Le second, l’enfant de l’ouvrier, ne recevra d’autres soins que ceux que peut donner un mère, peut-être vigilante, mais pauvre et ignorante, contrainte de travailler pour quelques sous par jour et subvenir aux frais du ménage.
À 7 ans, on l’enverra à l’école communale ; à 12 ans, la famille, par nécessité et prévoyance, devra le mettre en apprentissage.
L’enfant peut être doué d’aptitudes ou de facultés spéciales, n’importe !… D’ailleurs, à quoi sert le savoir, le talent, le génie même, à qui n’a pas d’argent…
Le voici enfin ouvrier. Comme il n’a pas de capitaux pour acquérir les matières premières, ni souvent l’outillage, il ne peut travailler pour lui-même. Il lui faut travailler pour les autres, pour ceux qui ont l’outillage, les matières premières et les capitaux. Il faut louer sa personne, ses bras, son intelligence, et le prix de sa collaboration, qu’on appelle le salaire, est à peine suffisant pour subvenir. C’est l’infériorité de l’ouvrier sur le serf ou l’esclave. Le maître de ces derniers devait, au moins, les nourrir pour assurer ce qui était nécessaire à leur existence. Le maître de l’ouvrier ne lui assure rien – si ce n’est le grabat de l’hôpital ou les balles des soudards souteneurs de l’ordre social actuel.
Il tire au sort et reste encaserné pendant plusieurs années. Il est alors à la merci complète des galonnés hauts et bas qui, le sachant pauvre, lui prodiguent les insultes et les humiliations de toutes sortes.
Puis il se marie à une ouvrière qui unit sa pauvreté à la sienne. Il a des enfants qui seront pauvres comme lui et qu’il peut à peine nourrir à cause des mauvaises saisons et du chômage.
Après 20, 30 ou 40 ans de ce labeur, il meut usé par le travail et les privations ne laissant rien en héritage aux siens, et n’ayant pas eu même pour assurer sa vieillesse, les sous que l’État réserve – sur la poche des contribuables – aux fonctionnaires et aux mouchards de toutes sortes.
[/à suivre/]