Fernand
On croirait lire un conte du bon Nodier, ce Juif errant de la littérature, tant est émouvante la vie de ce descendant des grands Princes de Smolensk, savant illustre qui préféra la science au plaisir et la bonté à la richesse. Les auteurs ont raison de dire que nos modernes parasites aux dents longues font bien piteuse figure à côté de ce vulgarisateur de la pensée anarchiste qui pratiqua toute sa vie le désintéressement le plus absolu.
Les œuvres de Kropotkine : « Paroles d’un révolté », « La Conquête du Pain », etc., furent traduites dans toutes les langues, même en chinois. Ce livre rappelle la fin tragique du « Kropotkinien » Li-Chi-Fou. Rappelons aussi que le Japonais Denjiro Kotoku, qui fut exécuté en 1911, traduisit Kropotkine et exposa ses idées dans Heimin Shimbum, Nippon Heimin et dans Chien Ye et les Chinese Anarchist News, deux organes qui s’adressaient plus spécialement aux étudiants chinois de l’Université de Tokio.
Albéric
Plus de cinq cents pages de faits, d’anecdotes, de documents présentés dans un style agréable, avec une impartialité rare. On peut confronter avec les événements de notre époque ce déchaînement d’instincts et de passions caractérisant « l’épopée » napoléonienne qui fut aussi une habile duperie de l’enthousiasme public.
La première et la meilleure version d’un roman qui a remué bien des passions, surtout en Angleterre où son audacieuse conception de l’équilibre sexuel a vivement heurté l’élément puritain.
Christina
Une âpre satire du cœur humain. Ce roman soulève la question de l’amour et du mariage, avec un réalisme des plus crus. Toutefois, il est regrettable que, surtout dans la première partie, le traducteur ait cru devoir s’en tenir à une reproduction un peu trop littérale.
Pierre
Une intrigue qui se déroule parmi les pétroliers de Mésopotamie, pays qui pourrait devenir l’enjeu d’une prochaine guerre mondiale. Une documentation précise aide à comprendre la signification des remous du Proche-Orient, de 1900 à la guerre de Palestine. Un style alerte et non dépourvu d’un certain humour donne un attrait soutenu à ce roman d’une indéniable actualité.
H.G.
À 72 ans, Wells est resté le conteur alerte et l’humoriste souriant que nous avons connu à travers ses premières œuvres. Dans ce livre, il traite du thème essentiel de la destruction qui guette les hommes qu’il compare à des enfants perdus dans la forêt. Il apporte un point de vue original sur les événements passés comme sur l’avenir, une nouvelle manière de voir sur la sexualité et il défend une nouvelle psychologie synthétique opposée à la psychanalyse de Freud.
L’histoire n’est le plus souvent que l’art d’étouffer les vérités gênantes, pour l’esprit partisan, sous les lieux communs convenablement ajustés à la « taille » de l’époque. Ici rien de pareil. Le Crapouillot fait craquer malicieusement le corset de Procuste des conventions ; son animateur estimant fort audacieusement que toute vérité est bonne à dire !
Dans ce troisième tome, c’est donc Juvénal, déclaration en moins, qui nous met sous les yeux l’âpre satire d’une époque qui égale en stupre celle du poète d’Aquinum. L’intronisation de Pétain, le panier de crabes londonien, les coulisses de Vichy, les plans de Hitler, Montoire, l’embrassade Hitler-Molotov, la guerre russo-allemande, autant de chapitres traités avec une maîtrise qui fera de cet ouvrage un document impérissable.
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A propos de livres…
Il nous a été reproché de n’avoir insisté, dans la rubrique des livres du précédent numéro, sur la personnalité trouble de l’auteur de la plaquette Le Communisme et la France.
Nous pensons que la critique objective doit s’en tenir à l’examen de l’œuvre et n’implique pas la nécessité de situer biographiquement l’auteur. Il n’est du reste guère possible de juger l’intérêt des ouvrages en fonction du climat politique et de rechercher si tel auteur fut collaborateur ou résistant, tel autre mythomane, ministre ou tenancier de maison close…
En ce qui concerne Jules Moch, nous pensions, en le taxant implicitement d’incompétence, n’avoir accordé que trop d’attention à un personnage qui travaille à des fins qui n’ont rien à voir avec les conclusions antiétatiques que nous tirions des nombreux discours du Palais-Bourbeux. —