La Presse Anarchiste

Considérations réalistes sur les événements d’Espagne

Le mou­ve­ment révo­lu­tion­naire, qui vient de s’a­che­ver en Espagne par le triomphe du gou­ver­ne­ment Ler­roux, n’offre qu’un inté­rêt rela­tif dans le plan social, c’est-à-dire de l’é­man­ci­pa­tion du pro­lé­ta­riat espagnol. 

L’exa­men objec­tif des faits per­met en effet de pla­cer ce mou­ve­ment, y com­pris la grève géné­rale, dans le cadre des évé­ne­ments spé­ci­fi­que­ment « poli­tiques ». La jeune répu­blique espa­gnole est en évo­lu­tion constante et toute pré­vi­sion serait bien auda­cieuse en ce qui concerne son avenir.

En Espagne comme par­tout ailleurs en Europe, 1a crise éco­no­mique se fait sen­tir, et consé­quence fatale, le fas­cisme pro­file sa menace à l’ho­ri­zon. Le mou­ve­ment fas­ciste est « tra los montes » diri­gé par Pri­mo de Rive­ra, neveu du trop célèbre dic­ta­teur. D’autre part, les monar­chistes sont loin d’a­voir aban­don­né toute idée de res­tau­ra­tion et ils sont nom­breux, riches et puissants.

Quant aux par­tis poli­tiques dits « de gauche », il semble bien qu’ils s’in­gé­nient à imi­ter ceux de France dans leurs pali­no­dies et leurs renoncements. 

Il faut enfin tenir compte de la dis­sem­blance pro­fonde que pré­sentent entre elles les diverses régions de la pénin­sule ibé­rique : les Basques et les Navar­rais des cam­pagnes, catho­liques fer­vents, tendent vers le sépa­ra­tisme, mais n’ont que peu ou point d’i­déal social. Dans les régions indus­trielles des Astu­ries et du Sud, les masses ouvrières sont divi­sées et le retard appor­té par le Sud à la par­ti­ci­pa­tion au mou­ve­ment fut une des causes de son échec. 

Enfin, les diri­geants de la Cata­logne crurent le moment venu de pro­cla­mer l’in­dé­pen­dance de leur pays. Leur acte irré­flé­chi ne pou­vait qu’é­chouer, et par son échec ren­for­cer le gou­ver­ne­ment de Madrid. 

On peut conclure en affir­mant que la grève géné­rale et le sou­lè­ve­ment n’au­ront eu d’autre résul­tat que de sau­ver la répu­blique bour­geoise d’Es­pagne, mena­cée à droite par la réac­tion monar­chiste et fas­ciste et à gauche par les forces révolutionnaires. 

Quant à croire que M. Ler­roux et ses amis radi­caux mani­fes­te­ront quelque recon­nais­sance au peuple espa­gnol pour avoir sau­vé leur Répu­blique, il fau­drait être bien naïf pour cela !

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