La Presse Anarchiste

Question sociale

La Revue que nous créons aujourd’­hui com­mence au milieu d’é­vé­ne­ments bien graves pour ses faibles forces ; elle n’en jet­te­ra pas moins son cri sur toutes les ini­qui­tés, et aide­ra dans la mesure de son pos­sible ses aillés à ame­ner la per­tur­ba­tion néces­saire et qui s’im­pose aujourd’hui.

Les tra­vailleurs sen­sés que les exploi­teurs ont cru anéan­tir par les mitraillades ver­saillaises, n’at­ten­daient que les nou­veaux ren­forts que leur ont appor­tés les jeunes géné­ra­tions gref­fées sur le sang des mar­tyrs ; aujourd’­hui la lutte est arri­vée à l’é­tat aigu, les crises qui ont condam­né les mal­heu­reux tra­vailleurs à la mort par la faim par suite de la sur pro­duc­tion que leur ont impo­sés les exploi­teurs, sont las d’êtres esclaves et ne peuvent com­prendre que eux, les pro­duc­teurs, eux qui font la for­tune sociale, eux dis-je qui devrait tout pos­sé­der, soient condam­nés de par la volon­té de quelques-uns à assis­ter affa­més à l’or­gie du pro­duit de leurs sueurs.

À Lyon la situa­tion s’ag­grave chaque jour, tan­dis que muni­ci­pa­li­té et gou­ver­ne­ment se ren­voient mutuel­le­ment les tra­vailleurs affa­més, les pro­lé­taires eux, n’ont pas même un mor­ceau de pain pour sou­te­nir leurs membres déjà épui­sés par le tra­vail sans frein qui leur a été impo­sé, afin de pro­duire de quoi four­nir le super­flu aux misé­rables qui s’in­ti­tulent d’eux-mêmes nos maîtres ; qu’on ne s’y trompe pas, ce n’est pas par lâche­té que ces tra­vailleurs offraient d’ac­cep­ter un salaire déri­soire pour des tra­vaux qui n’é­taient pas les leurs, ris­quant par là même d’af­fa­mer les tra­vailleurs qui attendent l’ou­ver­ture des tra­vaux des for­ti­fi­ca­tions, pour gagner eux aus­si de quoi ne pas mou­rir de faim.

Le socia­lisme jette de pro­fondes racines par­mi les tra­vailleurs de tous les pays, quel qu’en soit le lan­gage ; ils sont unis par le cœur et n’at­tendent que le moment pro­pice qui s’a­vance à grands pas ; la crise, qui com­men­cée à Lyon s’é­tend à tous les pays n’est que le pré­lude de la grande lutte, ou ayant le choix entre la mort par la faim ou la prise de pos­ses­sion du pro­duit de leur tra­vail, les tra­vailleurs, tous en masse, deman­de­rons la voix haute, la res­ti­tu­tion de leurs biens et au besoin sau­ront l’exi­ger par d’autres argu­ments. Que nos frères de Lyon prennent patience, qu’ils fassent sor­tie sur sor­ties, et exigent de nos diri­geants, non le tra­vail à bas prix c’est-à-dire une plus forte exploi­ta­tion ; mais leur part des mil­lions entas­sés dans les caisses du gou­ver­ne­ment ou des exploi­teurs qui ne sont que le pro­duit de leurs sueurs et s’il n’y est pas fait droit qu’ils sachent bien que leur héroïsme ne sera pas par­tiel et ne remue­ra peut-être pas seule­ment un coin de l’Eu­rope, mais qu’u­ni de cœur par le même but, les socia­listes de tous les pays sachant qu’une défaite serait fatale, sau­ront for­cer la vic­toire à ébran­ler les vieux trônes et à rendre aux tra­vailleurs ce qu’ils ont pro­duits et qui leur a été volé par ceux que nous ne vou­lons plus engrais­ser de notre sueur.

[/​Un tra­vailleur/​]

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