La Presse Anarchiste

La quinzaine sociale

À propos des retraites ouvrières

L’Huma­ni­té a beau se dire « organe de la classe ouvrière », elle n’est que l’organe du groupe par­le­men­taire socia­liste. Elle n’est que cela.

À chaque fois que l’intérêt des par­le­men­taires se trou­ve­ra en oppo­si­tion avec l’intérêt de la classe ouvrière – et ce sera dans toutes les ques­tions impor­tantes – on trou­ve­ra tou­jours l’Huma­ni­té du côté des par­le­men­taires. Quitte, le len­de­main, quand le tour est joué, à reprendre de grands airs d’impartizlité.

Cette atti­tude qui lui est cou­tu­mière, l’Huma­ni­té l’a reprise dans l’affaire des retraites ouvrières.

Plus de soixante mee­tings avaient été orga­ni­sés par la C.G.T. le 12 et le 13 février der­nier, contre le pro­jet de retraites ouvrières.

Que les jour­naux qui ne mettent aucun scru­pule à paraître ins­pi­rés par le gou­ver­ne­ment – qui semblent même s’enorgueillir de pal­per à ses fonds secrets, et l’on sait si Briand s’entend à orga­ni­ser sa publi­ci­té – aient fait le silence autour de ces mee­tings, rien de plus naturel.

Mais que l’Huma­ni­té ait imi­té la presse gou­ver­ne­men­tale ou la presse d’affaires, cela peut sem­bler moins naturel.

Qu’elle ait dépas­sé la consigne du gou­ver­ne­ment et qu’elle soit sor­tie du silence, pour dire men­son­gè­re­ment que ces mee­tings avaient échoué, voi­là qui doit même sem­bler extraordinaire.

Cette atti­tude méri­tait d’être rele­vée. Nous le fîmes, à un groupe de cama­rades, par l’affiche suivante :


[|Un Défi|]

Avec un ensemble par­fait, la presse a obser­vé le silence le plus com­plet sur les pro­tes­ta­tions de la C.G.T. contre le pro­jet actuel des Retraites ouvrières.

Tous les jour­naux, y com­pris l’Huma­ni­té (se disant l’organe de la classe ouvrière) ont vou­lu igno­rer les soixante et quelques mee­tings qui ont été tenus sur l’ensemble du territoire.

Cette atti­tude, fort pro­ba­ble­ment inté­res­sée, consti­tue un véri­table boy­cott auquel il est inad­mis­sible de ne pas répondre.

On a pré­ten­du, afin de pou­voir ridi­cu­li­ser notre effort, que nos pro­tes­ta­tions n’étaient que le fait de quelques éner­gu­mènes et de quelques théo­ri­ciens irréductibles !

Que la majo­ri­té de la classe ouvrière était sym­pa­thique au pro­jet actuel !

Nous nions la valeur de telles affirmations.

Nous met­tons au défi l’Huma­ni­té, le Par­ti socia­liste d’organiser, même avec le concours du citoyen Jau­rès, un mee­ting dans lequel sera sou­mise la réso­lu­tion votée à Nîmes.

Nous serons là pour faire la contra­dic­tion. On ver­ra alors der­rière qui marche la classe ouvrière.

Nous vou­lons faire écla­ter et triom­pher la légi­ti­mi­té de nos protestations.

Si on ne veut pas accep­ter notre défi, nous sommes quelques-uns dis­po­sés à répondre à ce boy­cot­tage par le sabo­tage de toutes les réunions.

[/​Grif­fuelhes, Jou­haux, Yve­tot, Lefevre, Thu­lier, Savoie, Lenoir, Mer­rheim, Monatte, Bled, Del­pech, Marie, Jac­que­moud, Char­lier, Marck, Tra­vers, Pataud, Constant, Le Gue­ry, Péri­cat, Clé­ment/​]

L’huma­ni­té fit, le 27 février, une grande réponse qui noyait le débat, qui rédui­sait les griefs des adver­saires du pro­jet gou­ver­ne­men­tal à deux pauvres petits faits : mee­ting de Bourges et mee­ting de Tivo­li, alors que c’était l’attitude géné­rale de l’Huma­ni­té dans cette affaire, toute son atti­tude de col­la­bo­ra­trice gou­ver­ne­men­tale qui était en cause.

À cette grande réponse de l’Huma­ni­té, nous en oppo­sâmes une qu’elle publia le 6 mars et qui répond, point, par point, à toutes ses allé­ga­tions et à toutes ses insinuations :


L’Huma­ni­té répon­dant à l’affiche inti­tu­lée Un Défi, déclare avoir mieux à faire que d’engager de sté­riles et pué­riles disputes.

Un débat contra­dic­toire, dans lequel on met­trait, après expli­ca­tion, la classe ouvrière à même de se pro­non­cer, en toute connais­sance de cause, sur la loi actuelle des retraites, est donc jugé inop­por­tun et fas­ti­dieux par les admi­nis­tra­teurs de l’Huma­ni­té.

C’est là, à notre avis, une façon très élé­gante d’esquiver le débat.

Il est vrai que l’affaire Aer­noult, celle du Scan­dale des Trans­ports, celle de la Polices des Mœurs inter­viennent fort utilement.

Nous pre­nons, mal­gré tout, acte de cette recu­lade. L’on vou­drait aus­si essayer de repré­sen­ter notre action comme une mani­fes­ta­tion de vani­tés blessées.

Nous pro­tes­tons éner­gi­que­ment contre de tels procédés.

Ce n’est pas l’absence de nos noms, dans les colonnes des jour­naux, qui nous fait agir. Nous sommes au-des­sus de ces vaines glo­rioles, bonnes tout au plus pour ceux qui cherchent une situa­tion sociale.

Notre défi émane d’un tout autre sen­ti­ment que celui-là.

On a pré­ten­du à dif­fé­rentes reprises, que la majo­ri­té des tra­vailleurs ne pen­sait pas comme nous ; que notre hos­ti­li­té n’était le fait que de quelques par­ti­sans du tout ou rien. Nous nions la valeur de telles affir­ma­tions. Nous deman­dons à faire la preuve contraire. Quoi de plus logique ? C’est cepen­dant cela que l’on taxe d’intimidation, de bruits, tapages, bluffs, réclames…

L’on ne peut être plus impartial !!!

On se réjouit de consta­ter l’absence de cer­tains noms au bas de notre affiche et de voir que les signa­taires ont eu la pru­dence de ne pas enga­ger leurs organisations.

Nous répon­dons qu’il nous aurait été facile de trou­ver d’autres signa­tures si nous l’avions vou­lu. Quant à nos orga­ni­sa­tions, si nous n’avons pas cru devoir les enga­ger, cela tient non pas à une mesure de pru­dence, car nous pos­sé­dons des ordres du jour, sur la ques­tion des retraites, qui nous per­mettent d’être sûrs de leur appro­ba­tion. Mais nous avons vou­lu pro­tes­ter en notre nom per­son­nel, comme tout indi­vi­du libre a le droit et le devoir de le faire, quand les inté­rêts de la cause qu’il défend en dépendent. 

Au sur­plus, une simple ques­tion. Quand le citoyen Jau­rès inter­vient à la tri­bune de la Chambre, ne croit-il pas, quoi qu’il n’en ait pas reçu le man­dat, par­ler au nom de la classe ouvrière ? 

On nous reproche d’avoir, mal­gré l’habile, mais gros­sière cou­ver­ture, vou­lu diri­ger notre coup contre l’Huma­ni­té et, à tra­vers elle, contre le Parti.

Nous ne nions pas cela. Mais vrai­ment, on devrait, à l’Huma­ni­té, être les der­niers à s’étonner de ce fait.

N’est-ce pas l’Huma­ni­té elle-même qui, par son atti­tude à notre égard, a moti­vé notre attaque ?

Nous n’avons pour mémoire qu’à rap­pe­ler : 1° L’insertion en bonne place du mani­feste pro­tes­tant contre la déci­sion prise par le Comi­té confé­dé­ral, à l’unanimité moins une voix. À ce moment, on ne s’est pas sou­cié de savoir si ceux qui signaient avaient l’entière appro­ba­tion de leurs man­dants ; 2° l’insertion en pre­mière, pre­mière colonne, de l’ordre du jour de la Bourse du Tra­vail d’Amiens. Est-ce qu’en cette affaire on est allé deman­der l’avis des Syn­di­cats du Tex­tile, de la Métal­lur­gie, des Che­mins de fer, du Bâti­ment, de l’Habillement, des Cuirs et Peaux, qui pro­testent contre la déci­sion ? 3° La petits note accom­pa­gnant la rec­ti­fi­ca­tion de Grif­fue­heles au sujet du mee­ting de Bourges.

Cette note lais­sait entendre que si aucun compte ren­du n’avait été don­né pour les autres mee­tings, c’est que, pro­ba­ble­ment, les cor­res­pon­dants ne les avaient pas jugés assez importants.

On ne pou­vait plus clai­re­ment lais­ser sup­po­ser à tous les lec­teurs que notre cam­pagne avait abou­ti à un fias­co complet. 

Cepen­dant, si les cor­res­pon­dants sont bien ren­sei­gnés, ils doivent être sûrs du contraire.

4° Enfin, la non-inser­tion de l’annonce du mee­ting du dimanche 20 février.

Par notre atti­tude, nous avons vou­lu démon­trer que nous n’étions pas dupes de ces manœuvres.

En ce qui concerne le Par­ti, si nous l’avons nom­mé, c’est tout sim­ple­ment parce que l’on a oppo­sé la déci­sion de Nîmes à celle de la C.G.T.

Ce n’est pas nous qui avons dres­sé le Par­ti contre les orga­ni­sa­tions syndicales.

À Nîmes, ce sont les inté­rêts poli­tiques qui ont pri­mé les inté­rêts économiques.

Certes, c’était le droit du Par­ti, et loin de nous la pen­sée de vou­loir res­treindre sa liberté.

Nous ne vou­lions d’ailleurs pas faire de la poli­tique de par­ti, mais sim­ple­ment enre­gis­trer cer­taines constatations.

Il n’est pas défen­du de mon­trer aux tra­vailleurs qu’il s’est trou­vé, dans le sein du Par­ti, une majo­ri­té pour sacri­fier les inté­rêts ouvriers aux inté­rêts des élus !

C’est ce que nous vou­lons prou­ver. C’est la signi­fi­ca­tion de notre phrase : « Sabo­tage de toutes les réunions ».

On essaye de nous faire pas­ser pour des gens hai­neux et agres­sifs. Avouez que nous n’avons pas été méchants et que nous sommes res­tés dans les limite de la cour­toi­sie. Nous aurions pu dire des choses qui eussent été, par leur publi­ci­té, plus pré­ju­di­ciables aux élus.

Il nous aurait été facile, par exemple, d’afficher les paroles de cer­tain par­le­men­taire, à la Tri­bune du Congrès, lorsqu’il décla­rait que le « Par­ti n’avait pas de leçon à rece­voir de la C.G.T., dans une ques­tion pure­ment, politique ! ».

Nous aurions pu faire consta­ter, au public, les agis­se­ments de ceux qui, après – et seule­ment après – le vote de la motion, dénoncent le carac­tère illo­gique et arbi­traire de la loi sur les retraites !

On parle d’insinuation : « Cette atti­tude fort pro­ba­ble­ment inté­res­sée » et l’on nous dit être prêts à nous mon­trer les comptes du journal !

Pas un ins­tant, l’intention de sus­pec­ter la comp­ta­bi­li­té n’a effleu­ré notre pensée.

C’est enfan­tin pour ne pas dire plus.

En par­lant d’attitude « fort pro­ba­ble­ment inté­res­sée », nous sous-enten­dons la cam­pagne entre­prise et la situa­tion élec­to­rale des élus.

De fortes pré­somp­tions étayent notre opinion.

Est-ce que depuis l’ouverture de la dis­cus­sion des retraites il y eut jamais un mot dur, une cri­tique, dans les colonnes de l’Huma­ni­té contre nos ministres actuels, pro­mo­teurs de cette escro­que­rie : Mil­le­rand, Vivia­ni, Briand ?

Est-ce que Jau­rès, lui-même, au Congrès de Nîmes, ne, se refu­sait pas à faire cam­pagne contre ces Messieurs ?

Est-ce que Jau­rès ne sera pas can­di­dat offi­ciel aux pro­chaines élections ?

Nous n’avons vou­lu sous-entendre que cela !

Nous sommes-nous trompés ?

[|* * *|]

Enfin on déclare : « nous met­tons, quant à nous, notre hon­neur à ne lui avoir four­ni ni indi­ca­tion, ni chiffres faux »

Cela veut dire – si nous savons lire – que seuls ceux que nous avons cités sont faux. 

Il fau­drait faire la preuve de cela ; c’est ce que l’on refuse.

Il est vrai que notre argu­men­ta­tion n’a pas été pui­sée à des sources aus­si auto­ri­sées que les docu­ments du minis­tère du Travail.

Vivia­ni était certes celui qui devait déte­nir les chiffres les plus pré­cis, puisqu’il les tenait de M. Fus­ter, repré­sen­tant offi­ciel du Comi­té des Forges.

Qui donc ose­rait sou­te­nir que des chiffres éta­blis par des tra­vailleurs, le soir, après leur tra­vail, puissent avoir une valeur aus­si grande que ceux d’une orga­ni­sa­tion patro­nale, puis­sante comme le Comi­té des Forges !.

Il faut être bien présomptueux !!

Nous sommes ces pré­somp­tueux et c’est la preuve de la valeur de nos chiffres que nous ferons, mal­gré et contre Mes­sieurs les élus.

[|* * *|]

Un der­nier mot.

On sou­ligne iro­ni­que­ment l’expression « Der­rière qui marche la classe ouvrière ? »

Vrai­ment, y a‑t-il là matière à irone ?

C’est cou­ram­ment que, dans les milieux par­le­men­taires, cette expres­sion est employée ; on la retrou­ve­rait très faci­le­ment et très sou­vent, en feuille­tant la col­lec­tion de l’Huma­ni­té. C’est donc une iro­nie de mau­vais aloi, qui se retourne contre ses auteurs.

Et main­te­nant recon­nais­sons que « le monde ne s’arrêtera pas de tour­ner lorsque nous n’exercerons plus nos fonc­tions ». Mais en serait-il autre­ment si cer­tains par­le­men­taires dis­pa­rais­saient de la scène politique ?

En ter­mi­nant, nous décla­rons per­sis­ter dans notre atti­tude, ayant un grand sou­ci des inté­rêts de nos cama­rades ; nous vou­lons, au nom de nos humbles per­son­na­li­tés, nous oppo­ser de toutes nos forces à la dupe­rie, à l’escroquerie, qui se trament contre le prolétariat.

Est-ce trop pré­su­mer de notre éner­gie et de la valeur de nos argu­ments ? L’avenir nous le dira !

De nou­veaux cama­rades, sans que nous les ayons sol­li­ci­tés, sont venus nous deman­der de bien vou­loir appo­ser leurs signa­tures au bas de cette rectification.

Leur nombre aurait été cer­tai­ne­ment beau­coup plus grand si nous avions fait un appel spécial.

[/​Grif­fuelhes, Jou­haux, Yve­tot, Lefevre, Thu­lier, Savoie, Lenoir, Mer­rheim, Monatte, Bled, Del­pech, Marie, Jac­que­moud, Char­lier, Marck, Tra­vers, Pataud, Constant, Le Gue­ry, Péri­cat, Clé­ment, Roueste, Forgues, Robert, Gal­lois, Lapierre/​]

Chômage international des filatures de coton

Le coton est la proie de la spéculation[[Au sujet de cette spé­cu­la­tion, voi­ci un fait qui montre un des côtés de la situa­tion actuelle.

M. J.-A. Pat­ten, a été sur­nom­mé par les Amé­ri­cains le « roi » du coton. Ses spé­cu­la­tions gigan­tesques n’ont pas été étran­gères à la crise qui écla­ta en 1908, en Angleterre.

Au com­men­ce­ment de mars der­nier, M. J.-A. Pat­ten se pré­sen­tait à la Bourse des cotons de Man­ches­ter (Angle­terre). Recon­nu, il fut immé­dia­te­ment entou­ré et ses amis eurent toutes les peines du monde à le déga­ger pour le sous­traire aux poings qui le mena­çaient. Pour­sui­vi par les bour­siers, il se réfu­gia dans une mai­son d’où la police dut le faire fuir par une porte dérobée.

Le len­de­main, à Liver­pool, on lui fai­sait une ova­tion, mais M. Pat­ten s’empressa de s’embarquer le jour sui­vant pour New-York.

Ses amis déclarent qu’ils vont com­men­cer une cam­pagne de hausse vigou­reuse pour le ven­ger de la récep­tion bru­tale qu’il a reçue à la Bourse de Man­ches­ter.]]. En Europe, où l’on est tri­bu­taire, pour cette matière, de l’Amérique, de l’Égypte et des Indes Anglaises, le prix du coton varie sui­vant les bonnes ou mau­vaises récoltes, varia­tions qui servent de pré­texte aux spé­cu­la­teurs pour faire la hausse ou la baisse.

Cette année, la situa­tion pour les fila­teurs de coton s’annonce sous un jour plu­tôt noir si nous en jugeons par la note suivante : 

« Le prix du coton, que cer­tains jugeaient déjà exces­sif, conti­nue à mon­ter et nous avons main­te­nant dépas­sé 28 tallaris[[Le tal­la­ri est une mon­naie éthio­pienne qui vaut cinq francs.]] Le stock s’épuise de plus en plus et la ten­dance de la fila­ture dans tous les pays indus­triels d’Europe à adop­ter le short-time (chô­mage) prouve que les fabri­cants sont désor­mais convain­cus de l’insuffisance de la matière pre­mière. L’Égypte et l’Amérique se sont don­né la main pour avoir cette année une révolte défi­ci­taire. Les Indes seules ont bien ren­du, mais leur excé­dent n’a pas suf­fi à cou­vrir la dimi­nu­tion, d’Égypte et des États-Unis[[The Finan­cial News 10 fév. 1910]]

En fait, c’est l’éternelle lutte entre les pro­duc­teurs de la matière pre­mière (les culti­va­teurs de coton) et les trans­for­ma­teurs (les filateurs).

Seule la Métal­lur­gie donne le spec­tacle d’une lutte aus­si âpre, avec son conflit entre les fabri­cants de coke et les métal­lur­gistes pro­duc­teurs de fonte.

Le ve Congrès Inter­na­tio­nal des Fila­teurs de coton (Paris, juillet 1908) avait exa­mi­né les moyens de résis­ter aux exi­gences de la spé­cu­la­tion. Il avait voté la motion suivante :

« Après avoir enten­du les dif­fé­rents rap­ports sur la situa­tion com­mer­ciale des dif­fé­rents pays, exprime la convic­tion que l’établissement d’une réduc­tion de pro­duc­tion égale peut seule écar­ter les incon­vé­nients, soit du manque de matière pre­mière, soit d’une sur­pro­duc­tion industrielle ; 

« Invite toutes les orga­ni­sa­tions fédé­rées à com­plé­ter leur orga­ni­sa­tion de façon qu’une réduc­tion égale puisse être éta­blie aus­si­tôt que les cir­cons­tances l’exigeront. »

Si l’on songe que sur 128 mil­lions de broches filant le coton dans le monde, cette réso­lu­tion fut adop­tée par les repré­sen­tants de 111 mil­lions, on en com­prend toute l’importance et l’on peut, dire qu’elle est, actuel­le­ment, en application.

En effet, fin novembre 1909, les fila­teurs de l’Est de la France déci­dèrent de réduire de 20 p. 100 la consom­ma­tion du coton d’Égypte, à par­tir du 13 décembre et deman­dèrent à la Fédé­ra­tion Inter­na­tio­nale de pro­po­ser cette mesure aux autre pays, afin de la rendre efficace.

Presque en même temps, la Fédé­ra­tion patro­nale Ita­lienne d’Europe annon­çait que ses adhé­rents rédui­saient de 19,56 p. 100 leur consommation.

Les Anglais – auteurs de la pro­po­si­tion au Congrès de 1908 – deman­dèrent de faire chô­mer leurs ouvriers un jour par semaine. Le 20 décembre 1909, la Fédé­ra­tion ita­lienne pre­nait la même déci­sion et à l’occa.sion de la Noël pro­lon­geait de deux jours le chô­mage de ses usines.

Le 11 jan­vier der­nier, l’Association des Tis­seurs et Fila­teurs Belges déci­dait le chô­mage des usines un jour par semaine pen­dant trois mois.

Le 19 jan­vier, sous la pré­si­dence de M. Méline, ancien pré­sident, du Conseil, le Syn­di­cat Géné­ral de l’Industrie Coton­nière de France exa­mi­nait la même ques­tion : 64 fila­teurs, repré­sen­tant 2.300.000 broches, adop­taient le prin­cipe d’un jour de chô­mage par semaine, sous les condi­tions suivantes :

« 1° Un chô­mage, d’un jour par semaine, fixé au same­di, aura lieu un mois après que l’adhésion de 70 p. 100 du nombre total des broches Amé­rique de la région aura été obtenue.

« 2° Le chô­mage d’un jour par semaine sera pra­ti­qué pen­dant trois mois consé­cu­tifs et ensuite par tacite recon­duc­tion pen­dant trois autres mois, à moins qu’une assem­blée géné­rale n’en décide autrement.

« 3° Une com­mis­sion com­po­sée de deux membres par région sera char­gée d’élaborer les condi­tions d’application du chômage.

« 4° Les déci­sions prises par cette com­mis­sion seront sou­mises à la sanc­tion des syn­di­cats régionaux. »

Quelques jours après, les fila­teurs suisses déci­daient à leur tour que « si l’adhésion de fila­teurs repré­sen­tant un nombre égal à 60 p. 100 du total » était obte­nue, à par­tir du 14 février et pour une durée de trois mois, la pro­duc­tion serait réduite de 15 p. 100.

Enfin, les fila­teurs anglais qui appliquent depuis plu­sieurs mois le chô­mage, viennent de pro­po­ser la conti­nua­tion de l’arrêt des machines, le lun­di et le same­di de chaque semaine pen­dant huit semaines au-delà du 28 février, date fixée pri­mi­ti­ve­ment pour la ces­sa­tion du chômage.

Ain­si, l’entente inter­na­tio­nale patro­nale a réus­si à se réa­li­ser. Les syn­di­cats patro­naux du coton sont par­ve­nus à appli­quer le chô­mage en France, en Bel­gique, en Ita­lie, en Suisse et en Angleterre.

Dans cette der­nière nation, selon le « Man­ches­ter-Guar­dian », si la période du short-time (chô­mage) conti­nue quelques temps encore, l’attitude des ouvriers pour­rait subir un changement.

Jusqu’à pré­sent, les asso­cia­tions ouvrières du Lan­ca­shire, par exemple, payaient à leurs adhé­rents une indem­ni­té de chô­mage. Mais voi­ci que cer­taines sont à bout de res­sources. L’une, même, aurait sus­pen­du le paie­ment, des indemnités.

Pauvres caisses de chô­mage ! Comme elles pèsent peu devant cette volon­té concer­tée des exploi­teurs. N’est-il pas néces­saire que les tra­vailleurs comptent sur autre chose que leurs gros sous de réserve ?

La Presse Anarchiste