La Presse Anarchiste

Nouvelle stratégie du patronat

[(Depuis la ren­trée de sep­tembre et quatre mois après la grève de mai 71, deux phé­no­mènes se détachent : aug­men­ta­tion des cadences et répression.

Certes, on serait ten­té d’argumenter dans ce sens après chaque mou­ve­ment dur, mais nous ne ferions qu’alimenter des pro­pos défaitistes.

Or, les faits pré­cis que nous énu­mé­rons plus loin tendent à prou­ver un chan­ge­ment d’orientation poli­tique de la direc­tion de la Régie, et appuient nos argu­ments en ce qui concerne une muta­tion poli­tique de style fas­ciste d’une frac­tion du patronat.

Ce choix poli­tique, selon nous, est moti­vé par une crise sociale lar­vée, liée à la situa­tion moné­taire inter­na­tio­nale, une aggra­va­tion des pro­blèmes d’emploi à laquelle les tra­vailleurs sont sen­sibles, ce qui, dans les mois à venir, risque de créer des situa­tions explo­sives dans dif­fé­rentes branches d’industrie.

Quoi qu’en dise Cha­ban, par­ti­san de la poli­tique contrac­tuelle entre par­te­naires sociaux, la grève du métro a démo­li cette poli­tique, qui sert mal­gré tout encore de paravent à la muta­tion poli­tique du patronat.)]

Nouvelle stratégie du patronat

Les décla­ra­tions du P.D.G. de la Régie pen­dant la grève de mai 71 com­por­taient une série de menaces qui appa­raissent aujourd’hui réelles ; les grèves dans des sec­teurs clés de la pro­duc­tion peuvent arrê­ter le monstre de l’automobile. Or, de cela, il n’est plus ques­tion. Le résul­tat, c’est l’encadrement mili­taire de type fas­ciste des ouvriers des sec­teurs des chaînes.

Dans l’industrie auto­mo­bile, Citroën et Chrys­ler sont à l’abri de grèves par l’implantation majo­ri­taire de la C.F.T. Or la C.F.T. a été recon­nue repré­sen­ta­tive dans l’automobile, et com­mence à s’implanter, avec les faci­li­tés qui lui sont propres, chez Ber­liet, chez Peu­geot, mais dif­fi­ci­le­ment chez Renault, de par la tra­di­tion et le poten­tiel de luttes que Renault représente.

La décen­tra­li­sa­tion de Billan­court est une solu­tion qui favo­rise le patro­nat. Cette poli­tique est actuel­le­ment accé­lé­rée, si bien que chez Renault un excé­dent d’ouvriers se fait sen­tir et il n’est pas exclu que pour l’année pro­chaine, la direc­tion, sous un pré­texte ou un autre, effec­tue un lessivage.

Comme au Palais des Sports, lors du mee­ting d’Ordre nou­veau sous la béné­dic­tion de la police, à la porte de Ver­sailles, lors de l’ouverture du Salon de l’auto, des mili­tants C.G.T. et C.F.D.T. ont été atta­qués par des mili­tants de la C.F.T. sous la béné­dic­tion de la police encore une fois.

Au 14, chaîne des moteurs, les ouvriers se mettent en grève en refu­sant d’effectuer une dizaine de moteurs de plus à l’heure, les chefs sont obli­gés de ralen­tir la chaîne.

Grève aux grandes presses, les ouvriers refusent de tra­vailler avec des jetons, car avec ces mêmes jetons les chefs contrôlent les temps de tra­vail et les enga­ge­ments de cha­cun, pou­vant ain­si plus aisé­ment aug­men­ter les cadences.

Arrêt des ouvriers tra­vaillant en fosse en s’opposant à une réduc­tion d’effectifs avec la même charge de travail.

La situation interne

Quelques faits sur les cadences.

Les conduc­trices du Bas-Meu­don de l’équipe B, trai­tées par les chefs-flics de petites éco­lières (elles ont droit à des « mau­vais points » chaque fois que la chaîne s’arrête), ont refu­sé une sur­charge de tra­vail, celle-ci étant déjà trop importante.

Les pis­to­lé­teurs du cin­quième étage se rendent compte que la chaîne ne tourne pas à 45 voi­tures à l’heure mais à 48. Aus­si­tôt, ils sortent tous de la cabine et réin­tègrent leur poste de tra­vail après avoir exi­gé 45 et pas une de plus.

Les joquettes du Bas-Meu­don refusent une sur­charge de tra­vail et le chef est obli­gé de réin­té­grer une joquette et un contrô­leur qu’il avait enlevé.

De plus en plus, Renault devient l’annexe du com­mis­sa­riat de Bou­logne ; les flics s’y baladent en essayant de pho­to­gra­phier les dif­fu­seurs de tracts, ou tous ceux que les gar­diens-flics de la Régie leur dési­gnent comme gauchistes.

De plus, la Régie a mis sur pied une sec­tion de bar­bouzes en civil qui livrent des ouvriers aux flics de Bou­logne. Tous les jours, par un ren­for­ce­ment de la « volante » aux portes, des ouvriers, et en par­ti­cu­lier les immi­grés, sont en butte à des pro­vo­ca­tions racistes. Les ouvriers com­ba­tifs sont fichés à la D.C.P.R.S.

Un ouvrier por­tu­gais revient de mala­die, ses papiers ayant été expé­diés dans les délais pré­vus, le chef le convoque et le licen­cie. Son erreur est de n’avoir pas envoyé les­dits papiers en recommandé.

En sel­le­rie, des ouvriers sont virés parce qu’ils n’arrivent pas à faire la cadence. On vire un ouvrier immi­gré sous pré­texte qu’on n’a pas de bou­lot à lui don­ner ; le cas de Chris­tian Riss ; les muta­tions tous azi­muts qui abou­tissent tou­jours à un licen­cie­ment, tous les pré­textes sont bons à la racaille de chefs fas­cistes pour dis­tri­buer aver­tis­se­ments et jours de mise à pied avant ren­voi à des ouvriers qui ne veulent pas s’abaisser devant leur dictature.

Les gar­diens-flics ont per­qui­si­tion­né le pla­card indi­vi­duel de deux ouvriers du 38 et les ont remis ensuite aux flics pour inter­ro­ga­toire ; le len­de­main, ils étaient de retour à leur poste de tra­vail. Erreur poli­cière ? En tous cas, de tels faits et de telles méthodes doivent nous faire réflé­chir ; mais tout en essayant de trou­ver une riposte valable, il faut déjà aller plus loin dans nos actions, pour évi­ter de nous trou­ver sur le ter­rain choi­si par la direc­tion. Il faut pour cela créer, par des uni­tés com­ba­tives, un cli­mat d’insécurité
 — contre les chefs-flics
 — contre les flics d’usine
 — contre les chronos
 — contre les cadences,

en main­te­nant une pres­sion sur chaque choix poli­tique d’action, afin de rendre dif­fi­cile une riposte patronale.

Il faut démon­trer les aspects posi­tifs de la lutte pour redon­ner confiance dans son uni­té et dans sa force à la classe ouvrière. Contre tous les réfor­mards-poli­ti­co-syn­di­caux et contre toute bureaucratie :

Action Directe

[/​Les anar­cho-syn­di­ca­listes de Renault./]

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