La Presse Anarchiste

Oui, avec le Féminisme ainsi compris

Une abon­née nous a écrit pour se plaindre que nous ne par­lions spé­cia­le­ment que des hommes. Mais voi­ci la lettre elle-même :

« Et le fémi­nisme ? Ne lui ferez-vous pas une place dans la Vie Ouvrière ? Pour­quoi non ? Il y a peut-être plus de véri­té qu’on ne le pense dans le fameux : « Qui n’a la femme n’a rien. » Alors, pour­quoi cette jeune et vivante revue ne tien­drait-elle pas compte de l’autre moi­tié du genre humain ? Pour­quoi n’escompterait-elle pas l’aide qu’elle peut tirer du pro­lé­ta­riat fémi­nin pour atteindre le but qu’elle vise ?

« Je sais bien que le fémi­nisme n’est pas, ne devrait pas être un mou­ve­ment à part. Mais jus­te­ment, il est cela actuel­le­ment et va s’enliser dans le bour­bier poli­tique et « paix sociale ». Que Mme Pel­le­tier, anti­par­le­men­taire et anti­mi­li­ta­riste dans la Guerre Sociale, réclame le bul­le­tin de vote et le ser­vice mili­taire dans la Suf­fra­giste, ça la regarde. Nous savons ce que cachent armée et poli­tique. Que de belles madames réclament la radia­tion ou l’addition de tel ou tel article de loi dans ce code qu’elles vénèrent à l’instar de leur livre de messe, ça les regarde. Nous savons ce que valent et la loi et leur code. Que des Lucie Félix-Faure-Goyaux s’occupent de bien­fai­sance et prêchent la rési­gna­tion à quelques mal­heu­reux. C’est leur affaire aux unes et aux autres. Nous ne vou­lons pas de cha­ri­té, nous vou­lons la justice.

« Aus­si, parce que les porte-dra­peaux du fémi­nisme ne veulent pas voir que la racine, le fon­de­ment de nos plus criantes ser­vi­tudes est dans le domaine éco­no­mique, que ce n’est qu’en lut­tant sur ce ter­rain-là que nous obtien­dront l’affranchissement que nous deman­dons, que nous vou­drions que la Vie Ouvrière apporte un son de cloche dif­fé­rent de ceux que nous font entendre la Fran­çaise, la Suf­fra­giste toutes les Fémi­na, Èves et Femmes modernes.

« N’est-ce pas, d’ailleurs, dans le monde ouvrier que la femme a le plus de rai­sons de crier qu’elle ne veut plus être l’éternelle sacri­fiée ? N’est-ce pas dans ce monde-là que l’homme, dans la lutte de chaque jour, doit être com­pris, encou­ra­gé, aidé par la mère, la com­pagne ou la sœur ?

« Mais pour leur compte per­son­nel, les femmes doivent s’éveiller à la vie et à l’action syn­di­ca­liste et mon­trer qu’elles n’attendent rien hors de l’association, hors du syn­di­ca­lisme, hors de la lutte de classe.

« Tout est à faire ou à peu près. Cama­rades, aidez-nous. »

Vous aider, chère cama­rade, pour la tâche que vous pré­ci­sez ? Avec plai­sir, bien que nous ne nous exa­gé­rions pas l’importance de ce que nous pou­vons faire. Mais la Vie Ouvrière ne peut faire entendre un son de cloche sur cette ques­tion que si une femme veut bien mon­ter dans son clo­cher. Or, jusqu’à main­te­nant, nous sommes entre hommes, ou presque. Pour­tant, il y a évi­dem­ment beau­coup de choses à dire, à étu­dier, qui ne seraient pas sans inté­rêt pour les hommes eux-mêmes : l’organisation des ouvrières ; la situa­tion des ména­gères ; l’enseignement des filles du peuple, etc., etc. Oui, bien sûr, il y a bien des ques­tions à exa­mi­ner. Et si quelques-unes de nos abon­nées – vous par exemple ; d’autres encore – consentent à le faire, nous en serons heureux.

La Presse Anarchiste