La Presse Anarchiste

Vues sur l’Espagne

Voi­ci donc, pour ceux qui étaient encore scep­tiques la preuve irré­fu­table de l’aide des démo­cra­ties à Fran­co, aide qui ne date pas d’au­jourd’­hui, mais bien d’hier, de tou­jours. La cor­res­pon­dance secrète entre Chur­chill et l’ap­pren­ti dic­ta­teur a été publiée par une presse indis­crète et friande de scan­dales et ce qu’elle nous dévoile n’est pas beau. Le bloc occi­den­tal dont on parle tant est une créa­tion fran­quiste, une créa­tion qui risque tout sim­ple­ment de pla­cer les peuples devant des coa­li­tions nou­velles, causes de guerres inces­santes. Après les com­bats de nation à nation, d’al­liés contre alliés, c’est main­te­nant la lutte entre les blocs conti­nen­taux. Ça pro­met ! Bevin, ministre socia­liste bien-pen­sant, fai­sant cho­rus avec Churchill.

Nous autres, ici, nous savions que le crime était anté­rieur à la guerre civile espa­gnole, avec pré­mé­di­ta­tion. Car depuis des éter­ni­tés, tous les inté­rêts anglais, amé­ri­cains, fran­çais, suisses et belges inves­tis dans l’in­dus­trie et le com­merce ibé­riques s’op­po­saient aux reven­di­ca­tions légi­times des tra­vailleurs de la pénin­sule. L’a­go­nie dura trois ans. Juste pour reprendre sur d’autres terres, dans les mêmes condi­tions, pour les mêmes buts. Les peuples atter­rés purent voir pen­dant ces trois ans la déchéance des démo­cra­ties dont la honte et l’im­puis­sance ne pou­vaient que pré­sa­ger un désastre immi­nent. La France, alors menée par Léon Blum, déser­ta le camp de la liber­té pour se can­ton­ner dans une neu­tra­li­té à sens unique qui consis­tait à four­nir quelques vieux camions et quelques mili­tants achar­nés à la Répu­blique pour­rie de Madrid, – alors que la Cata­logne anar­chiste se mour­rait, – tout en assu­rant aux troupes fran­quistes et aux assas­sins du Ter­cio un appui finan­cier de pre­mière impor­tance. Quant à l’An­gle­terre, elle jouait son jeu… de bourse, comme tou­jours. Pen­dant que des hommes se fai­saient tuer pour assu­rer la défense de l’Homme, l’U.R.S.S., socia­liste et révolutionnaire (

Aujourd’­hui les impé­ria­lismes sont face à face en Espagne et le capi­tal inter­na­tio­nal aurait depuis long­temps rem­pla­cé Fran­co, son homme, par un gou­ver­ne­ment socia­lo-radi­ca­lo-com­mu­no-démo­crate quel­conque si la C.N.T. N’é­tait pas majo­ri­taire dans de nom­breux points. Et comme la C.N.T. exige une liber­té abso­lue du peuple espa­gnol, une expro­pria­tion immé­diate de toutes les entre­prises et autres domaines, une col­lec­ti­vi­sa­tion des banques, etc., ces mes­sieurs ter­gi­versent et pré­fèrent main­te­nir Fran­co ou un fan­toche de son espèce, mal­gré l’hos­ti­li­té gran­dis­sante des tra­vailleurs du monde entier.

Fran­co, pen­dant cette seconde guerre mon­diale, n’a employé ses loi­sirs qu’à signer des man­dats d’ar­rêt, de dépor­ta­tion, d’exé­cu­tion contre les anti­fas­cistes de son pays et même des autres. Les arres­ta­tions se sont sui­vies, à une allure extra­or­di­naire, à une cadence dépas­sant celle des nazis en Alle­magne. Per­sé­cu­tions, tor­tures, ter­reur, – avec l’ap­pui de Mgr l’ar­che­vêque de Tolède, le bien­heu­reux et très catho­lique pri­mat d’Es­pagne, – pour ten­ter de faire capi­tu­ler les valeu­reux mili­tants de la C.N.T. réor­ga­ni­sés clan­des­ti­ne­ment. Ce que notre Résis­tance fit pen­dant quatre ans, aidée par la masse et les Anglo-Amé­ri­cains, la Résis­tance espa­gnole le fait depuis sept ans sans aucun secours, épiée par les espions de tous les pays fas­cistes ou fas­ci­sants, par le cler­gé tout entier, par la Pha­lange, les monar­chistes, la police et l’ar­mée, par tous les agents du monde de l’or. À l’an­nonce des crimes quo­ti­diens, les par­tis ouvriers (

Tant d’hy­po­cri­sie, de lâche­té, de crimes pour sau­ver quelques milliards !

Les ouvriers fran­çais com­pren­dront-ils enfin les tra­hi­sons de ceux qui les mènent à l’urne dans un but per­son­nel, de ceux qui déma­go­gi­que­ment récla­mèrent « des avions, des canons pour l’Es­pagne », alors qu’ils admet­taient la vic­toire franquiste ?

Aujourd’­hui comme hier, comme demain, nous sommes aux côtés des seuls inter­na­tio­na­listes, des seuls révo­lu­tion­naires espa­gnols : les liber­taires. C’est dans le dénoue­ment espa­gnol que se joue­ra le sort des travailleurs.

Frères de la F.A.I. et de la C.N.T., salut !

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