La Presse Anarchiste

À travers les livres

L’Allemagne au tra­vail par Vic­tor Cam­bon – P. Roger édi­teur. Prix : 3 fr. 50 en vente à la librairie de « Ce qu’il faut dire »

L’Allemagne au tra­vail, tel est le titre de l’ouvrage intéres­sant dic­té à M. Vic­tor Cam­bon par une étude sérieuse de l’organisation germanique.

Cette évo­lu­tion n’est point née, comme pré­ten­dent les ignares, de l’indemnité de 1871 ni du Traité de Franc­fort ; elle résulte d’un tra­vail acharné, de l’application d’une sci­ence très poussée et d’un esprit d’ordre et de méth­ode incomparable.

M. Cam­bon expose avec une grande clarté la mer­veilleuse organ­i­sa­tion qui con­stitue la base de la force alle­mande, dont la mécon­nais­sance n’est pas sans lien avec les actuelles dif­fi­cultés de la situation.

De la Rhur à Leipzig, de Berlin à Munich, de Ham­bourg à Bres­lau, c’est l’attentif exa­m­en des usines, des Uni­ver­sités, des Écoles pro­fes­sion­nelles, des gares des Canaux dont le nom­bre et l’importance sont pour le lecteur une révéla­tion. Veut-on des chiffres ? C’est la houille dont la pro­duc­tion passe de 72 mil­lions de tonnes en 1886 à 250 mil­lions en 1910 ; la fonte de fer, 2.700.000 tonnes en 1886 et en 1910 plus de 15 mil­lions ; et tout est à l’avenant.

Voici Essen et ses forges fan­tas­tiques et malé­fiques, repaire des Krupp von Böhlen ; voici Leipzig, la ville mer­veilleuse aux mul­ti­ples bib­lio­thèques avec ses 1.200 jour­naux et ses librairies innom­brables ; et après la cité des livres voici la cité du verre : Iéna avec sa firme Karl-Zeiss, la plus extra­or­di­naire fab­rique d’Allemagne où l’industrie optique atteint une per­fec­tion inimag­in­able, grâce au génie d’un homme ; le doc­teur Abbe, savant organ­isa­teur, philosophe et philanthrope.

Puis voici Berlin, ville neuve, ville étrange aus­si pour des yeux français et où l’on retrou­ve des impres­sions d’Amérique. On dirait que la nou­velle Alle­magne a sec­oué jusqu’au sou­venir de son passé, plein de tav­ernes fumeuses et de philoso­phies suran­nées : l’Allemagne du Vieil Hei­del­berg n’est plus et voici, filant sur son emplace­ment, les trains élec­triques à 210 kilo­mètres à l’heure…

Ce développe­ment d’une rapid­ité fan­tas­tique est une preuve de ce que peu­vent l’ordre, le tra­vail et la sci­ence ; il n”est pas toute­fois sans dan­ger, sus­cep­ti­ble qu’il est de gris­er les class­es dirigeantes et les castes par­a­sitaires qui en prof­i­tent ; il mène par la voie de l’Impérialisme aux pires aven­tures, lorsqu’il se heurte à des rivaux inférieurs, mais non moins âpres, et appuyés sur un passé de puis­sance économique qu’ils ne peu­vent se résign­er à laiss­er échap­per sans lutte.

Voici com­ment con­clu­ait l’auteur, quelques mois avant la guerre : « Cer­taine­ment, l’Allemagne d’aujourd’hui ne red­oute aucun pro­duc­teur comme con­cur­rent … de plus elle appuie sa puis­sance indus­trielle sur… son armée et sa marine. Seule­ment en résulte-t-il qu’elle puisse impos­er au monde ses marchan­dis­es ? Ne ver­rons-nous pas les douaniers entr­er en scène ? Les autres nations pro­tégeront leurs indus­tries, vieilles ou nais­santes, con­tre la puis­sante Alle­magne. Déjà l’Angleterre nous en offre l’exemple avec sa loi sur les brevets étrangers. Cet exem­ple suivi et dépassé partout, serait un blo­cus mon­di­al. Fau­dra-t-il le percer à coups de canon ?… »

Il sem­ble bien que les événe­ments lui aient don­né raison.

En Alle­magne, pas plus qu’ailleurs, les gou­verne­ments n’ont su éviter le con­flit armé, mécon­nais­sant ain­si leur prin­ci­pale rai­son d’être : le bon­heur des peu­ples qui les entretiennent.

Mieux se con­naître sera peut-être pour les hommes un moyen de ne plus se bat­tre ? Des cir­con­stances obscures et com­plex­es ont exas­péré les haines et per­mis les luttes ; pour la Paix qui vien­dra il ne faut pas que le souci de l’ordre mène au culte de l’ignorance.

L’Autorité éter­nelle­ment incom­pé­tente, vient d’interdire une con­férence de M. Vic­tor Cam­bon, relisons L’Allemagne au tra­vail.

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