une de vos belles légendes.
— Mais, mon petit, tu m’en demandes
à chaque instant où je m’asseois ;
ma réserve en était petite
et je te les ai toutes dites souventes fois.
— Grand’mère, ça ne compte pas !
— Laquelle veux-tu, petit gars ?
— Dites-moi l’histoire d’un Homme.
— Il était une fois, c’était aux temps de Rome,
un homme que la vue du monde révoltait.
Il cherchait vainement pourquoi, hiver, été,
les uns restaient courbés sur leurs dures besognes
alors que sans vergogne
les autres, fainéants, dépravés et ivrognes,
restaient indolemment couchés dans leurs palais…
Et l’homme s’aperçut que le monde est mauvais…
« Hélas, se disait-il, les uns naissent esclaves
et les autres seigneurs ;
pourquoi ce luxe fou, stupide, qui nous brave,
nous les gueux dont le front est couvert de sueur ?
Pourquoi celui qui fit pousser les moissons rousses
meurt-il parfois de faim,
alors que des Césars maudits nous éclaboussent
de la joie insolente éclose en leurs festins ? »
Il essaya longtemps de déchiffrer l’énigme,
mais il n’y parvint pas :
là les mêmes tourments, ici les mêmes crimes,
quelques maîtres menant une armée de forçats.
Alors, quand il comprit,
un sursaut de dégoût lui fit briser ses chaînes ;
il se leva tout droit, et, au monde surpris,
il clama le premier la déchéance humaine.
Il fit briller aux yeux ce flambeau : Liberté,
il ralluma le feu mourant des consciences,
et, déchirant le voile sombre des croyances,
créa les premiers révoltés.
Comme tant d’autres qui suivirent,
ce premier homme fut vaincu,
mais un peuple nouveau naquit sur son martyre
et conserva son nom sublime
— Spartacus !
[/Georges