“ Cette nouvelle religion, le racisme, a essayé de masquer sous des apparences intellectuelles, les exigences sentimentales qui l’ont créée et qui la nourrissent ”. (J. Millot, Biologie des races humaines).
Le racisme est la croyance en la supériorité d’une race sur les autres. Sa définition suffit presque à démontrer son inexactitude, une “ croyance ” n’est guère scientifique. Mais elle est justement peut-être plus dangereuse, car l’être humain adore “ croire ”. C’est pourquoi il est utile d’analyser le phénomène du racisme, et de tâcher de le comprendre.
Partons des races : celles auxquelles s’attaque généralement le racisme ne correspondent pas à la véritable classification qu’on peut en faire (race Noire, Blanche, Jaune, Rouge et leurs subdivisions). Il en créé d’autres pour ses propres besoins (la race aryenne par exemple) (ou la race juive) et confond alors des données physiques séparant l’humanité en races, des données linguistiques qui la subdivisent en ethnies, (tels que Latins, Slaves, ou Sémites) et des données politiques qui délimitent des nations (il faut ajouter les données religieuses qui déterminent, elles, des sectes). Mais, quel que soit le groupe racial ou ethnique auquel on attribue une supériorité (ou une infériorité) par rapport aux autres : d’où proviennent cette forme de pensée, cette attitude ?
Mettons (ce fut réalisé) de petits enfants n’ayant pas encore reçu d’éducation quelle qu’elle soit, ensemble – des blancs, des noirs, des jaunes, garçons et filles. L’expérience montre que la seule différenciation spontanée qui se produit est d’ordre sexuel, c’est-à-dire que les enfants remarquent d’eux-mêmes qu’ils sont de deux sexes, alors qu’ils ne manifestent dans aucun jeu, aucune activité, un intérêt pour les différences de couleur parmi eux. Ils ne semblent pas sensibles aux différences raciales, en tout cas pas de manière à créer des séparations ou des rapports d’inégalité, ils ne dépassent pas de simples remarques de curiosité, sans faire aucune échelle de valeurs, dans cette prise de conscience.
Le racisme ne semble donc pas être une tendance naturelle de l’individu.
Mais comment expliquer alors que ce soit un des phénomènes les plus répandus, les plus anciens, le plus facilement provoqué ? Comment retrouver la source de cette manifestation humaine ?
“ De même que l’ontogenèse est censée reproduire la phylogenèse [[Ontogenèse : tranformation de l’individu depuis l’oeuf jusqu’à l’êre complet ; phylogenèse : transformation de l’espèce depuis l’origine]] le développement des civilisations semble étrangement calqué sur celui des individus. On a déjà noté que les civilisations naissaient, grandissaient et mouraient mais les analogies vont plus loin : les civilisations peuvent être malades et nous pensons qu’une étude de leurs maladies matérielles ou morales sur le mode clinique pourrait permettre de les soigner. Là encore – du moins sur le moral – il y aurait sans doute beaucoup à tirer de l’expérience de l’individu ” (André Berge, “ l’éducation sexuelle et affective ”).
explications psycho-sociologique
Il existe plusieurs explications, plusieurs hypothèses, biologique, économique, sexuelle, politique, religieuse, etc. Nous préférons commencer par l’explication psycho-sociologique, pour laquelle nous serons obligés de faire un bref rappel de psychologie humaine, et plus spécialement de psychologie du développement de l’individu.
Les psychologues ont depuis longtemps décrit un certain nombre de sentiments, d’inquiétudes, d’angoisses, d’incertitudes, qui accompagnent très souvent la formation psychologique de l’être humain normal, dans son enfance et son adolescence. Ils ont essayé d’expliquer ces manifestations le plus souvent passagères par des conflits : fils/père, spontanéité/ordre, besoin sexuel/tabou sexuel, individu/société (ne parlons pas d’explications métaphysiques, la paix avec Dieu, etc.). Certains ont mis l’accent sur le sentiment d’infériorité, et surtout le besoin de puissance, en compensation du premier. Sans nier les autres conflits, nous voulons nous arrêter plus spécialement sur ces derniers points : infériorité-puissance.
Mais pourquoi “ conflit ”, pourquoi toujours cette vision “ apocalyptique ” ? Parce que chaque individu n’est devenu ce qu’il est qu’au travers d’une lutte pour s’affirmer lui-même, enfant devant ses parents, adolescent devant le monde, adulte devant la société. Cette lutte a comporté des victoires et des défaites, et ce sont elles qui ont formé notre caractère avec tous ses besoins instinctifs refoulés bien souvent, ou à peine conscients. Pour l’enfant, puis l’adolescent, cette affirmation, ces luttes sont les plus difficiles, les plus inégales ; il a en face de lui des forces supérieures aux siennes, la volonté du père, de la famille, de la société. Il est constamment dans un état d’infériorité. Plus tard, quand il commence progressivement à avoir confiance en lui-même et à tâcher d’affirmer sa personnalité, soit en s’adaptant, soit en se soumettant (le plus souvent superficiellement), soit en se révoltant (plus ou moins temporairement, mais il reste toujours chez le jeune adolescent une incertitude, une inquiétude, une contradiction – tendance au retour en arrière, à l’état d’enfant, à être protégé – et en même temps fuite en avant, être adulte, être indépendant, mais souvent seul).
La psychologie moderne a souligné l’importance de ces conflits, de l’enfance, pour le comportement pendant la vie entière de l’adulte. Le psychologue essaie d’adapter le comportement des parents, des éducateurs, à ces aspects, d’attirer l’attention des médecins et des sociologues : il ne faut pas ignorer ces conflits, il faut aider à les résoudre le plus facilement possible, avec le moins de blessures et de dégâts (car il y a en général beaucoup de dégâts).
Si pour la psychologie ces conflits se situent surtout dans le cadre familial et pour les médecins sur le plan de l’individu, pour les psycho-sociologues, ce problème représente le point de départ de nombreux phénomènes importants. Car ces conflits, ces problèmes se compliquent dès qu’ils dépassent l’individu et la famille, et qu’ils se placent sur le plan inter-individu, le plan social quand la société intervient.
Nous pensons que ce sentiment d’infériorité a deux évolutions : la première par une diminution progressive à l’inverse de la confiance progressive en soi-même, devant l’évidence des mêmes sentiments retrouvés chez les autres, devant l’attitude compréhensive de l’entourage, devant les nouvelles tâches de l’individu, et cette soif d’affirmation trouve une belle solution dans la soif de connaître, de s’enrichir, de mûrir, d’être utile ; l’autre évolution a lieu, quand le conflit au lieu de s’harmoniser, s’accentue, s’extériorise, éclate et s’impose. Rien de plus facile, les hommes ne sont pas tous semblables, on trouve toujours des êtres plus faibles, plus jeunes, plus soumis, plus passifs. On cherche alors à s’imposer en les considérant comme inférieurs (pour transférer sa propre infériorité) en cherchant à se considérer soi-même comme supérieur. Ce sentiment devient une merveilleuse échappatoire et permet un bon rétablissement de la balance pour notre équilibre psychique : personne n’y échappe ! Et c’est là, cette fois aussi, une tendance naturelle de l’individu, mais tendance aussitôt exploitée, car une des plus répandues et des plus fortes par toutes les sociétés, non pas parce qu’une race ou un groupe humain est naturellement supérieur à un autre, mais parce que le besoin de se sentir supérieur existe naturellement dans tout groupe qui trouve dans le racisme un trait d’union, un ciment. De là, le défaut de base “ scientifique ” du racisme, qui n’en a pas besoin puisqu’il n’est que l’exploitation d’une tendance de l’homme ; il peut par la suite chercher des arguments sans difficultés car il est déjà convaincu d’avance.
C’est pourquoi aussi les arguments qu’il emploie sont peu solides, et sa position tout de même forte, et si l’on détruit ses arguments, on ne supprime pas la “ croyance ”, qui est à la sa base… croyance en “ ma supériorité ” sur mon voisin, celle de “ ma ” couleur sur la sienne, “ ma ” langue, “ ma ” culture… Cette attitude est une attitude préraciste, et notre société fait tout pour transformer ce préracisme en vrai racisme.
Le pouvoir
À la base du pouvoir se situe ce sentiment de supériorité, ce besoin d’imposer sa volonté, d’écraser la volonté des autres, les autres étant considérés comme faibles, incapables, impuissants, inférieurs. On voit donc le rapport étroit entre le racisme et le pouvoir. Avant d’avoir des privilèges matériels, des jouissances matérielles, on cherche la jouissance psychologique que donne le sentiment de supériorité, lui-même étant procuré par le pouvoir : la jouissance d’écraser, de mépriser, d’être obéi, d’être craint, d’exploiter les autres. Les êtres les plus tyranniques sont ceux qui sont les plus faibles, les plus incertains en eux-mêmes. Un être fort qui a pleine conscience de sa propre valeur, n’a pas ce besoin.
La société, basée sur le pouvoir, sur le privilège, sur l’exploitation, la soumission, l’autorité, encourage, utilise, accentue cette évolution du sentiment d’infériorité, qui ne pourrait se faire autrement, qui est incompatible avec le sentiment réel d’égalité des hommes, de la valeur humaine, du refus des privilèges et de l’autorité et de la soumission.
Ainsi, sans que le sentiment raciste soit réellement un sentiment naturel, obligatoire, inné, nous le rencontrons dans les sociétés les plus diverses, les plus lointaines. Comment les Egyptiens pouvaient-ils accepter et utiliser l’esclavage (des noirs, des juifs), s’ils n’avaient pas le sentiment d’être supérieurs, d’être nés “ maîtres ”. Comment les castes militaires, aristocratiques, etc. pouvaient-elles accepter l’esclavage de leurs propres concitoyens, leurs compatriotes, si elles ne se considéraient pas supérieurs aux paysans, aux pauvres, aux ouvriers. Comment la société indienne a‑t-elle pu exister cloisonnée rigoureusement hiérarchisée, séparée en un édifice compliqué, si les uns et les autres n’acceptaient pas leur valeur respective. Comment les militaires peuvent-ils faire leur massacre, leur carnage sur les tribus et les peuples voisins, s’ils ne considèrent pas ces peuples comme des “ sauvages ”, donc des inférieurs, prédestinés à être écrasés, soumis, exploités, tués par les plus “ civilisés ”, donc les supérieurs…
Ces exemples jalonnent toute l’histoire humaine…. jusqu’à nos jours : “ le pied noir ” le plus illettré, le plus imbécile est automatiquement supérieur par sa “ race ” à n’importe quel algérien africain, vietnamien.
Le colonialisme, malgré toute la puissance de l’appareil étatique, militaire, capitaliste, ne pourrait avoir son plein “ développement ” si le sentiment raciste n’était inculqué au peuple pour former une unité, une collaboration, une participation et une solidarité entre les colonialistes à toutes sortes de degrés, contre le peuple conquis, colonisé, exploité.
Il n’y a pas longtemps encore, la classe bourgeoise cataloguait tous les travailleurs, les ouvriers, comme automatiquement bêtes, ivrognes, ignorants, faits pour le travail et exploités comme tels. Après un siècle de lutte syndicale, si ce sentiment n’a pas entièrement disparu, il n’ose plus se manifester clairement.
Le même processus vis-à-vis des “ peuples prolétaires ” commence à se produire : il a fallu l’héroïsme algérien pour obliger même les plus irréductibles à avoir une certaine estime ou du moins prendre en considération le peuple algérien. Mais la lutte antiraciste est loin d’être terminée car les sentiments racistes se trouvent non seulement dans les sphères gouvernementales, mais sont introduites dans toute l’échelle sociale, et jusqu’aux pauvres bougres qui crèvent de faim, tout en étant fiers d’appartenir à une race, à une nation supérieures.
Cette explication psycho-sociologique de l’origine du pouvoir n’est qu’une hypothèse, nous ne faisons que la proposer. Il nous semble qu’elle est en continuation avec l’opinion de Bakounine sur cette question : c’est-à-dire que les conflits entre l’instinct de liberté et celui du pouvoir, la lutte et l’imposition violente de l’instinct de pouvoir, sont à la base de la société et de l’État.
Il nous semble aussi qu’elle n’est pas forcément en contradiction avec l’hypothèse marxiste, dans le sens où la lutte des classes n’est qu’un transfert sur le plan économique et politique de cette lutte pour imposer la supériorité, pour utiliser cette supériorité contre ce qu’on considère comme inférieur : les esclaves, les paysans, les ouvriers. Elle complète le facteur économique qui pour Bakounine (ainsi que pour Marx) est la base du pouvoir. Sur ce point, il n’y a aucun doute.
Point de vue biologique
De nombreux biologistes prennent indirectement ou ouvertement, des positions racistes (Gobineau, A. Carrel). La “ race ” possède en effet une certaine base scientifique, elle figure dans la classification zoologique de Linné, elle a ensuite été reprise par Darwin : lutte entre les espèces et les races, sélection naturelle comme facteur de progrès par élimination. Il y a sur ce plan purement biologique des critiques également biologique et scientifiques, à opposer au racisme “ biologique ” .
Avant tout, la théorie héréditaire qui est toujours valable, ne doit pas être envisagée dans une optique simpliste ; ainsi chaque nouvel être (formé par les chromosomes paternels et maternels) n’est pas une équation arithmétique : les nombres presque infinis de nouvelles combinaisons entre les chromosomes, chacun résultant et gardant un héritage de siècles, représentent toujours un côté imprévu. Les possibilités de sélection (naturelle ou artificielle) chez l’homme, ne sont ni faciles, ni évidentes, encore moins acceptables : 4 générations humaines couvrent un siècle, tandis que dans le règne animal pour la même période on peut observer des milliers de générations. Le phénomène de la mutation, découvert il y a environ 50 ans, est absolument imprévisible, il fait apparaître de nouvelles qualités absolument par hasard. Il n’y a donc aucun caractère racial dans l’absolu, aucune race entièrement définissable, encore moins une évolution prévisible.
L’homme ne peut pas, en effet, comme le voudraient les biologistes racistes, être classé dans un cadre zoologique où “ l’homo sapiens ” serait exprimé par une équation. Les facteurs intellectuels, moraux, créateurs, sociaux, producteurs, économiques, ne peuvent être hiérarchisés, et le rôle du milieu formateur, professionnel, social, climatique, est considérable et peut, à lui seul, changer le comportement, le caractère, l’aptitude des individus : le nazi Himmler, voulut tenter de créer la “ race pure ”, il créa en Allemagne des établissements spéciaux où des femmes volontaires, après un examen médical et anthropologique soigneux, procréaient avec des soldats SS, eux aussi bien sélectionnés, l’État prenait ensuite entièrement en mains l’éducation de ces futures “ super-hommes ” ; ces enfants élevés artificiellement, sans milieu affectif réel devinrent de grands retardés, des débiles, des idiots.
Souhaitons que cet exemple reste unique, car il suffit à lui seul à démontrer la fausseté des prétentions biologiques des racistes.
En réalité, la biologie a démontré depuis longtemps que la race supérieure n’existe pas et la race pure non plus :
“ Quand deux races se rencontrent, elle se battent parfois, mais elles s’accouplent toujours… Toutes les populations actuelles sont métisses, cent fois métisses ” (Millot).
Toutes les grandes œuvres humaines sont dues aux peuples à hérédité complexe : les Grecs de la grande époque étaient un mélange de navigateurs d’Afrique, d’Asie, de Sémites, de Méditerranéens, d’Alpins, de Nordiques. Les Arabes qui vivaient à l’état presque sauvage créèrent de grandes civilisations après leur conquête et à la suite des mélanges qu’elles entraînèrent. Alors que le racisme veut préserver une race et créé artificiellement une “ pureté ” de sang !
point de vue sexuel
Cette pureté de sang ne peut se préserver que par préjugé sexuel, c’est le côté biologique de la sexualité dans le racisme : une race qui se veut supérieure se doit obligatoirement à la conservation de la “ pureté ” de sa race, et évite à tout prix, les mélanges de races.
Mais les tendances psychologiques concernant la sexualité sont plus complexes et liées au principe de domination : dans nos mœurs, l’homme “ prend ” et “ domine ” la femme qui “ se donne ”. Il paraîtra donc normal qu’un homme de la race “ supérieure ” possède également les femmes des races inférieures, alors qu’il sera révoltant qu’une femme “ supérieure ” soit “ souillée ” par un homme de race “ inférieur ”.
Ces faits se rattachent plus spécialement aux problèmes sexuels en général qui proviennent des idées de tabou et de péché, d’origine en partie chrétienne, et aussi de l’inégalité du point de vue sexuel des deux partenaires, telles qu’elle est dans les mœurs depuis des siècles.
[/Théo – Claude/]