Le débat sur Cuba nous permet d’aborder le problème des pays sous-développés, car l’exemple de Cuba n’est ni isolé ni unique : il se situe dans l’ensemble de ce qu’on appelle « le tiers-monde ».
Nous ne voulons ici envisager que certains aspects de ce vaste problème.
Commençons par quelques généralités et peut-être même par des banalités.
Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale il semble que l’opinion publique ait subitement découvert l’existence de 2⁄3 de notre globe ; avec ses populations affamées, avec leur économie rudimentaire, avec leurs problèmes en décalage de plusieurs siècles sur ceux des pays privilégiés. Tout le monde s’est pris maintenant d’affection, de tendresse pour ses « frères abandonnés » et cherche les moyens de les aider. C’est très sympathique c’est même exaltant, s’il n’existait certain doute sur ces soucis humanitaires. Mais prenons le même problème par l’autre bout, par la prise de conscience par les peuples eux-mêmes, de leur situation. En réalité, cette auto conscience, ne pouvait pas ne pas se développer : quand on a faim, quand on est en chômage, quand on est exploité et opprimé on n’a pas besoin que quelqu’un vienne le dire pour s’en apercevoir… C’est donc un fait qui ne date pas d’aujourd’hui. Ce qui est neuf, c’est la prise de conscience de plus en plus aiguë et de plus en plus étendue d’une part, et de l’autre, l’édifice consciemment tenu en équilibre par une mystification (le rôle de la civilisation, les missionnaires, le paternalisme…) et par la violence, qui craque et s’écroule.
Quels sont les facteurs de cette accélération ? Il faut sûrement des connaissances sociologiques et ethnologiques pour pouvoir répondre. Le facteur de facilités d’échanges et de connaissances mutuelles accrues, l’exemple des révolutions dans les pays sous ou semi-développés, la faillibilité des empires coloniaux montrée dans les deux guerres mondiales, le rôle des élites de la bourgeoisie locale avide de prendre la place des anciens maîtres – tout ceci est intervenu selon nous, pour permettre à ces populations d’arriver au stade où l’on ne peut plus supporter ni accepter un certain état de choses.
Mais cette constatation soulève de nombreux problèmes vus sous des angles différents.
Comment ces peuples oubliés organisent-ils leurs luttes ? Comment envisagent-ils leur avenir ? Les voix qui parlent en leur nom expriment-elles un besoin et une réalité, ou font-elles un nouveau mysticisme ? Ne cherchent-elles pas à exploiter la révolte pour asseoir un nouveau pouvoir ? Quelle doit être notre attitude vis-à-vis d’eux ?
Jusqu’où va la compréhension du reste du monde envers ces réveils d’Asie, d’Afrique, et d’Amérique Latine (en dehors de ceux qui veulent maintenir l’ancien état de choses) ? Que signifie le mot de « décolonisation » suivant ceux qui l’emploient ? Peut-on réellement échapper à la lutte entre les deux blocs et surmonter seul les difficultés ?
On peut prolonger à l’infini ces question. Elles sont pour nous en Europe un peu abstraites, lointaines, tandis que pour des millions et des millions d’êtres humains, elles ont une importance capitale, une urgence immédiate et des conséquences incalculables.
Nous ne prétendons pas apporter ici de nouvelles lumières, ni même des solutions toutes faites, mais nous tâchons de saisir la complexité des problèmes, de nous en approcher de plus près, et surtout d’envisager ces problèmes d’un point de vue libertaire.
Pour ne pas rester dans l’abstrait donnons directement quelques points susceptibles d’être discutés.
Il y a un siècle, les socialistes européens, de Marx à Bakounine, ont considéré que l’esprit de lutte nationale était dépassé, que seule la lutte sociale devait dominer l’actualité, que vers elle devaient être mobilisées les forces du progrès. Bakounine va même plus loin : après avoir lutté au sein du mouvement pour l’émancipation nationale des Slaves (mais jamais dans l’esprit du panslavisme et de l’hégémonie), il a constaté que les nationalistes les plus progressistes ne cherchent qu’à singer d’autres États, à faire de nouveaux obstacles au progrès (par exemple sa discussion avec Mazzini) ; et en adhérant à la Première Internationale, il a adhéré aux principes de solidarité internationale, prolétarienne et socialiste.
Mais aujourd’hui, peut-on confirmer que les mots d’ordre nationalistes, les aspirations nationales, sont dépassés ? Qu’ils ne sont pus aptes à mobiliser les foules ? Ou bien au contraire, ces aspirations sont-elles plus capables de soulever les masses que les aspirations proprement socialistes ?
Nous pensons que l’idéal national continue d’être un moteur important dans les pays qui ne possèdent pas une indépendance nationale. Il n’est même pas dépassé dans les pays européens (chauvinisme ou racisme latents ou virulents). Vu le décalage des époques, les pays d’Afrique par exemple commencent leur histoire et on ne peut pas leur reprocher de vouloir affirmer leur personnalité nationale. Mais ces aspirations nationales ne doivent pas être prises comme une nécessité absolue et obligatoire. Les expériences actuelles directement fédéralistes et plurinationales, encore maintenant en cours, et qui théoriquement devraient être plus positives, n’ont pas changé grand-chose au problème : remplacer l’unité nationale, par une unité religieuse, islamique par exemple, ou raciale, est aussi discutable que des ambitions purement nationalistes.
Il s’agit donc d’un continu, mais non pas de l’étiquette, d’une prise de conscience de plus en plus aiguë, humaine et sociale, du sens de l’égalité et du refus de domination. Les expériences qui se disent même socialistes ne donnent pas obligatoirement un sens socialiste tel que nous le concevons (par exemple l’Égypte de Nasser, ou Cuba de Castro).
Mais pour revenir à l’opposition entre lutte nationale et sociale, nous croyons qu’abattre la domination colonialiste enlève au moins un rideau : les exploités sont face à face, cette fois-ci, avec leurs exploiteurs maintenant compatriotes (sauf quand on est réellement arrivé à se débarrasser de toute exploitation). D’autre part, depuis un siècle le fait social, même socialiste, est plus ou moins accepté et recherché par tout le monde (tout le monde s’appelle socialiste : radical-socialiste, national-socialiste, démocrate-socialiste…). Dans presque tous les pays nouvellement indépendants les mots d’ordre nationalistes sont intimement liés à des mots d’ordre sociaux, sinon socialistes. Ce qui est nécessaire, c’est de préciser et de concrétiser le concept de socialisme.
Nous croyons que ces points théoriques ont conditionné dans une certaine mesure la conduite des mouvements de la gauche européenne, avec toutes ses hésitations (la guerre d’Algérie en est un exemple).
Nous sommes obligés de constater en même temps, que la solidarité prolétarienne n’existe plus. La révolution d’Espagne a peut-être été sa dernière manifestation, et encore. L’évolution qui s’est faite dans l’esprit des ouvriers les a amenés non seulement à abandonner l’esprit révolutionnaire, mais à les rendre plus solidaires de leurs propres patrons colonialistes que de leurs frères colonisés. Il est vrai que les capitalistes ont partagé quelques miettes du gâteau gagné sur le dos des « indigènes » pour acheter le silence de leurs ouvriers. Mais c’est un fait que les ouvriers français (non seulement leurs syndicats et « leurs partis ») sont plus aptes à faire une grève de revendication ou à se solidariser avec quelques-uns des leurs, qu’à s’émouvoir du sort de milliers de prolétaires algériens massacrés, encore moins à participer à leur lutte.
Il est nécessaire d’ouvrir ici une grande parenthèse.
Ferhat Abbas, dans un des derniers numéros de « Jeune Afrique » affirme que la libération du peuple algérien était impossible sans l’aide des pays de l’Est. Notre affirmation du manque de solidarité prolétarienne semblerait donc fausse. Nous continuons pourtant à la maintenir. Nous le faisons non seulement à propos de celle de Moscou : il n’est pas inutile de rappeler quelques faits, comme le vote des pouvoirs spéciaux à Mollet, et à De Gaulle spécialement pour la guerre d’Algérie, le refus de se solidariser avec les réfractaires à la guerre d’Algérie (y compris leurs propres militants) toute la platitude de leurs pétitions, des motions, des solidarités purement platoniques et verbales, la reconnaissance du GPRA par Moscou, après les accords d’Evian, le souci de ménager De Gaulle pour utiliser son anti-américanisme, etc.
Nous pensons que si les forces socialistes et communistes n’étaient pas inféodées à des partis dits de gauche, le drame algérien pouvait être beaucoup moins tragique (et le drame de la France aussi). Il est vrai que des armes venant des pays de l’Est, ainsi que des armes venant d’ailleurs, ont aidé les combattants algériens. Mais nous reviendrons là-dessus.
Au-delà de cet exemple, il faut reconnaître que les partis communistes, malgré toutes leurs phraséologies ne sont pas des partis révolutionnaires (l’exemple de la Yougoslavie, et celui de la Chine, sont à discuter). Leur seule force « positive » est leur technique du coup d’État. C’est la grande découverte de Lénine (après celle des social-démocrates, la victoire parlementaire) : étant donné l’incapacité du parti à soulever les masses, sa seule chance est de se tenir tout près de la vague révolutionnaire, de préparer sa force, ses cadres, (les révolutionnaires professionnels) pour « après » quand l’ennemi est abattu. Cette tactique de prise du pouvoir par le coup d’État après la vague révolutionnaire a été réalisée à Pétersbourg en octobre 1917. Le dernier livre sur Trotsky, d’Isaac Deutscher, confirme encore une fois ce fait. Staline (ainsi que Churchill) avait peur des forces révolutionnaires que la deuxième guerre mondiale risquait de soulever ; ainsi ce dernier a vendu 120 millions d’hommes de l’Est européen à Moscou. Et bien qu’aidé par l’Armée Rouge et la police, Staline a utilisé la tactique du coup d’État pour prendre le pouvoir, en Tchécoslovaquie par exemple.
Vis-à-vis des pays sous-développés la tactique de Moscou est assez bien réglée : son attitude pendant le stade « révolutionnaire » est équivoque, hésitante, timide, en un mot le PC se tient à l’arrière-plan, ou est obligé de s’effacer devant les autres forces. Mais une fois la victoire évidente, son attitude et surtout son ambition changent complètement : il devient le vrai champion de la liberté, il réclame presque l’exclusivité. Vu ses prétentions, ses capacités de souplesse et de discipline, il cherche à placer ses hommes dans des positions clés. Il utilise l’aide réelle ou symbolique que les pays de l’Est offrent aux pays nouvellement indépendants. Les camarades espagnols se rappellent bien les bateaux russes en rade de Barcelone pendant la guerre civile et le marchandage : le blé et les fusils contre les postes ministériels, les abandons de principe, l’exclusivité. La guerre d’Espagne a échoué entre autres parce que Staline, n’ayant pas réussi à noyauter la Révolution, l’a abandonnée (pour s’embrasser quelques mois plus tard avec Hitler). La fourniture d’armes aux Algériens par les Soviétiques est sans doute dans une optique analogue.
Pour clore cette parenthèse, nous citerons deux « petits » faits :
- la presse officielle (et unique) de l’Est souligne que le peuple algérien, guidé par le PC algérien aidé par le FLN, a acquis son indépendance…
- Roger Garaudy, un des leaders du PC français, dans une conférence publique, explique que « Fidel Castro a dirigé la phase romantique de la Révolution, mais fort heureusement, le parti communiste a ensuite pris les choses en main pour une action sérieuse, efficace, réaliste » (« France-Observateur », 7 juin 1962).
Ici se situe un autre phénomène : étant donné la « faillite » du prolétariat européen, on essaie de transposer l’espoir, l’idéalisation, l’enthousiasme vers les pays sous-développés, appelés « pays prolétaires ». Il est encore plus significatif que ce soient le plus souvent ceux qui ont essayé de s’identifier au prolétariat ouvrier, et ont ensuite été déçus, qui essaient actuellement de s’identifier aux aspirations des pays sous-développés.
On trouve enfin dans le marasme et le désespoir une cause juste, une force révolutionnaire sa propre jeunesse avec la jeunesse d’un peuple. En même temps, on peut se désolidariser du système colonisateur. L’attitude de certains « apôtres » des pays sous-développés, leur exaltation, leur refus de voir les choses sous un autre angle, montre, chez eux aussi, un certain manque de sens critique.
Les êtres humains sont divisés en deux catégories : colonisés et colonisateurs, en supposant que dans les pays dits colonialistes tout conflit de classe, toute injustice, toute révolte et perspective sociale sont réglés. Les exploités et leurs patrons sont proclamés des hommes égaux, sont tous dans la même catégorie. C’est une simplification trop hardie, car les problèmes sociaux, les nécessités d’une lutte sont loin d’être éliminés et ne doivent pas être négligés. Cette schématisation, si elle n’a pas toujours été complètement acceptée par tous ceux qui se sont solidarisés avec les colonisés, a pourtant existé à l’état de tendance parmi beaucoup d’entre eux. Une autre schématisation dangereuse peut faire aussi oublier le camouflage des régions sous-développées dans les pays colonialistes eux-mêmes : l’empire portugais peut coexister avec une misère, un sous-développement presque aussi important au Portugal même, que dans ses colonies. Les empires les plus riches, l’empire espagnol, l’empire ottoman, ont laissé en héritage des pays qui en Europe même continuent d’avoir un gros retard économique.
En plaçant le problème dans les pays lointains, on lui donne un aspect abstrait presque exotique. Si le problème des émancipations nationales et sociales n’est pas limité géographiquement ; il n’est pas isolé historiquement non plus ; l’histoire humaine est secouée périodiquement par l’effondrement de système d’oppression, d’empires, par le changement des acteurs sur la scène, par la fin d’une civilisation et le commencement d’une autre. Il y a à peine quelques siècles que les Conquistadores ont été remplacés par les Libertadores sur le continent américain, et leurs luttes pour l’émancipation nationale ont secoué tout le régime retardataire de l’époque. Encore plus près de nous, c’est le même phénomène en Europe Centrale et Orientale, l’émancipation des pays slaves sortant des empires turcs et hongrois. Et comme pour cette « question d’Orient » à l’époque, aujourd’hui aussi il y a un jeu d’influence des puissances mondiales ainsi que la nécessité pour les peuples en lutte de prendre en considération et d’utiliser même ces forces.
Actuellement, ce fait est encore plus accentué, étant donné la séparation du monde entier en deux blocs, opposés l’un à l’autre, en guerre froide ou chaude, en luttes d’influences et de chasses gardées. Ainsi, chaque événement, en n’importe quel point de la planète, est immédiatement placé sur l’échiquier, et utilisé dans cette immense partie d’échecs. Comment les petits peuples peuvent-ils échapper à cette attraction ? Comment, tout en déclarant leur neutralité, peuvent-ils réellement être neutres ? Comment une force réellement révolutionnaire pourra-t-elle se réaliser et échapper à ces deux blocs impérialistes ?
Sur ce dernier point, l’attitude des libertaires est également délicate. Et les critiques reçues pour l’article sur Cuba le démontrent encore une fois : les libertaires, tout en étant contre toute oppression, et contre tout gouvernement, n’arrivent pas à échapper à cette division du monde en deux blocs. Il est compréhensible que devant la puissance économique et militaire des deux super-États, devant l’échec de tout mouvement un peu plus indépendant et original, devant la passivité de la classe ouvrière, toute perspective libertaire s’estompe dans l’irréalité. Dans cette situation internationale, on est tenté de choisir le moindre mal, de se ranger même symboliquement à l’ombre de l’une ou l’autre force ; pour être « réaliste » d’accuser d’irréalisme ceux qui continuent à défendre notre position en dehors de ces deux blocs de préférence.
Il est évident qu’il existe des différences quantitatives : nos camarades en Russie ont été massacrés et continuent d’être en prison (je peux le dire, car j’ai expérimenté personnellement pendant des années les « bienfaits » du socialisme de l’Est, y compris son système d’oppression, ce qui m’a obligé à me réfugier dans le monde « libre ») ici, nous pouvons encore nous exprimer ; aux USA la loi anti-anarchiste est encore en vigueur. C’est un fait aussi que les émigrés libertaires échappant des camps de concentration de l’Est ou d’Espagne, trouvent encore certains pays où ils peuvent vivre en se déclarant libertaires. Mais ces faits ne doivent pas nous faire oublier que le « monde libre » a encore son Franco et son Salazar, que le monde capitaliste montre les dents chaque fois qu’il voit en face de lui une force même limitée qui lui échappe, et qui tâche de saper ses bases de privilégié, que les tendances étatiques sont de plus en plus fortes.
Mais surtout, il faut garder présente la fidélité à l’esprit libertaire, et ne pas compromettre un avenir même hypothétique actuellement qui, dans une situation différente, pourrait être plus positif et plus réalisable. Surtout que, malgré leur puissance matérielle, les deux mondes capitaliste et pseudo-capitaliste ont démontré leur échec idéologique, et malgré tous leurs efforts ne pourront empêcher les masses de chercher un idéal plus humain et plus juste. Nous avons vu même dans l’empire soviétique : les ouvriers de Budapest détruire la statue de Staline, tout en élevant des principes de conseils ouvriers, d’autogestion, de libre confédération, de refus de dictature, mais aussi de refus des valeurs capitalistes. Les quelques exemples de lutte spontanée à l’Ouest ont aussi montré le refus des masses de se solidariser avec leur gouvernement, de suivre les consignes des partis politiques et même de leurs syndicats.
Au lieu de jouer à l’épicier en mesurant les vertus de l’Est ou de l’Ouest, il est plus nécessaire d’utiliser les quelques petites possibilités encore existantes pour essayer de démontrer leurs erreurs respectives, de confirmer l’existence d’une autre voie, de tâcher de la préciser par des exemples historiques et de la faire connaître non seulement ici, mais surtout aux pays sous-développés, comme leur seule chance de pouvoir construire quelque chose de juste et de valable.
Si nous avons des doutes sur les valeurs constructives des principes de l’anarchisme, comment pourrons-nous aider les autres à prendre conscience de leur esprit d’initiative, d’autogestion, de la démocratie effective, d’un fédéralisme partant de la base, du refus du racisme et de l’impérialisme, d’une économie sans exploitation, qui au fond sont les principes essentiels de l’anarchisme.
On est obligé de constater que l’esprit nationaliste existe encore. L’humanité se débat encore dans les cadres traditionnels de la famille, la patrie, la race ; elle n’est pas encore arrivée dans sa conscience profonde à la simple fraternité humaine, à l’individu. Ce phénomène est encore aggravé dans les pays sous-développés par le systématique mépris des anciens colonisateurs, signe d’une pseudo-supériorité raciste, et par un constant souci de domination et d’exploitation.
Mais en même temps que cet esprit nationaliste, on est aussi obligé de constater un sens de justice, un besoin d’égalité, une aspiration à un libre épanouissement, une générosité, et un esprit de sacrifice surtout dans les masses en révolte. On ne peut donc pas dissocier leurs besoins d’une affirmation nationale et leur souci de justice sociale.
Il nous semble que nous devons chercher à appuyer l’esprit de justice sociale, et à nous élever contre tout chauvinisme, tout racisme, toute idée de domination, d’exploitation et de pouvoir.
Dans ce sens, nous n’avons pas suivi certains libertaires, qui ont jugé la lutte algérienne par exemple uniquement dans son aspect nationaliste, et ont refusé de prendre une attitude plus nuancée.
D’autre part, nous avons refusé de subordonner notre activité à cette lutte, de nous identifier étroitement avec leur combat, car il a présenté et présente encore un certain aspect équivoque, et nous essayons de placer notre activité dans des perspectives différentes.
Nous pensons qu’on ne peut pas s’identifier aux peuples sous-développés en lutte ni leur donner des schémas et des plans de combat.
La libération des peuples doit être l’œuvre des peuples eux-mêmes. Ce que nous devons faire, c’est présenter l’idéal libertaire, les principes libertaires – qui sont très peu connus – comme un exemple.
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