La Presse Anarchiste

Principes d’arithmétique physique

Chapitre premier

[|L’abstraction. L’abstraction arith­mé­tique. L’arithmétique, sa base, son but.

(suite)|]

L’abstraction.

Il ne faut pas confondre l’abstraction avec la méta­phy­sique. l’abstraction (du latin abs­tra­cum = sor­ti de) est l’opération scien­ti­fique par excel­lence. Pas de science sans abstraction.

Si l’on appelle corps, choses ou objets tous les êtres per­cep­tibles par nos sens, ou même, plus sim­ple­ment, tout ce que nous pou­vons dis­tin­guer de l’entourage à un moment don­né (un corps pou­vant être com­po­sé de corps plus petits), nous com­pre­nons faci­le­ment qu’étudier les corps, c’est les sou­mettre à l’examen de nos sens et noter le résul­tat de cet exa­men. Cet exa­men nous per­met de nous rendre compte des res­sem­blances et des dif­fé­rences des corps entre eux et d’un ou plu­sieurs corps à des moments dif­fé­rents ou dans des posi­tions différentes.

Si nous sou­met­tons un corps à l’examen suc­ces­sif de tous nos organes des sens (vue, tou­cher, ouïe, goût, odo­rat), nous pour­rons noter nos sen­sa­tions et noter ain­si les causes que nous attri­buons à ces sen­sa­tions, c’est-à-dire les pro­prié­tés qu’aura ce corps de nous impres­sion­ner diver­se­ment. C’est ce que nous appel­le­rons les pro­prié­tés du corps, que nous cata­lo­gue­rons, les rap­por­tant à nos dif­fé­rents sens, en pro­prié­tés de cou­leur, de forme, de pres­sion, de tem­pé­ra­ture, de son, etc., etc. L’ensemble de ces pro­prié­tés consti­tue­ra pour nous l’idée du corps et nous pour­rons alors conce­voir les corps comme des ensembles de propriétés.

Dif­fé­rents corps ayant des pro­prié­tés com­munes, il est impor­tant, pour évi­ter la confu­sion, de don­ner un même nom à cha­cune de ces pro­prié­tés com­munes, et l’on a été conduit natu­rel­le­ment à faire sépa­ré­ment l’étude des dif­fé­rentes pro­prié­tés des corps. Comme il est impos­sible de les étu­dier toutes à la fois dans un même corps ou dans des corps dif­fé­rents, on a été conduit à les étu­dier les unes après les autres, c’est-à-dire à oublier volon­tai­re­ment toutes les pro­prié­tés d’un ou de plu­sieurs corps, à l’exception d’une seule ou de plu­sieurs, pour com­pa­rer les corps rela­ti­ve­ment à cette ou à ces propriétés.

Oublier volon­tai­re­ment toutes les pro­prié­tés d’un ou de plu­sieurs corps, à l’exception d’une ou de plu­sieurs, pour pen­ser uni­que­ment à cette ou à ces pro­prié­tés, c’est faire de l’abstraction. l’abstraction est une opé­ra­tion qui consiste à consi­dé­rer une ou plu­sieurs pro­prié­tés des corps, en omet­tant à des­sein toutes les autres. Les abs­trac­tions ou pro­prié­tés abs­traites sont celles qu’on étu­die ou celles qu’on omet.

On le voit, toutes les sciences sont abs­traites.

L’abstraction est l’essence même de la science.

Pas de science pos­sible pour qui veut com­pa­rer les corps, sai­sir leurs res­sem­blances et leurs dif­fé­rences, en les consi­dé­rant tou­jours en bloc (corps = ensemble de pro­prié­tés) et sans s’occuper des détails (pro­prié­tés).

Le chi­miste qui pèse un corps sur un peson, c’est-à-dire qui, momen­ta­né­ment, oublie, à des­sein, toutes les pro­prié­tés de ce corps, à l’exception de celle d’avoir du poids, c’est-à-dire de néces­si­ter un cer­tain effort pour être main­te­nu écar­té de la terre, effort que nous pou­vons per­ce­voir au moyen de nos muscles (tou­cher) et mesu­rer au moyen d’un peson (vue, tou­cher), ce chi­miste fait de l’abstraction au même titre que le géo­mètre qui s’occupera, momen­ta­né­ment, de la forme des corps, à savoir de cer­taines sen­sa­tions pro­ve­nant de cer­taines pro­prié­tés et per­çues par la vue et le tou­cher, en oubliant volon­tai­re­ment toutes les autres sen­sa­tions pro­ve­nant de toutes les autres propriétés.

Clas­se­ment des sciences.

Le carac­tère de chaque science consiste dans la ou les abs­trac­tions étu­diées ou dans le ou les corps dont on étu­die une ou plu­sieurs abs­trac­tions ou suc­ces­si­ve­ment toutes les abstractions.

Un clas­se­ment logique des sciences (connais­sances) ne peut donc être fait que d’après la ou les abs­trac­tions étu­diées et d’après les corps dont on étu­die une ou plu­sieurs abstractions.

Tous les autres clas­se­ments sont illo­giques et notam­ment les clas­se­ments en sciences abs­traites et concrètes, ce qui laisse sup­po­ser qu’une science (connais­sance) peut ne pas être abs­traite. Tous les clas­se­ments faits jusqu’à ce jour sont plus ou moins absurdes. Nous don­nons ailleurs le clas­se­ment ration­nel des sciences.

L’abstraction en arithmétique.

L’abstraction que l’on étu­die en arith­mé­tique est le nombre, c’est-à-dire la pro­prié­té qu’ont tous les corps de se réunir en groupes très variés. Comme pour toute étude, on se sert de la com­pa­rai­son, on com­pare les groupes entre eux en notant les résul­tats des com­pa­rai­sons (res­sem­blances et différences).

Impor­tance de l’arithmétique.

Cette pro­prié­té de nombre est tout à fait géné­rale dans l’univers. Sa connais­sance doit donc être un moyen puis­sant de dis­tin­guer entre eux les corps, qui nous appa­raissent comme des grou­pe­ments de substance.

Or, comme nous le consta­tons, nous ne pou­vons vivre qu’en opé­rant la sélec­tion entre les sub­stances utiles et nui­sibles, c’est-à-dire en dis­tin­guant les corps et c’est la connais­sance des pro­prié­tés des corps qui nous per­met de les dis­tin­guer entre eux. Il s’ensuit que le nombre, étant une pro­prié­té très géné­rale, doit avoir une impor­tance consi­dé­rable et son étude, l’arithmétique, nous le mon­tre­ra, en effet.

L’arithmétique va nous apprendre à recon­naître les grou­pe­ments, à les nom­mer, à les clas­ser, à les suivre dans leurs trans­for­ma­tions, quand ils se déforment et se reforment en grou­pe­ments pareils ou dif­fé­rents, à for­mer, nous-mêmes, et à défor­mer des grou­pe­ments, à suivre le trans­for­misme uni­ver­sel, dont notre vie est un cas par­ti­cu­lier, et à le mesurer.

Résu­mé du cha­pitre 1er.

— Toutes les sciences sont expé­ri­men­tales et uti­li­taires. En effet, toutes les connais­sances (sciences) viennent par les sens et sont par consé­quent le résul­tat de l’expérience. La vie serait impos­sible pour l’individu qui n’écouterait pas les indi­ca­tions des sens.

— C’est l’utilité des connais­sances acquises par les sens qui a moti­vé leur conser­va­tion et leur déve­lop­pe­ment.

— Comme les autres sciences, l’arithmétique est expé­ri­men­tale et uti­li­taire.

— La base de toute science est l’abstraction, opé­ra­tion qui consiste à rete­nir une ou plu­sieurs pro­prié­tés des corps pour en faire l’étude à l’exclusion des autres. Les abs­trac­tions ou pro­prié­tés abs­traites sont celles qu’on étu­die ou celles qu’on omet. Toutes les sciences sont donc abs­traites. Pas d’abstraction, pas de science.

— Le carac­tère de chaque science consiste dans la ou les abs­trac­tions étu­diées, ou dans le ou les corps dont on étu­die une ou plu­sieurs abs­trac­tions. Un clas­se­ment logique des sciences (connais­sances) ne peut donc être fait que d’après la ou les abs­trac­tions étu­diées et d’après les corps dont on étu­die une ou plu­sieurs abstractions.

— L’abstraction que l’on étu­die en arith­mé­tique est le nombre, c’est-à-dire la pro­prié­té qu’ont tous les corps de se réunir en groupes très variés.

— L’importance de l’arithmétique est consi­dé­rable. Elle nous apprend à recon­naître les grou­pe­ments, à les nom­mer, à les clas­ser, à les suivre dans leurs dégrou­pe­ments et dans leurs regrou­pe­ments et à mesu­rer tous les grou­pe­ments si divers. L’étude du nombre est pour nous un moyen puis­sant de com­prendre le trans­for­misme uni­ver­sel, dont notre vie est un cas particulier.

Tableau réca­pi­tu­la­tif du cha­pitre 1er.

Abs­trac­tion = Opé­ra­tion consis­tant à consi­dé­rer cer­taines pro­prié­tés des corps à l’exclusion des autres. Nous per­met de dis­tin­guer les corps entre eux (sans cela nous ne pour­rions vivre), nous per­met donc de connaître (science).

Arith­mé­tique = Science du nombre. L’abstraction étu­diée en arith­mé­tique est le nombre, ou pro­prié­té de grou­pe­ment des corps. 

(À suivre)

[/​Paraf-Javal/​]

Les deux volumes d’arithmétique phy­sique, dans les­quels nos prin­cipes ont été par­tiel­le­ment expo­sés, ont été publiés par Fer­rer pour l’École Moderne de Bar­ce­lone. Ce sont un Volume de com­men­çants et un Cours moyen. Un trai­té com­plet d’arithmétique phy­sique sera publié en français.

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