La Presse Anarchiste

La Poésie

[/​À Théo VARLET./]

La vague fouette et les bigor­neaux se hâtent,
un peu d’écume luit sur la moire des algues.
Petits îlots gre­nus au flanc du rocher lisse
les cha­peaux chi­nois des arapèdes
se sou­lèvent précautionneusement.
La crique étroite, avec ses parois où l’on glisse,
se vêt d’ombre et se pro­file moins nette.
Là haut héris­se­ment des pins valses de vent :
 — langues de mer léchant les fins galets oblongs,
bal­lot­te­ment d’une planchette-épave,
et la presqu’île en face où le soleil se grave
sur le contour d’un pro­mon­toire blanc

La crique est à moi. J’ai du sel dans les sourcils.
Je sèche mon corps brun de sau­vage subtil,
la nage était bonne et, cin­glé d’éclaboussures,
je m’ébrouais tan­tôt sur les pierres pointues
sans le moindre soup­çon de littérature
pour enta­mer ma joie vigou­reuse et nue.
Bref triomphe et qui vaut tant de sus­pectes « gloires »
car rien ne venge mieux, en ces temps convomis
 — éva­sion, mer douce ou ter­rible — ennemi
au moins pas sur com­mande ! — Les ruées,
la course, l’escalade, o luttes ignorées !
N’être enfin qu’une belle brute, hors l’histoire !

[/​Marcel Millet./​]

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