La Presse Anarchiste

Pour une conception libertaire sur le racisme

C’est le fait psy­choso­ci­ologique qui nous paraît le plus spé­ciale­ment à la base du racisme. Il est dif­fi­cile d’imaginer qu’un sim­ple fait psy­choso­ci­ologique puisse servir de base à des phénomènes aus­si puis­sants que le racisme ; ce dernier est engen­dré par le pou­voir, qu’il recréé à son tour. Le pou­voir est à l’origine de la société actuelle et il aboutit en même temps au nation­al­isme et au chau­vin­isme. Dans des con­di­tions “ favor­ables ”, ce nation­al­isme se trans­forme en impéri­al­isme et en colo­nial­isme, qui lui-même provoque un con­tre racisme.

Ce sché­ma n’est bien sûr qu’un sché­ma, il n’y a jamais une seule cause, les fac­teurs sont mul­ti­ples et influ­en­cent dans les deux sens. Ain­si, les con­di­tions économiques qui ont une orig­ine pure­ment matérielle et se déroulent sur des don­nées objec­tives, influ­ent dans cer­taines con­di­tions sur les man­i­fes­ta­tions racistes.

Tout nation­al­isme a besoin de don­nées racistes pour pou­voir entraîn­er les mass­es. Chaque État nou­velle­ment “ indépen­dant ” s’efforce aus­sitôt de con­va­in­cre ses citoyens de leur grande valeur, de leur supéri­or­ité (en util­isant tou­jours bien l’Histoire). Cette réac­tion aux colo­nial­ismes, ce besoin de com­penser le sen­ti­ment d’infériorité qu’on s’efforçait de leur don­ner, dépasse sont but et peut aboutir de nou­veau au racisme, au mythe de la grande nation, faire oubli­er la mis­ère, l’exploitation, l’inégalité sous pré­texte “ d’unité nationale ”.

Pour nous, le racisme est une véri­ta­ble plaie sociale et humaine. Il empoi­sonne les rap­ports quo­ti­di­ens, les per­spec­tives humaines, trou­ble la paix et la con­corde, cache les vraies luttes, les vrais prob­lèmes. Le racisme est à la base de tout pou­voir, de tout sys­tème autori­taire, de toute jus­ti­fi­ca­tion d’inégalité.

Dès qu’un groupe humain veut en domin­er un autre, les argu­ments, les atti­tudes sont les mêmes : oppres­sion, mépris, ségré­ga­tion, jusqu’à l’élimination.

La seule manière logique de s’opposer au racisme, c’est de saper ce sys­tème social dans ses fonde­ments mêmes. En ce sens, les lib­er­taires sont logiques en refu­sant en même temps le racisme et cette société basée sur le pou­voir. En ce sens les lib­er­taires ne peu­vent pas être racistes. Et en réal­ité, dès le début, ils ont proclamé l’internationalisme, la fra­ter­nité humaine. Mais ce tra­vail n’est pas encore achevé ; par­mi les lib­er­taires, ils y a encore des cama­rades qui jouent sur les “ par­tic­u­lar­ités ” de telle ou telle nation, ou race ; il y avait et il y a peut-être encore des anti­sémites. On se plaît à nous citer très sou­vent telle ou telle phrase de Proud­hon ou de Bak­ou­nine, notre réponse est nette : sur le prob­lème juif, ils se sont trompés, nous ne les con­sid­érons pas comme infail­li­bles, nous ne pou­vons pas aujourd’hui souscrire à tout ce qu’ils ont écrit. Mais on oublie sou­vent de dire que des anar­chistes tel que J. Guil­laume, ami intime de Bak­ou­nine, et beau­coup d’autres, ont réa­gi vio­lem­ment con­tre toute ten­dance même min­ime de racisme ou d’antisémitisme.

Mais en atten­dant, et en lut­tant con­tre ce société, nous pou­vons dès main­tenant faire beau­coup con­tre le racisme. En lut­tant ouverte­ment con­tre tout acte, tout geste à car­ac­tère raciste. En déraci­nant en nous-même (imprégnés de racisme pen­dant des siè­cles) toute “ rai­son ” qui tend à jus­ti­fi­er telle ou telle injus­tice, telle ou telle supéri­or­ité, telle ou telle vio­lence. En pra­ti­quant la sol­i­dar­ité inter­na­tionale (et pro­lé­tari­enne) dans notre vie quo­ti­di­enne, notre activ­ité pro­fes­sion­nelle, notre organ­i­sa­tion spé­ci­fique ou non, en s’élevant vio­lem­ment chaque fois qu’on entend jus­ti­fi­er une ségré­ga­tion raciale, une supré­matie nationale ou indi­vidu­elle, même dans notre pro­pre milieu, chez nos pro­pres camarades.

En con­nais­sant les phénomènes psy­choso­ci­ologiques, en dirigeant notre con­duite et l’éducation des jeunes, dans le sens de l’entraide, de la con­nais­sance mutuelle et du respect réciproque de l’estime de tout être humain.

[/Noir et Rouge/]

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BIBLIOGRAPHIE

À ten­dance soci­ologique :

- Mil­lot : “ Biolo­gie des races humaines ”, édi­tions A. Colin.
— Berneri : “ Le Juif anti­sémite ”, non réédité depuis 1937.
— Abdel Kad­er : “ Le con­flit judéo-arabe ”, édi­tions Maspero.
— Abra­ham Léon : “ Con­cep­tion matéri­al­iste de la ques­tion juive ”, non réédité depuis 1946.
— Fëj­to : “ L’antisémitisme dans les démoc­ra­ties pop­u­laires ”, édi­tions Plon.
— Ortiz : “ Los mejores ensay­is­tas cubanos ”, La Haban, 1956.
— Pueb­los y Razas, édi­tions Sol­i­dari­dad Obr­era, Paris.
— Dan­do Dan­di-Bianchi e Negri, édi­tions Anti­s­ta­to Cese­na (Ital­ie).

À ten­dance philosophique :

- Fëtjo : “ Dieu et son Juif ”, édi­tions Plon.
— Grave : “ Il n’y a pas de races inférieures ”, (Con­tre-courant).
— Marx : “ La ques­tion juive ”, édi­tions Costes.
— Mem­mi : “ Por­trait d’un juif ”, édi­tions Gallimard.


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