De temps en temps, la féconde imagination des gouvernants russes dits communistes trouve un mot d’ordre, un slogan, une promesse qui suscite soit l’enthousiasme, soit l’espoir du peuple russe pour l’aider à supporter le bas niveau de vie auquel le condamne l’étatisme absolutiste et généralisé qui a remplacé le tzarisme.
Voici déjà quinze ans que les communistes français, prenant à leur compte les promesses de Staline, assuraient que, d’un jour à l’autre, le pain serait donné gratuitement en U.R.S.S. Les militants de base en étaient absolument convaincus. Nous attendons toujours. Et nous sommes si loin de l’abondance de blé nécessaire pour que cette réforme soit possible qu’en ce moment l’U.R.S.S. est en train d’acheter quelque cent millions de quintaux de blé aux nations capitalistes : environ le total d’une récolte moyenne française. On a établi le rationnement du pain, et Khroutchev a recommandé au peuple russe d’en manger peu…
On nous a, par la suite, annoncé une augmentation formidable de production céréalière grâce à l’extension et l’intensification de la culture du maïs. Khroutchev s’est fait le chantre de ce pas en avant, et a chanté lyriquement les résultats fabuleux qu’on en pouvait escompter. Nous attendons toujours aussi.
Puis est venue la colonisation des terres vierges, que devait accompagner un reboisement gigantesque. Le Kazakstan, cinq fois grand comme la France, devait devenir ainsi la deuxième région productrice de céréales panifiables. Le monde occidental serait rapidement surclassé. Résultats : achats massifs de blé au Canada, à l’Australie, à la France, à l’Argentine, aux États-Unis.
La dernière trouvaille, ou la dernière panacée, est celle de l’industrie chimique, qui a bénéficié de la plus forte augmentation parmi les diverses branches de l’économie soviétique ; naturellement, le peuple russe est assuré que, grâce à l’emploi massif des engrais chimiques, les récoltes vont, désormais, augmenter formidablement. Et, une fois de plus, Khroutchev vient de déclarer que, dans sept ans, la Russie aura dépassé les États-Unis dans tous les domaines économiques…
Mais dans la Pravda du 10 novembre, deux ingénieurs ont publié un article où ils déclarent que les usines soviétiques ne sont pas en mesure de répondre aux besoins de cette grande industrie chimique. Elles travaillent mal, freinent le développement de la chimie, les pièces détachées manquent, etc.
Enfin, la pagaille habituelle.
Le peuple russe peut attendre le nouveau miracle.
Et le bla-bla-bla continue. Accompagné de la police et des élections-référendums à 99,90 pour cent…