cistes… Alors, à quoi a ser­vi cette pro­pa­gande ? Elle a été à l’en­vers du but fixé ! Féli­ci­ta­tions pour les chefs éclairés !

Les mino­ri­tés révo­lu­tion­naires n’é­tant pas repré­sen­tées grâce au cau­tion­ne­ment, c’est en pleine démo­cra­tie que le vote s’est effec­tué. Suc­cès des gauches ? D’ac­cord, mais les gauches, c’est le par­ti radi­cal, deve­nu centre-droit, c’est le par­ti com­mu­niste deve­nu aile droite de la gauche, c’est le par­ti socia­liste qui prend l’aile gauche… Quant à l’ex­trême-droite, vola­ti­li­sée, les bour­geois peuvent être tran­quilles. La droite est écra­sée, ce qui est dans l’ordre des choses, elle prend sage­ment sa défaite, car la vic­toire socia­liste, c’est de Gaulle qui marque des points. Le 4 octobre, le refe­ren­dum et son amen­de­ment Auriol-Bour­det, accep­té par le brave géné­ral, sera sou­te­nu sur les deux ques­tions par les socia­listes. Le coup de frein don­né aux com­mu­nistes s’ex­plique : sur le plan inté­rieur, ils dégoûtent tout le monde par leur mal­hon­nê­te­té poli­tique et, dans le fond, le peuple aime­rait un peu plus de pro­bi­té ; sur le plan exté­rieur, l’im­pé­ria­lisme sovié­tique et la guerre qui s’en sui­vra a enle­vé la cote d’a­mour des élec­tions municipales.

Féli­ci­tons-nous de l’é­cra­se­ment des droites, car les bul­le­tins socia­listes et com­mu­nistes repré­sentent des bul­le­tins ouvriers qui, dans leur for inté­rieur, croient à la révo­lu­tion, avec l’ap­pui de leur par­ti ; c’est là l’er­reur qui nous sépa­re­ra tou­jours de ces sui­veurs, mais, à force d’être trom­pés, les sui­veurs devien­dront enra­gés ; c’est à nous de les pous­ser dans la seule forme d’ac­tion révo­lu­tion­naire propre au pro­lé­ta­riat : l’ac­tion directe ! Tenons compte aus­si des 40% d’abs­ten­tions ; nul ne sait ce qu’ils ont dans le ventre : dégoût ? Indif­fé­rence ? Refou­le­ment révo­lu­tion­naire ? En tous cas, les requins et les caï­mans sont aler­tés, car plus d’é­lec­teurs, plus de siège ! Plus de siège, adieu aux 190.000 francs de rente annuelle d’un délé­gué à l’As­sem­blée Consul­ta­tive… Tarif syn­di­cal, salaire blo­qué. Et pour les élus, c’est la seule chose qui compte ; le reste n’est que rhé­to­rique et astronomie.

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