La Presse Anarchiste

Grève du métro : des usagers parlent

[(Un de nos cama­rades nous a fait par­ve­nir le texte d’un tract dis­tri­bué à la porte de son usine. Il prend posi­tion – avec une argu­men­ta­tion – sur la der­nière grève des conduc­teurs du métro. Nous le publions à titre d’information.)]

Pen­dant dix jours la grève des conduc­teurs du Métro a déran­gé nos habi­tudes. Alors, c’est nor­mal : on se posait des questions.
 — Pour­quoi font-ils grève ?
 — Est-ce que c’est juste ?

Mal­heu­reu­se­ment, on n’a jamais enten­du qu’un seul son de cloche : celui du gou­ver­ne­ment, de sa télé et de la presse. D’un seul coup, on les a tous vus s’apitoyer à grand bruit sur notre sort à nous, usa­gers. C’est bizarre parce que dans le cou­rant de l’année, ils ne disent jamais rien sur nos condi­tions de trans­port et les aug­men­ta­tions continuelles.

Nous, on a vou­lu savoir la véri­té : on est allé voir les conduc­teurs en grève du dépôt de l’Église de Pan­tin : c’est eux qui trans­portent tout au long de l’année une bonne par­tie d’entre nous. Là, on a appris des choses qu’on n’a jamais enten­dues ailleurs, parce que les conduc­teurs n’avaient aucun moyen de les faire connaître.

Ont-ils fait grève contre nous ?

La presse a chan­té sur tous les tons que les conduc­teurs avaient enga­gé leur lutte sans se sou­cier de la gêne cau­sée aux usa­gers : c’est faux.

Dans les dépôts, les gré­vistes avaient lon­gue­ment dis­cu­té de ce pro­blème et avaient pro­po­sé de trans­por­ter gra­tui­te­ment les tra­vailleurs 2 heures le matin et 2 heures le soir, et ça en tant que gré­vistes, c’est-à-dire sans être payés. La direc­tion a refu­sé sous de vagues pré­textes de sécu­ri­té. Son jeu était clair : iso­ler par tous les moyens les conduc­teurs du reste des tra­vailleurs. Pour­quoi l’intersyndicale n’a‑t-elle pas fait connaître aux autres tra­vailleurs cette proposition ?

Les raisons de leur lutte

La presse a dit qu’ils se bat­taient sur des objec­tifs uni­que­ment caté­go­riels (ce que les syn­di­cats, par leur atti­tude, n’ont pas démen­ti). Elle les a même trai­tés d’aristocrates. Ça les fait bien rigoler.

D’abord, la der­nière grille des salaires impo­sée par la direc­tion péna­li­sait les conduc­teurs. On ne voit pas pour­quoi eux seuls gar­daient le même Indice qu’en 1960, et en plus ils per­daient de l’argent (envi­ron 60 F). Il fal­lait que la direc­tion paye, et tout de suite pour réta­blir l’équilibre. Le prin­ci­pa­lat (indice de fin de car­rière) pour 1973 rame­né par les syn­di­cats c’est de la poudre aux yeux, sur­tout pour les anciens.

Ce qu’ils pensent des syndicats

« Pour­tant au début les syn­di­cats ils se disaient aus­si gon­flés que nous pour aller jusqu’au bout pour obte­nir tout de suite ce qu’on exi­geait de la direc­tion ils disaient : “On ira en tôle s’il le faut !” Et puis, du jour au len­de­main : “Les gars, il faut reprendre, les usa­gers sont contre vous, ils vont vous cas­ser la gueule”. »

Il faut dire aus­si qu’ils n’ont rien fait pour qu’on puisse expli­quer notre lutte aux usa­gers, sur­tout aux tra­vailleurs : une fois qu’on n’a plus été d’accord avec eux, ils ne nous ont même pas lais­sé les moyens de tirer des tracts.

Les syn­di­cats ont fait silence sur la plu­part de nos condi­tions de tra­vail : horaires très irré­gu­liers, maté­riel rou­lant usé jusqu’à la corde (quand il pleut le sol de cer­taines cabines est recou­vert par 5 cm de flotte = risque d’électrocution), les cadences effrayantes (il faut répa­rer en un temps déci­dé à la minute près qu’il ne faut pas dépas­ser sous peine d’amende).

Les syn­di­cats n’ont sur­tout pas essayé de mon­trer ce qu’il y avait de com­mun entre nos reven­di­ca­tions et celles des autres caté­go­ries de tra­vailleurs, au contraire : nous aus­si, nous lut­tons contre la réor­ga­ni­sa­tion des entre­prises sur le dos des tra­vailleurs : la réduc­tion des effec­tifs (bien­tôt un seul agent par rame qui fera tout, comme dans les nou­veaux bus) et un tra­vail abrutissant.

Il faut tirer des conséquences

Les conduc­teurs du métro tirent actuel­le­ment les consé­quences du lâchage des syn­di­cats, et ils ne sont pas les seuls à les tirer : à l’avenir, c’est à eux seuls de déter­mi­ner leurs propres formes d’action.

Les conduc­teurs du métro reprennent le bou­lot mais ils n’ont pas bais­sé les bras ; leurs reven­di­ca­tions ils les gagneront.

Dès main­te­nant, il faut se mobi­li­ser, com­prendre que c’est pareil pour eux et pour nous :

Si l’État-patron et les patrons du pri­vé veulent réor­ga­ni­ser, nous ne vou­lons pas en faire les frais !

[/​Un groupe d’ouvriers de Roussel-Romainville/]

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