La Presse Anarchiste

L’opinion d’Emma Goldmann

Sil est une pro­pa­gan­diste que l’on qua­li­fiait naguère de « bol­che­viste enra­gée », c’est bien Emma Gold­mann. La célèbre anar­chiste, condam­née aux États-Unis pour « pro­pa­gande défai­tiste », avait été dépor­tée en Rus­sie. Elle n’était donc pas sus­pecte de pré­ven­tion contre le bol­che­visme. Mais Emma Gold­mann, qui est une femme éner­gique et indé­pen­dante, ne s’en est pas lais­sé mon­trer par les dic­ta­teurs comme elle les dési­rait. Elle for­mule son juge­ment ain­si dans Der Freie Arbei­ter (Le Tra­vailleur Libre), de Berlin : 

« Tout est pour­ri. La Rus­sie se trouve dans la déca­dence la plus pénible. Aus­si ne pou­vions-nous pas nous attendre à autre chose. Nous savions déjà que la théo­rie mar­xiste ne sau­rait abou­tir à autre chose qu’à la tyran­nie. Nous nous sommes livrés encore un ins­tant à l’espoir que quelque chose de bon pour­rait naître de cette théo­rie et c’est pour­quoi nous avons fer­mé les yeux sur ses défauts Mais pen­dant les quatre mois que j’ai pas­sée en Rus­sie, j’ai bien vu qu’il n’y a rien de sain dans, cette théo­rie. Le socia­lisme d’État — ou le capi­ta­lisme d’État — on peut l’appeler comme l’on veut, a fait de la Rus­sie ce qu’il aurait fait de tout autre pays. Il a pris à l’homme jusqu’au petit grain de liber­té qu’il avait sous le capi­ta­lisme et il l’a livré aux caprices d’une bureau­cra­tie qui excuse sa tyran­nie en disant que tous ses méfaits ont lieu dans l’intérêt des ouvriers. Chaque forme de gou­ver­ne­ment est mau­vaise, mais pla­cé devant le choix entre le capi­ta­lisme d’État et le capi­ta­lisme par­ti­cu­lier, c’est à ce der­nier que je donne encore la pré­fé­rence. Le meilleur remède contre le bol­che­visme me semble être un voyage à tra­vers la Rus­sie bol­che­viste. Car nombre de ceux qui y sont allés comme des croyants sont retour­nés de là en hérétiques. »

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