La Presse Anarchiste

Une page d’anthologie

Sur la consi­dé­ra­tion qu’il recueillit un jour tout un lot de chats aban­don­nés, autour du Jar­din des Plantes, s’il nous sou­vient bien, on se sen­ti­ra tou­jours mal assu­ré pour médire de Thier­ry Maul­nier. Ce n’est pas que les occa­sions aient man­qué, ou qu’elles man­que­ront encore. Ain­si au temps de l’Al­gé­rie fran­çaise et de cer­taine Vil­la Susi­ni, dont on le vit apo­lo­giste appli­qué, sinon très convaincu.

Les chats sont donc son faible, et il sera bien­tôt plus célèbre par ce pen­chant bau­de­lai­rien que par d’abs­truses lit­té­ra­tures. C’est un goût qui n’est pas seule­ment pour l’u­sage externe, comme telle pho­to récente du Figa­ro pour­rait le don­ner à croire (on y voit, en effet, notre nou­vel aca­dé­mi­cien, tout frais vêtu de vert, don­ner pitance à l’un de ses félins). Il lui est même une pas­sion fort ancienne, puisque Reba­tet dans ses Décombres nous fait déjà voir pour l’an­née 1940, un Thier­ry Maul­nier en uni­forme de lieu­te­nant d’in­fan­te­rie, et qui a le bon esprit de faire de son képi le logis occa­sion­nel d’« un joli cha­ton noir, éton­né et grave » !

L’en­tre­pre­neur de démo­li­tions n’est pour­tant pas très favo­ra­ble­ment dis­po­sé envers le futur figa­riste-aca­dé­mi­cien, en dépit de leur com­pa­gnon­nage d’Action fran­çaise, puis­qu’il le dépeint à une autre page, la 132, en ces termes :

« Les rédac­teurs dont j’a­vais à diri­ger l’é­quipe crou­pis­saient dans une paresse sereine… Le plus cos­sard de tous, le plus fan­tô­ma­tique était cer­tai­ne­ment Tala­grand, dit Thier­ry Maul­nier, traî­nant son long corps d’es­co­griffe à lunettes avec une mine indi­cible d’ennui. »

Por­trait qu’il sera tout de même dif­fi­cile de rati­fier, car « cos­sard » ce doit être là le moindre défaut du Thier­ry du Rond-Point. Il est, en effet, répu­té comme un piss’in­chios­tro comme il n’en est même pas de second. Au demi ou à plein setier, sinon au demi ou muid entier ! Sans pré­ju­dice d’une vir­tuo­si­té native, que les savantes dis­ci­plines de la rue d’Ulm accrurent encore, à dra­per au goût du jour les véri­tés suc­ces­sives mais éter­nelles qui seront tou­jours la rai­son de vivre d’un grand quotidien

Payons tou­te­fois tri­but au nou­vel aca­dé­mi­cien, en repre­nant une des plus belles pages qu’il ait écrites, et que Je suis par­tout repro­dui­sait le 3 décembre 1943, et en ayant l’air presque de la lui jeter à la face :

C’est un hymne à la ban­lieue pari­sienne, écrit sans doute pour le temps du Front popu­laire mais qui avait gar­dé toute sa fraî­cheur, au temps de Vichy, et qui depuis n’a fait que prendre un éclat accru à chaque avè­ne­ment d’une nou­velle République :

« La France est un des pays les plus sales du monde, les plus vul­gaires, les plus arrié­rés du point de vue social. Une France repliée sur sa bas­sesse et s’en fai­sant gloire par une sorte de bra­vade cra­pu­leuse. La ban­lieue de Paris est une honte pour la civi­li­sa­tion humaine… On ne trouve nulle part dans le monde l’a­na­lo­gie de la dégé­né­res­cence fran­çaise, cette haine de la gran­deur, cette com­plai­sance pour la bas­sesse, ce culte de la médio­cri­té, bap­ti­sé pour la cir­cons­tance “mesure”. »

Et sou­hai­tons qu’on s’y retrouve au Rond-Point aus­si bien qu’au Quai Conti !

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Paris-Théâtre (n° 226) attri­bue à Paul Meu­risse le rôle du Monocle Noir — Paul Meu­risse se conten­tait d’être le Monocle. Le Monocle Noir, c’é­tait autre chose, un cer­tain André Canal qui eut des ennuis il y a quelques années, du côté de l’O.A.S.

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Phi­lippe Kah, qui n’en loupe pas une (il faut lire son auto-éloge dans le « Dic­tion­naire des Contem­po­rains » du Cra­pouillot), com­mence un article dans le Pari­sien libé­ré du 6 jan­vier par une allu­sion au célèbre (sic) « Poé­sie pas morte, lettre suit » (nous, on connais­sait un célèbre — celui-là — « Natu­ra­lisme pas mort, lettre suit » d’un cer­tain Paul Alexis) et ter­mine le dit article par une cita­tion de Ver­laine : « De la nuance ! avant toute chose » (nous, on connais­sait de Ver­laine : « De la musique avant toute chose »…) Mais, bah ! comme le disait Phi­lippe Kah de lui-même, nous avons affaire à un homme de la Renais­sance éga­ré par­mi nous » — Très égaré.

[/​Les Trois./]

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