La Presse Anarchiste

Aux Indes

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Il existe actuel­le­ment quelques poli­ti­ciens hin­dous qui dési­re­raient voir le peuple aban­don­ner les prin­cipes du végé­ta­risme pour deve­nir capable de s’opposer aux occi­den­taux car­ni­vores et par­ti­sans de la force bru­tale. Ils savent bien que la force ne manque pas aux végé­ta­riens hin­dous, mais ce qu’il leur manque, c’est la sau­va­ge­rie guer­rière qui anime leurs enne­mis : les man­geurs de viande occi­den­taux. Cepen­dant ces poli­ti­ciens n’ont guère d’influence, car les plus écou­tés sont ceux qui demandent pour les hin­dous les avan­tages de la civi­li­sa­tion euro­péenne sans ses poi­sons : l’avidité, l’alcool, le carnivorisme.

Un des chefs les plus connus du mou­ve­ment hin­dou est Mohan­das Karam­chand Gand­hi . Âgé de 51 ans, il appar­tient à la caste des Vay­chyas et est ori­gi­naire de la presque-île de Kâthiâ­war. Il en est de même pour M. Chu­ram N. Sind­had à qui nous devons un rap­port qui nous a per­mis de faire cet article. Les prin­ci­pales castes sont les Brah­manes (la plus haute), les Kcha­trias, les Vay­chyas et les Chou­froy. Gand­hi lutte pour que dis­pa­raissent ces castes, il a don­né l’exemple en aban­don­nant son capi­tal de 7000 livres et en fabri­quant des chaus­sures, bien qu’il ait une bonne édu­ca­tion intel­lec­tuelle, et bien que la tra­di­tion de sa caste lui défende une aus­si « basse » occu­pa­tion. Nom­breux sont ceux qui le com­parent à Tol­stoï. Il vou­drait que les Hin­dous refusent et boy­cottent tous les pro­duits occi­den­taux. Il enseigne la résis­tance paci­fique contre la force bru­tale et il est un ardent défen­seur des hauts ensei­gne­ments et des hautes tra­di­tions des sages hindous.

M. Sindh­vad à qui nous devons ces infor­ma­tions, habite la région de Goud­j­rat. Dans sa ville, on ne mange ni viande, ni œufs, et quand il revint d’Europe, ses parents ne consen­tirent plus à man­ger près de lui parce qu’en occi­dent il avait man­gé des œufs. Pen­dant ses voyages en Europe, il res­ta tou­jours végé­ta­rien, mais cepen­dant dans cer­taines cir­cons­tances il man­gea des œufs, la dif­fi­cul­té de se pro­cu­rer tou­jours des végé­taux étant grande. Un jour il dési­ra que sa femme vint avec lui en Europe ; sa belle-mère s’opposa à ce départ disant qu’en occi­dent les Hin­dous reve­naient impurs en s’empoisonnant par l’alcool et la viande de bou­che­rie. Cette peur de reve­nir impur empêche de nom­breux Hin­dous de venir en Europe, car les habi­tudes euro­péennes, même déjà sur les paque­bots, entravent ou empêchent par­fois com­plè­te­ment ceux-ci de res­ter fidèles à leurs principes.

Dans le pays de Gou­j­rat, aucune per­sonne âgée de plus de 7 ans ne man­ge­rait si elle ne s’était pas bai­gnée aupa­ra­vant. Ces prin­cipes sont obser­vés avec une grande rigueur, prin­ci­pa­le­ment à Tri­chi­no­po­ly (pro­vince de Madras).

La situa­tion faite aux femmes aux Indes n’est mal­heu­reu­se­ment pas enviable, car sui­vant les rap­ports reçus elles sont les ser­vantes des hommes et elles sont pour ain­si dire cloî­trées dans leur cui­sine. Elles ne reçoivent pas la même ins­truc­tion que les hommes ; l’horizon de leur vie étant petit, elles sont très super­sti­tieuses. En tant que pra­tique indi­vi­duelle, le végé­ta­risme hin­dou n’a pas la même valeur que celui des occi­den­taux qui est conscient ; celui des Hin­dous est pra­ti­qué par la masse popu­laire qui n’en connaît pas les motifs, elle suit les tra­di­tions incons­ciem­ment. Cepen­dant, voir la masse popu­laire hin­doue diri­gée par les tra­di­tions reli­gieuses dans une voie plus noble que celle sui­vie par la masse de même niveau des pays occi­den­taux, ne peut être qu’un sujet de conten­te­ment pour nous, végé­ta­riens d’occident. Notre tâche et la tâche des végé­ta­riens hin­dous conscients et de faire connaître qu’il est néces­saire de suivre indi­vi­duel­le­ment les prin­cipes qui font pro­gres­ser l’humanité vers la manière de vivre qui n’est pas seule­ment paci­fique, mais encore la plus digne et la plus noble.

Ce fut un grand crime d’avoir intro­duit l’alcool aux Indes. Il est dési­rable que cette impor­ta­tion soit inter­dite par la loi ; mais mal­heu­reu­se­ment dans les pays occi­den­taux, la lutte contre l’alcool trouve encore de très grandes oppositions.

[/​Traduit de l’espéranto par R.J. Filliatre

Extrait du n°1 du « Vége­ta­ra­no » de Ham­burg, octobre 21/]

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