Si pour agir il nous fallait d’abord acquérir la certitude d’aboutir, nous n’agirions jamais et nos efforts actuels pour sauvegarder la paix apparaîtront sans doute ridicules, alors que la guerre persiste par endroits et couve à fleur de terre partout dans le monde.
Un camarade m’écrit : « Que pouvons-nous empêcher ? Mieux vaut nous coucher, du moins nous ne nous fatiguerons point et nous n’irons pas au-devant de nouvelles désillusions. »
Un autre ami doute de la qualité des pacifistes d’aujourd’hui : « Ils sont bien nombreux, subitement ; quand la guerre arrivera, ils se disperseront. »
Tout est possible et le pire a plus de chance de l’emporter que le mieux. Mais de même que le printemps succède à l’hiver, l’amour de la paix remplace les cris de haine de la guerre.
Cet amour est-il profond, durable ? Vaines questions.
Il est ! Et nous n’allons pas nous en plaindre, nous qui, depuis tant d’années, attendons de le voir apparaître.
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Personnellement, je suis pessimiste. Je crains que la dernière guerre, en faisant disparaître quelques grandes nations et en créant deux blocs géants, ait rendu presque fatal le heurt que nous redoutons tous.
En 1939, j’avais la conviction que la guerre était évitable. En 1949, je n’ose en dire autant pour celle qui rôde.
Le capitalisme d’État stalinien désire défaire les trusts américains pour atteindre ensuite à son apogée. Le capitalisme privé qui ne veut pas disparaître et dont la puissance est encore colossale, là-bas outre-Atlantique, s’apprête, lui, à jouer sa dernière carte.
Il semble bien que les deux monstres vont s’empoigner, nous broyant au milieu.
Et devant cette perspective, l’on se sent petit, tout petit, quand on appartient à un pays vassal qui ne sait même pas se protéger tant soit peu en affirmant sa neutralité absolue et non armée à la face de l’univers.
On voudrait être Russes ou Américains pour faire une pression directe sur des gouvernants responsables.
On voudrait que le pacifisme qui emplit enfin le cœur de nombreux Français occupe le cœur des Américains et des Russes, puisque c’est de leurs pays respectifs que dépend la guerre ou la paix.
On voudrait que les Russes qui ont souffert atrocement des guerres puissent parler ; que les Américains en aient pâti davantage pour s’y opposer enfin efficacement.
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Malgré cela, amis sceptiques, la paix n’est pas encore à son dernier souffle. Le pessimiste que je suis admet que des événements peuvent se produire qui feraient s’estomper et disparaître les dangers de guerre.
Que tous les pacifistes européens enflent donc leur voix, qu’elle prenne une telle ampleur que les pires sourds l’entendent.
Et entrons tous dans la ronde de la paix, à côté des nouveaux venus, en vue d’assurer ensemble la continuité de la vie.
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