Il y a deux ans et demi, quelques personnes, voulant se libérer de la manière de vivre hypocrite des temps modernes, décidèrent de fonder une « colonie » à la campagne. Non loin de Berlin, dans « Rotes Luch » (Marais Rouge), ils réussirent à recevoir en location d’un certain comte, un champ suffisamment grand (10 hectares) où ils vivent selon la nature.
La colonie se compose d’environ 30 personnes. Hormis ceux-ci, des soutiens et des approbateurs travaillent à Berlin pour aider pécuniairement l’entreprise jusqu’à ce que la situation soit plus favorable. D’autre part, on doit noter que, sauf quelques fervents qui sont là depuis le commencement, la plupart des membres de la colonie s’est composée jusqu’à présent seulement de membres de passage. Environ 300 personnes ont déjà vécu quelque temps à la caverne.
L’initiateur, l’instigateur et l’âme de cette association est le Dr Heinrich Goldberg. Il vient souvent à Berlin pour discourir au sujet de son entreprise et recruter des partisans et des soutiens. En ce moment, il n’est pas à la colonie, mais en prison. Ses ennemis ont tiré de l’oubli une affaire de 1911, quand le Dr Goldberg tenait une clinique privée où moururent deux femmes. À cause de cela, il fut, ces derniers temps, condamné à ? ans de prison.
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Les membres de la colonie sont hospitaliers. Ils acceptent de bon cœur les visiteurs et ils les invitent à participer à la vie de la colonie. À une de mes visites, le matin, nous nous baignâmes tous dans la petite rivière, à demi ou complètement nus ; après quoi nous mangeâmes ensemble la soupe aux poires qui venait d’être cuite. Ensuite, je regardai les cabanes finies et en construction, ainsi que les tentes.
Il y a partout des fosses creusées pour faire écouler l’eau, car là est une prairie humide. Tout près est un champ où poussent activement des légumes. Dans l’étable, quelques bêtes : chèvres, poules, lapins. Une autre construction renferme l’outillage. Une autre encore est construite à la manière nègre, elle est nommée « Kralo » et est formée d’une charpente circulaire couverte de roseaux.
Selon son plaisir, chacun s’occupe à un travail quelconque, quelques-uns creusent la terre, d’autres abattent des arbres ou les déracinent. Il s’agit de construire une maison pour la saison hivernale.
Au moment de ma visite, une femme avait déjà accouché, une autre était enceinte. On ne demande pas quel est le père. Les enfants appartiennent à tous. D’autres petits enfants qui ne sont pas nés dans la commune sont cependant considérés comme des membres de la famille. Chacun peut adhérer à la commune, s’il consent au but de l’entreprise, et chacun peut se retirer si elle ne lui plaît plus.
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Il y a quelque temps, le conseiller du pays visita la colonie et fit remarquer qu’il devait y avoir au moins 2 dortoirs pour que les hommes et les femmes dorment séparément.
– Cela n’est pas nécessaire, lui fut-il répondu. Nous aimons librement. Savez-vous ce qu’est l’amour libre ?
– Hum !… Oui, je sais… Mais il est interdit par la loi !
– Nous n’avons pas de lois. Nous sommes des hommes libres.
– Cependant, puisque vous êtes en Allemagne, vous devez avoir deux constructions.
– Eh bien ! Celles-ci existent en fait.
Le conseiller s’en alla.
Aux environs s’élève une école nouvellement construite, dont le directeur déteste les membres de la colonie, principalement parce qu’ils se baignent nus.
En conversant un jour, ce monsieur dit :
– J’ai pour but de faire de bons Prussiens.
– Je veux faire de bons hommes, répondit Goldberg.
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Le comte possesseur du bien est un peu favorable à l’entreprise. Il a consenti à faire un contrat de location avec la promesse qu’après 10 ans la colonie aura le droit d’être le premier acheteur du bien.
Qu’adviendra-t-il jusque-là ? Personne ne peut le prévoir. Il est certain que de nombreuses personnes désirent pratiquer immédiatement une nouvelle manière de vivre. Ces derniers temps, se sont annoncés quelques jeunes gens de l’État de Thüringen (partie de l’Allemagne). Sans s’être illusionnés au sujet de la doctrine de Karl Marx, ils veulent immédiatement vivre le communisme, suivant leur pouvoir. Ils ont l’intention de fonder une filiale de la commune en Thüringen, comme celle existant déjà à Verdingen, près du Rhin.
Ils considèrent absolument nécessaire l’existence de plusieurs entreprises similaires pour qu’on puisse échanger les membres. Cela est sûrement une condition nécessaire du succès.
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Traduit de l’espéranto par Pierre Alliatre – Sennacieca Revuo, mai 1922