D’abord personnellement je n’attache pas une importance primordiale à l’étiquette d’anarchiste. Celle-ci a couvert les aspirations de quelques pionniers à un moment de l’évolution humaine.
Pourtant nous nous rattachons à ces pionniers par des aspirations semblables. Je crois que ce qui caractérise leur effort fut de vouloir enseigner aux individus à faire leurs propres affaires sans s’occuper de l’État. (Ex. : le syndicalisme de Pelloutier).
Nous ne sommes pas du tout opposés à l’organisation sociale, au contraire. Mais nous pensons que la pire organisation est celle de l’État fortement centralisé et autoritaire – qu’on obtient de meilleurs résultats des hommes, (même des animaux, oserai-je dire) avec la bonne entente et la douceur plutôt qu’avec l’autorité brutale, ce qui ne méconnaît ni la supériorité technique ni l’influence morale – que l’organisation sociale qui nous plairait le plus serait de caractère fédéral, etc.
Quant à l’entr’aide, que Kropotkine a eu le mérite de mettre en valeur pour l’opposer aux théories réactionnaires et pseudo-darwiniennes de la lutte pour la vie, j’estime que cette vertu, si nécessaire aux animaux (y compris les hommes) vivant en société, est surtout nécessaire aux primitifs.
J’ose dire que le progrès technique libère en partie l’humanité de cette nécessité, ou du moins l’entr’aide se transforme en division du travail. Ce n’est plus qu’exceptionnellement une entr’aide directe.
Lorsque le progrès social aura libéré l’humanité des misères de l’inégalité sociale (due au parasitisme, et dont l’inégalité de l’éducation des enfants est 1a forme la moins défendable) et que l’amabilité des rapports sociaux sera l’apanage, non d’une classe, mais de tous les hommes, alors la vertu par excellence, la vertu de l’avenir, sera la confiance.
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