La Presse Anarchiste

Les Magnicides

Au cours du 19e siè­cle, il y eut des atten­tats con­tre nom­bre de rois ou de chefs d’État[[Voir L’Œu­vre du 14 octobre.]]. 

Le 28 juil­let 1835, Louis-Philippe échap­pa à un atten­tat qui fit de nom­breux morts et blessés. L’in­stru­ment de l’at­ten­tat était une rudi­men­taire machine infer­nale imag­inée par un cer­tain Fieschi, et que con­sti­tu­aient vingt-cinq canons de fusils dont les amorces devaient s’en­flam­mer simul­tané­ment. Jugé par la Cour des pairs, et con­damné à mort, Fieschi ne fut guil­lot­iné qu’en févri­er 1836.

Mais Louis-Philippe allait con­naître d’autres atten­tats, à com­mencer par celui d’Al­ibaud, qui déchargea sur lui un fusil-canne, le 25 juin 1836. Un brusque mou­ve­ment en arrière sau­va le monar­que. L’at­ten­tat de Meu­nier, la même année, et ceux de Dar­mès en 1840, de Lecomte et d’Hen­ri en 1846, ne rom­pirent pas cette royale chance, qui fut qual­i­fiée de mirac­uleuse. Napoléon iii : l’at­ten­tat d’Orsi­ni, le soir du 14 jan­vi­er 1885. Le cou­ple impér­i­al se rendait à l’Opéra, qui était alors rue le Peleti­er. Trois bombes écla­tent sur le galop des lanciers de la garde. Elles atteignent en plein la calèche offi­cielle. On relève des morts et des blessés. Mais l’empereur et sa femme ne reçoivent pas la moin­dre écorchure, 

L’at­ten­tat du Polon­ais Bere­zows­ki : 6 juin 1867. L’Ex­po­si­tion uni­verselle vau­dra à Paris la vis­ite du tsar Alexan­dre ii. Il est l’hôte des Tui­leries. Les deux empereurs revi­en­nent en voiture du Bois de Boulogne quand un coup de pis­to­let fait cabr­er les chevaux, qui seuls sont atteints. 

Le 11 mai 1878, Haedel fait feu sur Guil­laume ier, le 2 juin, Nobil­ing le blesse d’un coup de cara­bine ; le 25 octo­bre, Mon­cazi tire sur Alphonse xii — 1879 : Qua­tre coups de revolver sont dirigés par Solovief sur le tsar Alexan­dre ii ; le 30 décem­bre, Gon­za­lès manque de peu Alphonse xii. – 1880 : le 17 févri­er, Khal­tourine fait sauter la salle des gardes du Palais d’Hiv­er, à Saint-Péters­bourg. Bilan : huit morts et quar­ante-cinq blessés. Mais l’empereur et les siens ne sont pas présents, sauvés par un retard de quelques min­utes. L’an­née suiv­ante, en revanche, le 13 mars 81, Alexan­dre ii tombe sous les coups des nihilistes Rys­sakof et Jélaboff. 

C’est Case­rio, poignar­dant à Lyon le prési­dent Carnot, le 24 juin 1894. Le 9 sep­tem­bre 1898, le poignard de Lucheni frappe à mort l’im­péra­trice d’Autriche, qui vil­lé­gia­ture à Genève. Le 23 juil­let 1900, deux coups de revolver tirés par Bresci atteignent mortelle­ment le roi Hum­bert d’I­tal­ie. Le 5 sep­tem­bre 1901, Czol­go­sz assas­sine à Buf­fa­lo le prési­dent Mac-Kin­ley. À Paris, le 1er juin 1905, une bombe est lancée par une main restée incon­nue sur Alphonse xiii, que le prési­dent Lou­bet accom­pa­gne. Le 31 mai 1906, Mateo Mor­ral, à Madrid, en lance une sur le car­rosse nup­tial du jeune roi d’Es­pagne. Les chevaux et la voiture sont réduits en miettes, mais le roi et la reine sor­tent de là-dessous sains et saufs. 

Con­vient-il de rap­pel­er, après cela, la tragédie de palais qui, à Bel­grade, s’ache­va par le meurtre du roi Alexan­dre et de la reine Dra­ga, dans la nuit du 10 au 11 juin 1903 ? Quelques années encore et nous arrivons à l’at­ten­tat de Lis­bonne : le 1er jan­vi­er 1908, des révo­lu­tion­naires font un feu de salve sur la famille royale qui se rend en voiture au palais des « Neces­si­tades ». Le roi Car­los et le prince héri­ti­er s’écroulent, tués sur le coup. Enfin, en 1913, Georges 1er, roi des Hel­lènes, tombe à son tour assassiné. 

1914. L’at­ten­tat de Sara­je­vo, qui déclen­cha la plus gigan­tesque des cat­a­stro­phes. Le prési­dent de la République, Doumer, con­nut aus­si un sort trag­ique. Mais les tra­vailleurs, eux, com­bi­en ont-ils péri qui demeureront oubliés de l’his­toire, mar­tyrs du tra­vail, ensevelis au fond des mines ou des océans, tués par l’é­goïsme patronal et vain­cus par la mis­ère ? Et com­bi­en de mil­lions sont tombés, vic­times des querelles de rois ? L’His­toire, qui tient à jour le reg­istre des souf­frances des maitres, nég­lige dans ses comptes le sang plébéien.


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