La Presse Anarchiste

Avant-courrier

Les études de notre der­nier numé­ro ont pro­vo­qué de nom­breuses réac­tions posi­tives et néga­tives. Bien qu’il soit répon­du per­son­nel­le­ment à chaque lettre, nous vou­lons ici faire quelques remarques générales.

I. Les kibboutzim

Nous sommes en même temps accu­sés de ne pas prendre de posi­tions nettes et pré­cises et de défendre une ins­ti­tu­tion sociale dans un État moderne. Il n’est pas inutile de sou­li­gner que NR se veut être avant tout des « Cahiers d’Études Liber­taires », et donc, au lieu de don­ner des mots d’ordre ou des conclu­sions « simples et claires », il essaie d’aller le plus loin pos­sible dans un pro­blème don­né, d’envisager et d’embrasser la plus grande quan­ti­té pos­sible de contra­dic­tions, bref, d’avoir une opi­nion cri­tique et non confor­miste, sur les pro­blèmes qu’il traite.

Les lec­teurs eux-mêmes devront se faire leur opinion.

Ain­si, pour les kib­bout­zim, nous n’avons pas caché notre sym­pa­thie envers ce mou­ve­ment com­mu­nau­taire, tout en fai­sant cer­taines réserves et en don­nant même des opi­nions assez différentes.

Depuis notre der­nier numé­ro nous avons pu ren­con­trer H.Z. venant d’Israël, entre deux avions, et lui poser un cer­tain nombre de ques­tions sou­le­vées par les lecteurs :

la sépa­ra­tion des enfants, même tout petits, de leur milieu fami­lial, n’a‑t-elle pas des consé­quences dans la psy­cho­lo­gie des nou­velles générations ?

réponse : il y a déjà deux ou trois géné­ra­tions de ces enfants, et il ne semble pas qu’il existe de troubles par­ti­cu­liers ; pour­tant les mères ont mani­fes­té le désir de gar­der plus long­temps leurs enfants et des psy­cho­logues ont mis l’accent sur l’atmosphère affec­tive néces­saire aux enfants.

la ques­tion du sala­riat : dans les col­lec­ti­vi­tés agri­coles, il est en train de dis­pa­raître, pas tel­le­ment pour des consi­dé­ra­tions théo­riques mais pour une rai­son pure­ment pra­tique – les ouvriers étran­gers au kib­boutz étaient obli­gés de man­ger, de vivre, dans des col­lec­ti­vi­tés inté­grales sans y être ni pré­pa­rés ni adap­tés, d’où des conflits d’ambiance, d’atmosphère sociale, etc.

l’esprit des nou­velles géné­ra­tions : il existe un cer­tain déta­che­ment des jeunes de l’idéal com­mu­nau­taire qui a ani­mé les fon­da­teurs des kib­bout­zim. La cause peut en être l’absence de lutte de classe en Israël [[À cause de la puis­sance et de l’u­nion du syn­di­cat et de l’É­tat, actuel­le­ment, la situa­tion semble se rai­dir]], ou bien s’inscrire dans l’évolution glo­bale de la jeu­nesse actuelle qui est plus tour­née vers les réa­li­sa­tions maté­rielles et personnelles.

les pers­pec­tives des kib­bout­zim : est-il vrai que l’expérience des kib­bout­zim est ter­mi­née ? Que leur vita­li­té est épui­sée, leur ori­gi­na­li­té écrasée ?

La réponse ne peut plus être ici ni simple ni défi­ni­tive. Nom­breux sont les « spé­cia­listes » qui jugent que les kib­bout­zim sont nés dans des condi­tions maté­rielles, poli­tiques, sociales, natio­nales et idéo­lo­giques très par­ti­cu­lières ; que ces condi­tions ont actuel­le­ment chan­gé et que les kib­bout­zim ne peuvent donc que s’adapter aux nou­velles condi­tions. Les mêmes spé­cia­listes refusent de don­ner les kib­bout­zim en exemple aux autres pays sous-déve­lop­pés, pré­ci­sé­ment parce que ces condi­tions par­ti­cu­lières leur manquent (par exemple le Fonds Natio­nal Juif, le mou­ve­ment sio­niste, etc.).

Il nous semble que la socié­té en Israël est en plaine évo­lu­tion et il est trop tôt pour por­ter des juge­ments défi­ni­tifs. En tout cas, le pou­voir d’adaptation, le sens de fidé­li­té et de vita­li­té, la fier­té d’une réus­site incon­tes­table, montrent que les kib­bout­zim sont loin de se saborder.

En ce qui concerne les pays sous-déve­lop­pés, nom­breux sont ceux qui touchent des aides exté­rieures, même plus impor­tantes que celles que la « Dia­spo­ra » a appor­té à Israël, et pour­tant, ces sommes énormes sont englou­ties dans le vide par la bureau­cra­tie, police, etc., sans créa­tion éco­no­mique sociale valable.

[/​Yvo./​]

II. Franc-maçonnerie

Les réac­tions sont ici sur deux plans : pour­quoi « notre inté­rêt exa­gé­ré pour une ques­tion secon­daire », il existe « de bons anar­chistes qui sont en même temps FM » (par exemple…).

Notre atti­tude vis-à-vis de la FM n’est pas un fait iso­lé : cela entre dans la ligne de tra­vail de NR d’essayer de « déblayer » le ter­rain idéo­lo­gique de cer­taines confu­sions, mal­en­ten­dus et erreurs. Nous sommes reve­nus sur la FM parce qu’il nous semble qu’elle fait par­tie de ces confu­sions, comme nous reve­nons sou­vent sur le racisme, sur la lutte anti-colo­niale, sur notre posi­tion vis-à-vis des deux blocs impé­ria­listes, etc.

Et nous espé­rons allon­ger encore cette liste.

Pour la FM, quelques « petits faits » nous ont démon­tré qu’il est tou­jours actuel d’en parler :

— en 1958, au Congrès anar­chiste de Londres, la motion d’incompatibilité Fédé­ra­tion anar­chiste – loge maçon­nique, n’a pas été accep­tée. Pourquoi ?

— le der­nier livre édi­té par l’Institut d’Amsterdam (Bakou­nine en Ita­lie) relève à juste titre l’affiliation de Bakou­nine à la FM, mais ne men­tionne pas qu’il l’a très vite quittée.

— une dis­cus­sion per­son­nelle que j’ai eue en 1962 sur le même sujet avec un cama­rade connu.

En tout cas, nous sommes loin de per­son­na­li­ser le débat, ou de nous atta­quer à tel ou tel cama­rade. Ce n’est pas l’individu qui nous inté­resse, mais la clar­té dans nos posi­tions idéologiques.

[/​Théo./​]

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