Dès les premiers numéros de NR, nous avons souligné notre souci de « répondre avec le maximum de netteté » aux questions qui se posent à nous.
Depuis un certain temps, de nouvelles situations, qui ont entraîné différentes décisions nous obligent à faire de nouveau le point, non seulement pour nous-mêmes, mais aussi pour nos lecteurs. Nous avons hésité assez longtemps, mais pendant les cinq années d’expériences de NR, la plupart de nos lecteurs sont devenus nos amis, et il est toujours préférable de parler clairement, et si possible objectivement, plutôt que de laisser les bruits servir d’informations. Enfin, les expériences passées, positives ou négatives, doivent être utiles pour le futur.
Quand nous avons créé les GAAR, et NR nous avions plusieurs raisons communes ; nos lecteurs les connaissent, elles se trouvent dans les éditos de nos premiers numéros. Nous les énumèrerons brièvement : bulletin idéologique, une image de l’anarchisme d’aujourd’hui, fouiller au maximum la pensée anarchiste, pas d’action valable sans pensée politique sérieuse, se débarrasser du paternalisme et du leaderisme, essayer de faire une organisation anarchiste-communiste spécifique, etc.
Nos perspectives étaient : préparer les bases d’un anarchisme renouvelé, sauver les principes de l’anarchisme-communisme du naufrage de la FCL, manifester la présence de cet anarchisme. Plus loin ce serait « le jour où eux (les camarades inconnus) nous, tout ensemble, serons prêts à un efficace regroupement, alors, à ce moment là seulement, l’Anarchie pourra faire de belles et grandes choses » (NR n°3, 1956).
Aujourd’hui, précisément sur ce dernier point, le regroupement, l’unité tactique et l’organisation spécifique des GAAR ont subi un échec, et leur existence a été mise en question. L’unité idéologique n’est pas mise en cause.
Quelques camarades ont jugé que ce « regroupement efficace » était faisable, et l’ont réalisé en créant une tendance anarchiste – communiste au sein de la Fédération Anarchiste Française depuis 1961. Ces mêmes camarades ont jugé que NR ne les satisfaisait pas, et s’en sont donc désintéressés au moins depuis novembre 1960.
Une autre partie des camarades reste en dehors de la FA. Ce sont eux qui ont sorti les numéros 17 et 18 de NR. Ce qui importe c’est que NR n’engage que la partie de son ancienne équipe rédactionnelle qui continue de le rédiger maintenant : c’est que NR ne porte plus les initiales des GAAR ; les GAAR, eux-mêmes, tels qu’ils ont été formés en 1955 – 56, ont cessé d’exister.
Disons aussi que, si notre attitude vis-à-vis de la FA a été parfois réservée (cf. n°3 de NR) elle n’a jamais été hostile, et maintenant encore moins qu’avant.
Si nous avons refusé d’y entrer, et si nous continuons d’être en dehors d’elle, c’est que notre propre tâche, telle que nous l’avons décrite au début de cet article, avancera mieux si nous restons indépendants. Le souci d’efficacité, les poussées extérieures vers une union (très forte en ce temps de « ma grandeur » sans lendemain) agissent aussi sur nous. Mais nous les envisageons sur le plan d’une coordination plus étroite. Car nous sommes las des unions sans fondements, des déclarations « le travail théorique est fini, maintenant c’est le temps de l’action » (comme si on pouvait séparer l’action, la pensée et l’éthique).
Comment voyons-nous notre tâche ?
Sur deux plans : sur le plan de NR et sur le plan extérieur.
Disons tout de suite que nous ne sommes pas pleinement satisfaits de notre revue : nous avons quelques fois été routiniers, nous avons évité d’affronter des questions épineuses, nous avons hésité entre des études simples et claires, et d’autres plus avancées, mais plus arides, enfin, techniquement, nous fabriquons nos numéros d’une manière artisanale. Nous sommes conscients et critiques de notre travail et de nos possibilités.
Mais malgré ces insuffisances, nous continuons NR, car cette revue a joué un rôle dans le Mouvement, et surtout a une tâche à remplir, tâche à peine commencée et qui reste devant nous. Nous considérons qu’avec une conscience aiguë de la nécessité de faire ce travail, une patience visant au-delà des résultats immédiats, une collaboration et une participation plus élargies, un esprit ouvert et critique, nous pouvons faire quelque chose d’utile. Pour cela, nous nous sommes adressés personnellement à un certain nombre de nos lecteurs, nous nous adressons encore à tous ; nous avons demandé leur collaboration à des membres de la FA proches de nous ; nous avons modifié notre méthode de travail en essayant de coordonner les initiatives individuelles… Des résultats existent déjà : NR au lieu d’être rédigé par les seuls camarades responsables donne de plus en plus de place à d’autres collaborateurs, libertaires ou sympathisants.
Nous avons encore une série de projets que nous espérons réaliser progressivement. Mais si nous nous apercevons que notre travail fait double emploi avec celui d’autres camarades (ce qui à notre connaissance n’est pas le cas en français) ; que notre travail devient un obstacle supplémentaire au difficile travail d’actualisation de l’Anarchisme, alors nous adapterons nos efforts en fonction de cette situation nouvelle.
Avant tout, avec nos lecteurs : il n’existe pas tellement de revues qui, comme NR aient des relations suivies avec un grand nombre de leurs lecteurs. Il s’agit actuellement pour nous de faire participer d’une manière plus active nos lecteurs que nous considérons, pour la plupart, comme nos amis et nos camarades.
Ensuite, NR en tant que cahiers d’études anarchistes-communistes, possède une certaine audience auprès de milieux assez divers, mais sympathisants à nos idées. Nous espérons augmenter ces liens, pour nous enrichir nous-mêmes, et pour permettre en même temps de briser cet espèce d’isolement de silence autour de tout ce qui concerne l’Anarchisme.
Voilà où nous en sommes actuellement et comment nous envisageons notre action commune.
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