La Presse Anarchiste

Édouard Lapeyre est mort

La Revue Anar­chiste vient de per­dre un de ses plus pré­cieux col­lab­o­ra­teurs : Édouard Lapeyre.

Les amis qui pos­sè­dent la col­lec­tion des numéros parus fer­ont bien de relire les arti­cles pub­liés sous cette rubrique : « Sim­ples Pro­pos ». Je les engage à y fix­er, quelque peu, leur atten­tion, et je suis cer­tain qu’ils seront frap­pés, tan­tôt par la pro­fondeur, tan­tôt par le sub­til de la pen­sée ; ici par la grâce et la sim­plic­ité, là par l’élégance et la richesse du style.

Je con­nais peu d’écrivains ayant réus­si à dire plus et mieux en moins de mots. D’Édouard Lapeyre, on peut dire qu’il excel­lait à exprimer ce qu’il avait à dire, tout ce qu’il avait à dire et rien que ce qu’il voulait dire.

Quand il avait résumé une propo­si­tion sous sa forme la plus con­cise, la plus philo­sophique, voire la plus abstraite, il s’exerçait à la repren­dre et a la dévelop­per sous mille formes dif­férentes et il par­ve­nait à la répéter sans tomber dans de fas­ti­dieuses redites.

Amoureux de la forme, il ne lui sac­ri­fi­ait jamais le fond, et son tal­ent — il en avait, et beau­coup — con­sis­tait à mari­er le plus solide­ment du monde celui-ci et celle-là.

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Si, dans Édouard Lapeyre, La Revue Anar­chiste a per­du un de ses col­lab­o­ra­teurs les meilleurs et les plus dévoués, j’ai per­du, moi, un de mes amis les plus anciens et les plus affectueux.

Notre intim­ité remon­tait à trente-cinq ans et ne s’était jamais relâchée.

Son cœur était aus­si sen­si­ble que déli­cat était son esprit. Comme tous les êtres vrai­ment bons et com­préhen­sifs, il pous­sait l’indulgence jusqu’à tout excuser, parce qu’il pos­sé­dait une intel­li­gence apte à tout comprendre.

Si cette com­préhen­sion et cette bon­té l’inclinaient à excuser les tares, les lâchetés et les hypocrisies de ceux qui lui étaient indif­férents, l’idée très haute et très belle qu’il se fai­sait des devoirs de l’amitié le por­tait à con­sid­ér­er l’ami comme un autre lui-même, à se sol­i­daris­er con­stam­ment avec lui, à le défendre en toutes cir­con­stances, à le sec­ourir à toutes occasions.

Ain­si était-il « le mod­èle des amis », et je ne sache pas qu’il soit pos­si­ble de faire un plus bel éloge de son car­ac­tère que de lui décern­er ce titre.

[/Sébastien Fau­re./]


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