La Presse Anarchiste

Papon descendra-t-il dans la rue en veston ?

De tous les jour­naux qui abon­dèrent en infor­ma­tions depuis le début de l’af­faire Ben Bar­ka, l’Hu­ma­ni­té fut sans doute un des plus remar­quables. C’est un hom­mage que Figon lui-même lui ren­dait puisque si l’on en croit le der­nier Express (24 jan­vier) il s’ex­pri­mait ain­si le 24 novembre devant son confi­dent Jean Marvier :

« Tu as vu “L’Hu­ma” ? me dit-il. Com­ment ils peuvent être ren­car­dés ? Le nom de Caille est appa­ru. Oh là là, ça devient chaud. Là je suis marron. »

Cer­ti­fi­cat qui s’a­dres­sait d’ailleurs plus à Alain Gué­rin, le bio­graphe du Cama­rade Sorge qu’au jour­nal pro­pre­ment dit. Cet Alain Gué­rin est d’ailleurs l’homme de France, qui paraît le mieux infor­mé de ce qui se passe dans les arcanes de l’État. Au point même que Tixier-Vignan­cour s’é­ton­nait un jour à la barre d’une science qui dépas­sait la sienne propre ! Et Dieu sait s’il a pour­tant lui-même des fils directs !

Mais lais­sons là ces consi­dé­ra­tions et reve­nons à l’Affaire !

L’escalade prévue se précise.

Il y a méta­stase accé­lé­rée et le can­cer se généralise.

On ne peut plus dissimuler !

Des pou­lets mul­tiples étaient « au par­fum », les uns l’ayant été dès le stade de la concep­tion, les autres seule­ment au stade de la ges­ta­tion, et d’autres encore après que l’af­faire eut été entiè­re­ment consommée.

Tout l’ap­pa­reil tremble donc sur sa base, cha­cun exci­pant qu’il a pré­ve­nu en temps et en heure l’é­tage supérieur.

Et l’on se flatte un peu par­tout que des têtes tom­be­ront prochainement.

On se flatte peut-être trop.

Les pré­fets ou les direc­teurs mena­cés, qui ne naquirent pas de la der­nière pluie, ont leurs tiroirs pleins de contre-attaques possibles !

Cle­men­ceau, qui avait eu lieu de se plaindre de Lépine, et qui n’é­tait pas d’une moindre étoffe que les princes actuel­le­ment en place, avait long­temps annon­cé que s’il mon­tait un jour au Capi­tole, le fameux pré­fet ne demeu­re­rait pas bou­le­vard du Palais.

En fait, le Tigre était retour­né à ses chères études depuis cinq ans quand Lépine accep­ta de tro­quer son pré­fec­to­rat contre un siège de dépu­té de Mont­bri­son, la ville qui avait vu guillo­ti­ner Ravachol.

Encore ne s’é­tait-il éloi­gné du bou­le­vard du Palais que parce que la sénes­cence proche lui fai­sait un impé­ra­tif d’a­ban­don­ner la place.

Mais Papon est encore d’âge gaillard, et il n’est pas dit qu’il soit d’hu­meur à renoncer.

Certes il y a le pré­cé­dent Chiappe, qui cer­tai­ne­ment n’é­tait pas moins armé en petits papiers que pou­vait l’être Lépine et que peut l’être Papon, mais là il y avait eu un impondérable.

Dala­dier et Frot, à des degrés dif­fé­rents, étaient deux « grands hommes de pro­vince à Paris » !

Et c’est leur pay­san­ne­rie du Danube qui les avait ser­vis dans la défe­nes­tra­tion fameuse.

Ayant le pied pari­sien, ils y eussent regar­dé à deux fois !

Les gens qui veulent la fin de Papon et de Frey ont-ils le pied parisien.

Tout est là !

La Presse Anarchiste