La Presse Anarchiste

Déflation-Inflation

La situa­tion éco­no­mique a mis sur le plan de l’ac­tua­li­té l’in­fla­tion et la défla­tion. Selon les opi­nions, on est par­ti­san ou adver­saire de l’une ou de l’autre.

La défla­tion consiste à abais­ser les prix. L’inflation consiste à les augmenter.

Si l’on abaisse les prix, on doit réduire en même temps l’a­voir de tous, car il convien­drait mal de réduire les res­sources de sala­riés en ne tou­chant qu’à cer­tains prix de cer­taines den­rées. En ne géné­ra­li­sant pas la mesure, on com­met une injus­tice, on crée de ce fait cer­tains pri­vi­lèges et on lèse une bonne par­tie d’individus.

C’est le cas des sala­riés, qu’ils soient fonc­tion­naires ou tra­vailleurs de l’in­dus­trie pri­vée. Les salaires ont été réduits ces temps der­niers, il y a eu défla­tion de salaires, c’est-à-dire dimi­nu­tion de la capa­ci­té d’a­chat. Mais nul n’o­se­rait affir­mer que le coût de la vie a dimi­nué dans une même pro­por­tion. Les pro­jets des gou­ver­nants suivent donc en l’oc­cur­rence des inté­rêts par­ti­cu­liers ; en l’es­pèce, les sto­ckeurs de matières pre­mières ou de pro­duits manufacturés.

La défla­tion abaisse les prix de revient-or ;

Elle sou­lage la tré­so­re­rie d’un pays en lui per­met­tant de reti­rer de la cir­cu­la­tion des billets qui dépré­cient sa mon­naie lors­qu’un cer­tain chiffre est dépassé ;

Elle abaisse le prix des matières pre­mières pour les­quels le pays est tri­bu­taire de l’étranger.

L’in­fla­tion semble don­ner des résul­tats contraires ; s’il faut inté­rieu­re­ment une plus grosse somme de billets pour ache­ter les mêmes den­rées, elle lèse les sala­riés dans leur rému­né­ra­tion ; les droits de douane, les contin­gen­te­ments, les impôts indi­rects inter­ve­nant tou­jours avant que les sala­riés aient obte­nu le rajus­te­ment de leurs salaires.

Avec l’in­fla­tion, l’or fuit ; il va dans des pays mieux équi­li­brés ; mais elle a un avan­tage immé­diat : c’est de dimi­nuer le chô­mage, car les prix de revient, com­pa­rés aux prix mon­diaux, tendent vers le mini­mum, atti­rant ain­si les com­mandes jus­qu’au jour où les pays, concur­ren­cés par la déva­lua­tion de la mon­naie, éta­blissent des contin­gen­te­ments ou déva­lo­risent à leur tour.

C’est la lutte à laquelle se livrent les États pour la conquête du mar­ché mon­dial. Mais ce jeu de bas­cule qui alterne la pros­pé­ri­té et la misère gonfle le pas­sif des États, les impôts sui­vant tou­jours la même courbe et s’aug­men­tant par l’emprunt lorsque les moins-values inter­viennent dans la ren­trée des impôts. Eta­blir un bud­get sur le papier est bien, mais quel est le ministre qui sau­rait pré­dire et tra­cer avec exac­ti­tude le dia­gramme de l’é­co­no­mie d’une nation ? Leurs aper­çus théo­riques sont presque tou­jours en deçà de la réalité.

Qu’on soit ou non par­ti­san de la déva­lua­tion de la mon­naie n’a pas tant d’importance, les faits se char­geant d’apporter trop sou­vent aux solu­tions théo­riques des cor­rec­tifs inat­ten­dus. Les gou­ver­nants se disent adver­saires de l’in­fla­tion ; or, pour­quoi rafle-t-on l’or ? Et pour­quoi fait-on des emprunts à jet conti­nu pour pal­lier aux néces­si­tés de tré­so­re­rie que l’im­pôt ne peut satis­faire ? Car on emprunte, et régu­liè­re­ment, depuis deux ans. Deux ans pen­dant les­quels ont été émis, se suc­cé­dant à inter­valles qua­si régu­liers des obli­ga­tions du Tré­sor 4 ½ % 1932, pour un capi­tal de 3 mil­liards 660 mil­lions ; des obli­ga­tions du Tré­sor 4 ½ % 1933, pour un capi­tal de 5 mil­liards 176 mil­lions ; des bons du Tré­sor 4 ½ % 1933 à dix ans, pour un capi­tal de 3 mil­liards 348 mil­lions ; des bons du Tré­sor 5 % 1933 à 5 ans, pour un capi­tal de 1 mil­liard 600 mil­lions ; des bons du 1’résor 5 % 1934, pour un capi­tal de 5 mil­liards 66 mil­lions et des obli­ga­tions du Tré­sor 5 % 1935, dont le mon­tant n’est pas encore publié, qui ont ser­vi, il est vrai, pour 2 mil­liards, à cou­vrir le mon­tant des bons dits bons Clémentel !

Sans comp­ter l’emprunt actuel des­ti­né à cou­vrir l’é­chéance de 10 mil­liards de bons.

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L’at­ti­tude du gou­ver­ne­ment en la cir­cons­tance est claire ; la situa­tion éco­no­mique ne per­met­tant pas d’é­qui­li­brer hon­nê­te­ment le bud­get, on lance l’i­dée de défla­tion ; on dimi­nue les salaires, on com­presse tout ce qui peut être com­pres­sé – car l’emprunt n’est pas une solu­tion – et lorsque l’on a recours régu­liè­re­ment à l’emprunt – les gou­ver­nants le savent fort bien – il conduit à l’inflation.

Dans la période inter­mé­diaire allant de la dimi­nu­tion des salaires à leur rajus­te­ment, des semaines, des mois, peut-être des années seront pas­sés, car la lutte ouvrière pour la sau­ve­garde du stan­dard de vie est tou­jours en retard sur la réa­li­té, ce sera autant de raflé sur les mil­lions de sala­riés. Quant aux épar­gnants, aux ren­tiers, à tous ceux qui ont eu foi dans l’É­tat, leur franc-or, deve­nu du franc 4 sous, devien­dra du franc à 1 sou, car le seul, et unique, moyen pour régler ses dettes est de faire faillite ; le caram­bouillage est une tech­nique de para­sites et mau­vais payeurs. 

Le sys­tème éco­no­mique basé sur la loi du pro­fit exige pour sub­sis­ter des capi­taux frais et la répu­dia­tion pério­dique de ses enga­ge­ments ; l’ou­vrier est spo­lié du fruit de son effort, mais l’ac­tion­naire est vic­time au même titre des stra­tèges du capi­tal : l’un pro­duit, l’autre en cher­chant le pro­fit joue et tous les deux sont dépouillés d’une façon magique et per­sonne n’y a rien compris.

[/​Ariel/​]

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